Section 1 : La mise en oeuvre des réformes
adéquates
Les propositions formulées ci-après visent d'une
part, l'efficacité du système fiscal burkinabé (§-1),
et d'autre part, l'élargissement de l'assiette fiscale (§-2).
§-1 : Les réformes visant
l'efficacité du système fiscal
Il s'agit de réformes qui portent sur la science et la
technique fiscale. Leur caractère général permettrait
d'agir sur l'ensemble du système fiscal de notre pays afin de lui
insuffler un nouveau dynamisme.
Ainsi, trois (03) recommandations peuvent être
formulées en vue d'obtenir un système fiscal transparent,
flexible et simple, un contrôle fiscal plus renforcé qui
intègre la lutte contre la fraude et l'évasion
fiscale et une amélioration du recouvrement de l'impôt.
a) Un système fiscal transparent, flexible et
simple
Un « bon système fiscal» ou un système
fiscal optimal doit être fondé sur trois grands principes : la
transparence, la flexibilité et la simplicité19.
> Un système fiscal transparent
L'efficacité d'un système fiscal dépend
d'abord de sa transparence. En effet, la transparence du système veut
que chaque contribuable puisse connaître le montant des impôts
payés par les autres contribuables. Cette nécessité vient
du fait que tous les contribuables sont des consommateurs de services publics
et ils doivent être informés de ce que chacun paye en
échange des services fournis. Malheureusement certains ne remplissent
pas ce critère. C'est le cas de la TVA où il est difficile de
chiffrer avec exactitude le montant payé à l'administration
fiscale par chaque citoyen.
Il serait plus que nécessaire que l'administration
fiscale fasse chaque année la désignation des meilleures
redevables selon des critères objectifs et compris par tous afin de
mettre en évidence les contribuables fiscalement corrects. Toute chose
qui aura un impact motivateur et sensibilisateur sur l'amélioration du
civisme fiscal, et partant de l'amélioration du niveau des recettes
fiscales. Tout en étant transparent, le système fiscal
burkinabé ne doit pas être non plus rigide.
> Un système fiscal flexible
La politique fiscale d'un pays doit s'adapter en permanence
aux changements de l'économie et aux transformations sociales. En effet,
comme la conjoncture économique change, il est souhaitable de modifier
les taux d'imposition. Plus, la base d'imposition est sensible à
l'évolution de l'activité économique, plus l'impôt
joue son rôle de régulateur automatique.
L'une des grandes faiblesses du système fiscal
burkinabé est son manque de flexibilité. A titre d'illustration
certaines dispositions du Code des Impôts et du Code
19 STIGLITZ E Joseph, Principes
d'économie moderne, page 357.
de l'Enregistrement et du Timbre et l'Impôt sur les
Valeurs Mobilières datent de la période des
indépendances20 où elles avaient été
calquées sur les Codes français notamment. Or dans un
environnement économique en perpétuelle mutation, la
fiscalité au risque de devenir inefficace doit à son tour
s'adapter. Les modifications ponctuelles ne suffisent plus et il est
impérieux de faire évoluer l'éparpillement des codes
fiscaux vers le Code Général des Impôts non sans revisiter
les dispositions desuètes. A ce sujet, il faut signaler qu'un projet de
Code Général des Impôts attend d'être adopté
par l'Assemblée Nationale.
> Un système fiscal simple
Le système fiscal cédulaire qui est en vigueur
au Burkina Faso crée une multitude d'impôts et de taxes, et comme
ce système est déclaratif, le contribuable est soumis à
plusieurs déclarations à la fois. L'abondance d'impôts et
de déclarations doublée de la complexité du langage fiscal
produit des effets négatifs sur le consentement de l'impôt ou fait
le lit de la fraude. La fraude est un véritable facteur limitatif de
recouvrement des recettes fiscales. Dans un sens comme dans l'autre, le
système cédulaire produit un effet multiplicateur qui s'exerce
tant sur la taxation que sur les exonérations sélectives et
indispose considérablement. Or, avec un «bon système
fiscal», il devrait être difficile d'échapper aux
impôts. Un auteur affirme qu' « une fiscalité complexe
est répulsive, soulève des résistances et aiguise
l'hostilité des contribuables, surtout lorsque ceux-ci sont
analphabètes et peu avertis des méthodes modernes de gestion. Il
en résulte que le contribuable ne peut être un partenaire
qualitatif et actif du fisc »21.
