1.4.2. La morale
D'autre part, si la dénonciation de la violence semble
être un élement atténuant le caractère horrifique
d'une oeuvre (notamment en vue de leur classement en catégories
d'interdictions), ce n'est en aucun cas un élément présent
tel quel dans un film d'horreur, et c'est principalement ce qui est souvent
reproché au genre. Car comme le rappelle Laurent Jullier, «Le film
qui «dénonce la violence» est par là même une
chimère1». Cependant les slahers ou les survivals
regorgent de mises en situation morales à consonnances religieuses : la
fille saine, vierge et bien à tous égards laissée en
survivante ultime d'une tuerie (Halloween, Scream,...) le feu
purificateur effaçant les traces d'un évènement surnaturel
ou d'un massacre (Amityville, La Fin des Temps,...) ou encore l'espoir
porté par l'enfantement ou la croissance d'un enfant ayant
survécu aux crimes (Massacre à la Tronçonneuse, La
Colline a des Yeux,...). D'autre part, c'est souvent un
élément déclencheur à connotation morale qui
bouleverse un état et fait basculer le film dans l'horreur ou le
fantastique, comme le rappelle Jean-Louis Leutrat : «toute topographie
fantastique comporte un domaine dont il ne faut pas s'approcher, un territoire
tabou dans lequel pénétrer entraîne les pires
désagréments (...) La notion de frontière est donc
fondamentale dans l'organisation de l'espace de ces récits. (...) Sans
frontière, sans limite, pas de fascination de l'autre, pas de
transgression non plus.»2 D'où un développement
d'une esthétique du passage, combiné avec le rôle de la
musique en crescendo (portes, trappes, ponts, fenêtres,...). Les films
d'horreur sont le miroir des défauts de l'homme : curiosité,
rebellion, orgueil, non respect des lois établies,...
Ces lieux communs font partie des clichés concernant
les productions horrifiques, souvent identifiés et réduits aux
slashers ou aux survivals: ceux qui les reproduisent se placent dans une
démarche soit de respect de ces codes -une logique pouvant être
assimilée à du cinéma dit d'exploitation- soit de
détournement de ceux-ci à travers une recherche esthétique
nouvelle ou par l'humour. Or en ce qui concerne la dimension morale de ces
films, s'ils ne sont pas ouvertement dénonciateurs, ils ne font pas non
plus l'apologie de la violence, malgré les mises en garde
fréquentes des défenseurs des enfants et de certains psychologues
et critiques, arguments souvent utilisés afin de détruire le film
plus qu'à tenter d'en déceler l'originalité. Le traitement
de la violence reste tout de même un élément
déterminant un palier en vue de l'interdiction d'un film à une
catégorie de mineurs, tout comme l'ambiance malsaine ou angoissante, la
présence d'éléments déstabilisateurs dans le cadre
familial, la prise de drogues et d'autres critères,
1 Laurent Jullier, op. cit. p. 67
2 Jean-Louis Leutrat, op. cit. p.58
tout en examinant cependant la totalité du propos
développé par le film1. Malgré la
liberté de création dont bénéficient les arts en
France, il s'avère difficile de promouvoir, même sous une
dimension esthétique, une sorte de violence dite gratuite. Or
paradoxalement la figure de l'artiste maudit, marginal et provocateur fascine
et continue d'avoir cours dans l'imaginaire collectif2. La
volonté de provocation souvent invoquée dans ce genre de cas,
comme pour celui des snuff movies -qui ne sont qu'une légende urbaine-
ne suffit pas à justifier une telle déferlante de violence et
passe mal dans l'opinion publique. Il faut détacher le propos du film de
celui de son ou de ses réalisateurs ou scénaristes : un film
mettant en scène un tueur psychopathe ne signifie pas que celui qui l'a
imaginé en cache un, de même qu'une série présentant
à l'écran des fondamentalistes religieux n'est pas
nécessairement raciste.
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