B)- La surveillance du nouveau ménage
L'union produisant autant d'effets bénéfiques,
tels que cités plus haut, mérite d'être maintenue pour
sauvegarder les intérêts des familles. C'est pourquoi, la coutume
autochtone autorise ces familles à veiller au bon fonctionnement du
ménage. En cas de décès du mari par exemple, le famille de
la femme est chargée de donner de la nourriture aux enfants. Et les
petites querelles non réglées par le couple peuvent être
soumises à la famille qui va sanctionner le fautif. S'il manque de la
nourriture dans le «Tranoambo»66 les familles doivent en
fournir au foyer en manque.
Tout cela sont les effets que produit le mariage à
l'égard des deux familles des époux. Le mariage produit aussi des
effets dans l'organisation de la société.
§2- LES EFFETS DU MARIAGE A L'EGARD DES EPOUX
L'organisation de la société autochtone se fait par
le système de rang. Les hommes et les femmes ont leur propre mode
d'organisation.
A- Les effets sur le statut social des époux
1- Le mariage et le statut social de
l'homme
Chaque individu a sa place exacte dans la
société autochtone. Les hommes et les femmes ont leur mode
d'organisation qui leur est propre. Les nouveaux nés des deux sexes sont
les « zazakely ». Dès qu'il sait courir, le garçon a le
statut de « beminono » et commence a jouer un rôle dans la vie
sociale. Son rôle est de ramasser du bois. A sa puberté, il
devient "zazalahy" dont le rôle social est d'enterrer les morts. Jusque
là, ce sont les critères biologiques qui permet au garçon
de passer d'un rang social à un autre. Beaucoup d'hommes restent «
zazalahy». Certains, les plus courageux à faire
un rapt et à fonder une famille gravitent les
échelons de la société. En effet, seul le mariage peut
leur permettre de monter de classe en devenant « olombe ». Et le
statut social d'olombe se renforce par rapport au nombre d'enfant que l'homme
aura procréé. Le chef du village est choisi parmi les olombe.
Nous avons déjà vu le privilège matrimonial du chef du
village qui, rappelons-le, est le « géniteur» dans le
village.
Nous pouvons deviner à quel point tous les zazalahy
veulent gravir les échelons. Un "olombe", il peut assister aux palabres
par exemple ou à toutes circonstances nécessitant la
présence d'hommes de son rang. Néanmoins les « olombe »
sont tous sous l'ordre direct du chef du village et lui doivent respect, de
même ils doivent respect aux « olombe » plus âgés
qu'eux. Ils ne peuvent pas prendre l'initiative personnelle de remplacer le
chef.
Voilà en ce qui concerne les effets du mariage sur le
statut social de l'homme . Qu'en est il de celui de la femme ?
2-Le mariage et le statut social de la
femme
Les nouveaux nés sont les "zazakeli", sans distinction
de sexe. Puis, les filles passent au statut de « sarabanadika »
67ou fillettes qui ont pour rôle d'aider leurs mères.
Nubiles, les filles deviennent « somondrara ». Ce sont elles qui sont
les victimes d'enlèvement. Les « zazalahy » sont les
ravisseurs. Mais le statut de femme marié ne change en rien l'importance
sociale de la femme. Il faut attendre qu'elle ait des enfants pour qu'on
l'appelle « tsarbiteza ». Plus elle a d'enfants , plus elle est
admirée par les « zazalahy » qui rêvent de femmes
fécondes. Son importance sociale reste toujours figée
jusqu'à ce qu'elle ait des petits enfants. Les indigènes
l'appellent «viavi-be». C'est parmi les «viavi-be» qu'est
choisi le chef des femmes qui ont une importance sociale très grande
dans la société matriarcale autochtone.
66 Tranoambo ou grenier à riz
67 Sur les classes d'âge voir DESCHAMPS, Les
malgaches du Sud Est, p.1 55. Notons qu'on s'est seulement inspiré
des informations de DESCHAMPS dans notre analyse.
Bien que le mariage en lui même ne produit aucun effet
sur le statut de la femme, la société accorde beaucoup plus
d'importance aux femmes mariées qu'aux jeunes filles nubiles. Et le
mariage est une étape conduisant la femme à la place du chef des
femmes plus tard.
B-Les autres effets
1- Les effets communs aux époux
La société autochtone, consciente de la
difficulté rencontrée par les époux lors de leur
première installation dans le nouveau foyer, exclut les nouveaux
mariés des taches communautaires.
MESSELIERE, rapportant les propos de JULIEN, avance qu' «
en pays Tatsimu 68,on laisse tranquilles les jeunes époux
pendant quinze jours qui suivent le mariage ; on respecte leur liberté
et même, en cas de corvées d'intérêt
général auxquels les fokonolona prendrait part en
totalité, les époux qui viennent d'entrer en ménage
(mpihaobao) ne sont pas déranges. Ils sont censés, dans le
premier temps de leur union, aménager leur intérieur.
En entrant dans le ménage, le mari remet a son
épouse un mortier, un pilon, un van et une louche, tous les objets qu'il
a fait lui-même avec du bois pris dans la forêt voisine.
Ce sera à la femme de confectionner les nattes
vestimentaires (tafitsihy), les nattes couvertures (bona), et les nattes
sièges (tsihi fitaboha), les corbeilles et les paniers. »
69
2. Les fady ou interdits
68 JULIEN a donne le nom de Tatsimu au groupe de
population du Sud-Est de Madagascar.
69 MESSELIERE, Du mariage en Droit malgache,
p.181
Le domicile conjugal se construit sur la « tanindrazara
» ou la terre des ancêtres du mari.
Deux constructions composent le foyer : la « trano » ou
la maison d'habitation, ensuite le « tranoambo »70 ou
grenier à riz.
En complément de ce que nous avons vu plus haut sur la
répartition des tâches par classe d'âge ou chacun trouve sa
juste place dans la société primitive, force est de constater que
même dans le foyer, chacun des époux a son attribution propre. Ce
sont les « fady » ou interdits coutumiers qui harmonisent cette
répartition des tâches. Des « fady » sont imputés
sur le « tranoambo » et la maison d'habitation qui constituent le
foyer.
Le « Tranoambo » est aussi inviolable que le «
fasana » ou le tombeau71. Le mari a la plénitude des
pouvoirs pour ravitailler le « tranoambo ». Sa femme ne peut le
contraindre ni se substituer à lui.
A côté du « fady » sur le « tranoambo
» il y a aussi le « fady » sur le « trano
»72.
Dans la maison il y a les « fady » que l'homme doit
observer. Ces « fady » portent sur la place qu'occupe l'homme, d'une
part, et celle qu'occupe la femme, d'autre part. Mais l'interdit commun aux
peuples autochtones est celui qui empêche l'homme de se servir
lui-même du repas préparé par sa femme.
Voilà en gros les règles coutumières en
matière d'obligation de cohabitation à laquelle sont soumises les
deux époux.
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