En considération de cette affirmation, la
simplification du système fiscal burkinabé est donc une
nécessité si l'on veut avoir des impôts acceptés,
payés spontanément parce que compris par tous les contribuables
ou tout au moins par une grande partie d'entre eux.
Actuellement, le législateur est engagé dans un
chantier de définition de stratégie de réforme de la
politique fiscale. L'option pour la réinstitution d'un impôt
général sur le revenu (IGR) apparaît sérieuse.
20 Le code des impôts adopté
par la loi 6-65/AN du 26 mai 1965 et le code de l'enregistrement et du timbre
adopté par la loi 26-63/ AN du 24 juillet 1963
45
21 Actes du Centre des Rencontres et
d'Etudes des Dirigeants Administrations fiscales (CREDAF), 1989 sur la
communication, P. 72.
b) Le renforcement du contrôle fiscal et la
lutte contre la fraude et l'évasion fiscale
> Le renforcement du contrôle fiscal
Le contrôle fiscal est l'ensemble des procédures
et moyens légaux que l'administration met en oeuvre pour vérifier
la sincérité des déclarations des contribuables. Il
constitue aussi une occasion pour informer le contribuable de ses droits et
obligations tels que prévus par la législation fiscale. Le
contrôle fiscal est le moyen le plus approprié pour relever les
manquement à la loi fiscale. En principe l'impôt devrait
être portable, mais les défiances en ces temps-ci l'ont rendu
quérable. Même à ces conditions, les commis de l'Etat sont
mal accueillis par les contribuables. Ce n'est que sous la contrainte ou pour
éviter les sanctions applicables en cas de non paiement (majoration des
droits, non participation aux marchés publics, fermeture d'entreprises,
sanctions pénales, etc.) que les contribuables s'acquittent de leurs
obligations de contribuer aux charges de l'Etat.
Par conséquent, il est recommandé que tous les
moyens légaux soient déployés dans le cadre du
renforcement du contrôle fiscal afin d'assurer une meilleure
rentabilité des impôts. En effet, au-delà de son
caractère répressif, le contrôle fiscal a aussi un
rôle éducateur (pour les contribuables vérifiés) et
un rôle de dissuasion (pour ceux qui ambitionnaient frauder). En tout
état de cause, l'adage qui dit que la confiance n'exclut le
contrôle justifiera le renforcement et l'affinement du dispositif de
surveillance des opérations fiscales.
> la lutte contre la fraude et l'évasion
fiscale
La lutte contre la fraude et l'évasion fiscale va de
paire avec le renforcement du contrôle fiscal. La fraude et
l'évasion fiscale font partie des actes ou des comportements qui ont
pour finalité la contestation du pouvoir fiscal, c'est-à-dire le
refus de l'impôt.
La fraude fiscale peut être définie comme «
une infraction à la loi commise dans le but d'échapper
à l'imposition ou d'en déduire le montant
22».
Les causes de la fraude et l'évasion fiscale sont
multiples et extrêmement variées qu'il serait hasardeux de se
risquer à déterminer quelle cause est la plus la
46
22 P. Beltrame, l'impôt,
édition M.A, 1987
plus déterminante. Néanmoins les causes
couramment citées sont : l'inadaptation du système fiscal, le
refus de contraintes (dans le sens du caractère obligatoire ou
contraignant de l'impôt), les mentalités, le goût du risque,
la conjoncture économique, la pression fiscale ou même
l'appât du gain.
Les manifestations de la fraude fiscale sont aussi
variées. Au regard des constats, on peut citer, entre autres, les cas
suivants :
- l'omission volontaire de déclarations ; le
contribuable ne déclare pas par exemple l'IUTS de ses employés
dans le délai légal ;
- la dissimulation de revenus ; le contribuable ne
déclare pas tous les revenus ou ne déclare rien du tout ;
- l'omission de passation d'écritures ou passation
d'écritures inexactes ou fictives même si le résultat
fiscal est différent du résultat comptable ;
- d'autres manifestations sont aussi perceptibles et touchent
de manière spécifique certains impôts tels que la TVA, la
production de fausses pièces ou inexactes en vue de
bénéficier d'une exonération fiscale, etc.
