SECTION 2 : LA RUPTURE DU LIEN MATRIMONIAL
70 Tranoambo : maison surélevée, sur
pilotis dans laquelle sont stockés les récoltes et les
matériels non usuels.
71 MESSELIERE, Du mariage en droit malgache,
p. 47.
Nous avons vu les étapes par où doivent passer
les époux avant que leur union soit consacrée. Avoir une compagne
ou un compagnon est cependant très difficile. C'est pourquoi, les
autochtones ne cherchent pas à se séparer volontairement sans
motifs graves. Et la mort aussi rompt l'union.
§1- LE DECES DE L'UN DES EPOUX
Le décès de l'un des époux est le mode
normal de la dissolution du mariage. Cela signifie que l'époux survivant
est en principe libre de contracter une nouvelle union. Le cas des
indigènes n'est pas aussi simple car le mariage se contractait surtout
entre les familles. Les effets du mariage se répercutent principalement
chez ces dernières. C'est pourquoi le décès de l'un des
époux ne suffit pas pour dissoudre leurs relations.
Dans cette société égalitaire, les effets
du décès considères comme cause de la rupture du lien
matrimonial ne sont pas les mêmes pour l'époux et l'épouse
survivant.
A- Le décès de l'homme
Le décès de l'homme ne libère pas
l'épouse du lien matrimonial. Les familles ne voulant pas rompre leurs
relations mutuelles vont décider du sort de la femme. Deux cas peuvent
se présenter ; tantôt la femme reste dans la famille de l'homme,
tantôt elle retourne chez ses parents.
1- La femme reste chez la famille de son mari
Il est pratique chez le peuple autochtone que la femme qui ait
perdu son mari soit retenue dans la famille de son mari. Cette rétention
est faite pour faire perdurer le mariage la bonne entente entre les deux
familles d'un côté, entre la veuve et la famille de son mari de
l'autre. La femme ne peut
72 Trano : maison d'habitation.
pas se marier trop vite pour montrer à sa belle famille
la profondeur de son chagrin. La veuve a en effet une responsabilité aux
yeux des autres membres du groupe villageois. C'est pourquoi elle doit tout
faire pour ne pas donner l'impression d'être coupable.
Les moeurs à cette époque étaient
dominées par les superstitions . Une femme qui a perdu son mari
était considérée comme une sorcière donc maudite
par le village.
Le fait de rester auprès des parents du mari et de
s'entendre avec eux permet à la femme de se mettre à l'abri des
accusations. La famille du garçon est pour elle et ses enfants un
refuge.
L'objectif du mariage étant surtout d'avoir une
progéniture. Souvent, les beaux parents ne veulent pas se séparer
de leurs petits enfants. Ils auront le sentiment de perdre gros si les enfants
partent avec leurs mères. En effet, même dans l'époque la
plus reculée, la coutume léguait aux mères la garde de
leurs enfants de bas âge. Personne d'autre ne peut mieux les entretenir
que leurs mères.
Nous remarquons que l'entente produit un double effet, dans
l'intérêt mutuel des beaux parents et de la veuve. Au fil du
temps, le malheur s'oublie et les parents du garçon pensent à
l'avenir de leur belle -fille qui ne doit pas rester toute seule. D'ailleurs il
est anormal qu'une femme féconde demeure dans l'état de
célibat trop longtemps. Les autres «zazalahy » ou hommes non
mariés du village la convoitent. La seule réticence qu'ils ont
c'est la superstition évoquée plus haut et qui s'oublie lorsque
la femme reste chez ses beaux-parents. Au lieu de repousser les hommes, la
veuve les attire. Mais cette attirance met en péril l'ordre
établi entre la veuve et sa famille. Il suffit qu'un des zazalahy la
séduit et l'enlève pour qu'un nouveau mariage soit
contracté avec une autre famille. Et ce nouveau mariage va dissoudre le
premier car la femme n'est pas libérée par le décès
de son mari.
Pour éviter l'impasse, les autochtones ont prévu
une coutume qui consiste à obliger la veuve qui veut un époux
à se marier avec son beau frère73, le cadet de son
mari mais non pas l'aîné74. Si l'homme avait plusieurs
frères, on laissait à la femme la liberté de choisir un
mari parmi eux. A défaut de frère, les beaux parents proposent
à la veuve les neveux ou les cousins de son mari.
Cette coutume cherche à préserver l'entente
préalablement établie et les enfants laissés par le
défunt seront les enfants légitimes du nouveau mari, membre de la
famille.
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