SECTION 3 : LES DOMMAGES DUS AUX AUTRES CAS EXCEPTES
Il incombe au transporteur de prouver les
circonstances caractérisant le(s) cas excepté qu'il invoque.
Parmi ces cas, nous traiterons ici de l'incendie volontaire et involontaire
(§1), de la faute nautique (§2), des faits constituant un
événement non imputable au transporteur (§3) et de toute
autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute du transporteur
(§4).
SS 1 : L'INCENDIE VOLONTAIRE ET INVOLONTAIRE
Le transporteur est automatiquement et à
priori libéré si la marchandise a péri ou a
été endommagée par un incendie. A ce stade il n'a pas
à justifier de l'origine des dommages (art 4 al 2-b de la Convention de
Bruxelles).
Ce principe souffre d'une seule exception :
Si l'incendie a été causé par le fait ou la faute du
transporteur. Dans ce cas, ce sera au chargeur qu'il incombera de prouver la
faute du transporteur.
A priori, le transporteur ne pourra pas invoquer
son absence de faute si c'est lui qui a volontairement provoqué
l'incendie. Cependant, il serait intéressant de se demander s'il ne
pourrait toujours pas se prévaloir de son absence de faute pour le fait
d'avoir volontairement incendié la partie infestée d'une
cargaison dans le but de préserver l'autre partie demeurée saine
et intacte. Le bon sens voudrait que cet acte soit couvert par le sacrifice
prévu dans le cadre de l'institution des avaries communes. Il semble
donc inapproprié de penser que l'incendie volontaire serait
systématiquement constitutif d'une faute du transporteur. Bien entendu,
l'incendie volontairement provoquer dans le seul but d'obtenir des primes
d'assurances demeure totalement fautif.
Quoi qu'il en soit, l'incendie d'origine
inconnue est libératoire pour le transporteur. Afin d'exonérer le
transporteur, l'incendie doit avoir été à l'origine des
dommages (i.e. Le lien de causalité doit être
établi).
Il est cependant important de rappeler que
l'incendie couvre les dommages causés non seulement par le feu, mais
aussi par la fumée et l'eau déversée pour éteindre
le feu.
SS 2 : LA FAUTE NAUTIQUE DU CAPITAINE
Le transporteur est exonéré des
fautes du capitaine, des marins pilote ou préposés dans la
navigation et l'administration du navire, tout en restant responsable de ses
fautes personnelles et des fautes commerciales-(c.à.d. fautes dans les
soins à apporter à la marchandise).
Seules les fautes concernant la navigation et la
sécurité du navire devraient recevoir la qualification de fautes
nautiques. L'arrimage défectueux, en principe faute commerciale, peut
revêtir le caractère d'une faute nautique lorsqu'il compromet la
stabilité et la sécurité du navire Cependant la cour de
cassation a récemment tranché en ce sens que la faute d'arrimage
doit être considérée comme une faute commerciale.
Cependant il convient de préciser que la
faute nautique peut se doubler d'une faute commerciale.
Pour qu'il y ait faute nautique, le transporteur
doit avoir commis une faute dans l'administration du navire mettant en cause la
stabilité et la sécurité du navire.
La faute nautique des préposés ne
libère le transporteur que si elle est la cause unique du dommage :
si le transporteur n'a pas pris tous les soins pour atténuer les
conséquences de la faute nautique, les juges y verront un concours de
causes, voire un concours de faute. Le transporteur ne pourra d'ès lors
pas se prévaloir de ce cas excepté vu qu'il ne saurait pas se
prévaloir de son absence de faute.
Comme cette institution est en passe d'être
abandonnée, nous n'allons pas nous étendre d'avantage sur le
sujet. Voyons plutôt les faits constituant un événement non
imputable au transporteur.
SS 3 : LES FAITS CONSTITUANT UN EVENEMENT
NON IMPUTABLE AU TRANSPORTEUR
Le cas excepté des faits constituant un
événement non imputable au transporteur est prévu à
l'article 4 al 2- de la Convention de Bruxelles. Il regroupe les cas fortuits,
la force majeure, la fortune de mer, l'Acte de Dieu, les faits de guerre ou
d'émeutes et les troubles civils, le fait d'ennemis publics, le fait
des tiers, l'arrêt ou la contrainte de prince, et les grèves ou
LOCK out.
