4.2. Quelle culture pour les films d'horreur ?
Si la psychologie des spectateurs est délicate à
manipuler pour caractériser le public des films d'horreur, la sociologie
peut y contribuer davantage. En effet, la subversion représentée
par les films d'horreur au sein de sociétés qui prohibent la
violence est souvent désignée comme la raison principale de
l'intérêt pour ce type de cinéma. Cependant, il y a lieu de
s'interroger : Cette dimension fait-elle réellement partie d'une
subculture, à la manière des tribus musicales, entraînant
un style de vie particulier, propre au groupe, pour qui la dimension de partage
est essentielle ?
1 C'est ce que demande le Comité
Interassociatif Enfance et Médias (CIEM)
4.2.1. La subversion
La dimension subversive est la plus invoquée lorsqu'il
s'agit d'expliquer l'attirance des spectateurs pour des films présentant
des éléments marginaux voire interdits dans la vie réelle.
Cette volonté de transgression, d'aller à l'encontre des codes
établis, peut contribuer à expliquer la démarche de
visionnage1. C'est ce mouvement de provocation qui a vu naître
plusieurs types de cinéma d'horreur dans les années qui ont suivi
l'aprèsguerre. Les jeunes réalisateurs de l'époque,
faisant face à une société pudibonde et moralisatrice, ont
voulu, comme à leur manière les chanteurs de rock ou les
militants politiques, bouleverser les dogmes qui avaient cours jusqu'alors dans
le milieu cinématographique. C'est pourquoi les aficionados de
cinéma horrifique étaient, dans les années 1970-80,
souvent associés à d'autres mouvements transgressifs, qu'ils
soient musicaux (rock, punk, new-wave)2 ou politiques (communistes,
féministes). Cette subversion est considérée comme
l'apanage des jeunes générations, qui tendent à se
rebeller contre l'ordre établi. Cette dimension est assimilée
à la jeunesse car celle-ci comporte de fortes velléités de
rupture, l'adolescent et le jeune adulte ayant besoin de cadres
réglementaires à enfreindre pour se construire.
L'émancipation de l'autorité parentale et des impératifs
sociétaux est une nécessité pour certains, une entrave
pour d'autres. Le philosophe Fabrice Midal3 expose sa conviction
selon laquelle il doit exister des figures référentielles
permettant à un artiste -et a fortiori à tout être humain-
de se construire, que ce soit contre elles ou en les acceptant, à la
manière de l'adolescent qui a besoin d'une figure représentant
l'autorité à laquelle il doit se heurter pour grandir et
évoluer ensuite au sein d'une société dont il aura compris
les enjeux. On peut se demander, sans pour autant se faire les chantres d'une
pensée réactionnaire, si ce n'est pas le manque de
potentialités de rébellion, au sein d'une société
libertaire et permissive, qui tend à expliquer les dérives de
certains films mettant en scène une grande violence. Désormais,
il semble que la provocation d'un choc de nature à relancer, à
chaque sortie de films d'horreur au cinéma, un débat
récurrent sur les images violentes, passe par la surenchère. La
volonté de transgression contenue dans les réalisations
horrifiques contemporaines ne tiendrait-elle plus qu'à cela, attirant
par-là un autre public que les habitués du genre, plus
fidèles à la dimension fantastique ? Cela ne semble pas aussi
évident à démêler qu'il n'y paraît. Les
ambitions des réalisateurs de ce genre semblent
1 Elle est patente également dans les scenarii
des films d'horreur, représentée par l'élément
perturbateur au sein du schéma narratif
2 Et de nombreuses personnalités de ces
mouvements feront des apparitions dans des films comme Lemmy Kilmister de
Motorhead dans Tromeo & Juliet de Lloyd Kaufmann. D'autres
figureront au générique sur la bande son comme Alice Cooper pour
un volet de la saga Vendredi 13 ou Dimmu Borgir pour
Hellboy.
3 Fabrice Midal, Petit traité de la
postmodernité en art, 2007, Pocket, coll. Agora
refléter
l'hétérogénéité des motivations des
différents publics des films d'horreur ; Si Stuart Gordon admet
volontiers qu'il est quelqu'un de très peureux et que ses films l'aident
à se distancier de l'idée de la mort1, d'autres comme
Uwe Boll ou Andreas Schnass affichent clairement leur volonté de
provocation, tant à travers leurs films que leur attitude. Si le public
occasionnel, comme nous l'avons vu, recherche plutôt les vertus dites
basiques de ces films et le public régulier plutôt
l'esthétique qui y est à l'oeuvre, il semble que la
démarche des deux peut cependant se situer dans la transgression, l'un
ne s'y immergeant que de temps en temps, l'autre en faisant un credo. Si cette
attitude peut changer de forme et de public, il semble qu'elle fasse partie
d'un mouvement qui comporte une forte dimension culturelle, et a fortiori
subculturelle.
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