Concernant la fortune de mer, il s'agit des
événements imprévisibles et anormalement pénibles
(résultant d'un concours de circonstances dans lesquelles entrent en
cause la force du vent, l'état de la mer et la hauteur des vagues) dont
le transporteur n'a pu conjurer les effets malgré les soins, l'attention
et la diligence apportés à l'exécution de ses obligations.
Ces causes libèrent le transporteur sans qu'il ait
à démontrer le caractère de force majeure de ces
événements.
La jurisprudence a pris l'habitude d'adopter une
interprétation stricte de la fortune de mer. C'est ainsi que le gros
temps et les tempêtes ne sont pas nécessairement
exonératoires pour le transporteur. De plus, la violence d'une
tempête ne caractérise pas à elle seule, la fortune
de mer. Le mauvais temps ou la tempête sont des événements
prévisibles en matière maritime. Ils n'exonèrent donc le
transporteur que s'ils ont été d'une violence exceptionnelle et
insurmontable. Dans de telles circonstances, il convient de relever le
caractère inopérant des fautes et/ou diligences du transporteur
vu que son comportement ne peut avoir aucune incidence dans le
déclenchement ni dans la résistance face à cet
événement insurmontable. Ce raisonnement semble pouvoir
être transposé, avec des réserves, dans le cas des actes de
Dieu.
Le transporteur se trouve également en
situation d'absence de faute en cas de dommages ayant pour origine les faits de
guerre ou d'émeutes et de troubles civils, lorsqu'au moment du
chargement, il ignorait l'existence de cette situation insurrectionnelle
régnant au port de déchargement.
Concernant les faits d'ennemis publics et le
fait des tiers (i.e. Toute personne n'agissant pas pour le compte du
transporteur maritime), le caractère extérieur à
l'attitude du transporteur ne fait pas de doute et n'oppose aucune restriction
à ce que le transporteur invoque son absence de faute.
Par contre, en ce qu'il s'agit de l'état
de grève au port de déchargement, le transporteur ne se trouvera
en situation d'irresponsabilité que si, au moment du chargement, il
ignorait cet état de fait. Au cas contraire, il doit refuser de prendre
en charge la cargaison. De plus, il ne faut pas que cette grève trouve
son origine, totalement ou partiellement, dans un de ses actes ou
décisions. Précisons tout de même que le cas excepté
tiré de la grève n'est invocable que si elle existe au jour
où l'escale pour déchargement est prévue et non pas la
veille.
Au cas où ces conditions seraient
remplies, le transporteur devra quand même prouver que l'activité
du port a été bloquée par un événement
imprévisible et insurmontable et que le dommage a bien pour cause
directe la grève ou le LOCK out invoqué. Notons au passage que le
chargeur peut se prévaloir d'une faute du transporteur pour
réintroduire partiellement la responsabilité de celui-ci.
Quoi qu'il en soit, en principe, les
grèves ou LOCK out ne doivent pas nécessairement revêtir
les caractères de la force majeure pour être libératoires.
Cette exigence de la force majeure ne se retrouve pas non plus en cas de
dommages dus au cas excepté tiré de l'arrêt ou de la
contrainte de prince.
SS 4 : TOUTE AUTRE CAUSE NE PROVENANT
PAS DU FAIT OU DE LA FAUTE DU TRANSPORTEUR
Ce cas innomé a été
ajouté par l'art 4 al 2-q de la Convention de Bruxelles afin
d'éviter qu'un transporteur maritime ne soit injustement
condamné sur la base d'un dommage dont la cause ne lui est pas
imputable.
Le transporteur désirant invoquer ce cas
innomé pour s'exonérer devra établir l'existence d'un
événement précis qui a causé le dommage et son
absence de faute ainsi que celle de ses préposés dans la
réalisation du dommage.
Les Règles de Hambourg du 31 mars 1978
semblent cependant accorder une place primordiale à cette cause
d'exonération. En effet, en dehors des trois cas qu'il prévoit
expressément, le transporteur devra invoquer cette cause pour
s'exonérer de tous les dommages subis par la marchandise qui
était sous sa garde.
Une fois la traversée achevée,
s'ouvre alors le moment de l'arrivée au port. Encore une fois, toute une
suite d'obligations devront être accomplies par le transporteur qui
désire demeurer dans une situation d'absence de faute.
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