En ce qui concerne l'évasion fiscale, il n'est pas
inutile de rappeler qu'elle est voisine d'une autre notion qui est la fraude
fiscale. A la différence de la fraude fiscale qui est une violation
grossière de la loi fiscale, l'évasion fiscale est l'exploitation
raffinée des failles de la loi fiscale par le contribuable. Le
contribuable parvient à échapper à l'impôt, soit en
augmentant ses charges, soit en diminuant ses recettes. Dans tous les cas
(fraude et/ou évasion fiscale), l'objectif est de minimiser le montant
de la charge fiscale, donc un manque à gagner pour le budget de
l'Etat.
Il est évident, que dans un contexte de
libéralisation des échanges et d'harmonisation des
législations fiscales, il est à craindre que les effets des ces
fléaux ne connaissent une amplification. Il faut donc chercher à
intensifier la lutte contre ce phénomène qui gangrène
notre système fiscal.
Certaines causes citées ci-dessus étant connues,
il convient maintenant de dégager quelques axes de réflexion,
susceptibles de réduire fortement ou de contrôler la fraude.
L'administration fiscale burkinabé s'est déjà
engagée à :
- multiplier et améliorer les recensements fiscaux et
l'immatriculation des
contribuables ; ces recensements permettraient de mettre
à jour les fichiers et
48
d'avoir des informations en temps réel sur les
contribuables et sur leurs activités ;
- multiplier et améliorer les contrôles fiscaux
à travers l'organisation des contrôles mixtes (brigade mixte.
DGI/DGD ou DGI/CNLCF) ;
- privilégier la vérification ponctuelle en
doublant le nombre de vérificateurs ou
en fixant à chaque vérificateur un objectif en
nombre de vérifications annuelles 8 vérifications
générales ou 20 à 30 contrôles ponctuels) ;
- générer la liste des déclarants
retardataires et les non déclarants de la division des grandes
entreprises pour la TVA, le BIC, l'IRVM, l'IRF et la systématisation de
la date limite de déclaration.
Certes, ces propositions ne vont pas enrayer totalement la fraude
fiscale dans son ensemble, mais elles peuvent contribuer à la
réduire fortement ou à la contrôler.
c) L'amélioration du recouvrement de
l'impôt
Après avoir déterminé et
évalué la matière imposable, puis calculé le
montant de l'impôt, il reste à le recouvrer. Il existe une grande
variété de modes de recouvrement. Le paiement de l'impôt
peut être fait globalement en une seule fois, sous forme de versements
provisionnels ou par versements périodiques (mensuels, trimestriels,
annuels). Le versement peut être opéré directement par le
contribuable (cas des impôts directs) ou, pour son compte, par des tiers
(cas de la TVA).
Concernant l'impôt sur le revenu, on peut pratiquer la
retenue à la source. Le fisc dispose aussi de privilèges et
prérogatives (recouvrement forcé qui se décline en avis
à tiers détenteur, fermeture administrative,
saisie-arrêt).
Au sujet de l'amélioration du recouvrement de
l'impôt, la simplification du régime fiscal et
l'élargissement de l'assiette fiscale contribuent à
alléger l'administration fiscale et améliorent le système
de recouvrement.
Pour accroître le taux de recouvrement des impôts, il
est proposé :
- une amélioration de la simplification et la diffusion
des procédures fiscales à travers la poursuite du
télétraitement (déclaration, disponibilité des
imprimés,
base de données accessibles etc.) à partir du
portail fiscal (Site Web de la DGI) ;
- la poursuite de la sécurisation des paiements en
encourageant les paiements par virements bancaires en cours d'implantation
à la DGE et dans les Divisions des Moyennes Entreprises (DME) du Centre
et des Hauts Bassins pour certaines entreprises.
Le recouvrement optimal des ressources fiscales passe aussi
par bien d'autres canaux que sont la sensibilisation, la formation et
l'information des contribuables, l'amélioration de la qualité des
services aux usagers.
L'action en recouvrement menée tant bien que mal ne
donne pas souvent les résultats escomptés. Cela peut s'expliquer
par l'absence d'une application informatique rigoureuse. La bataille de la
rigueur dans le déploiement des outils informatiques s'avère
indispensable et doit être engagée sans délai.
Parallèlement au renforcement des procédures,
les relations avec les contribuables supposent le recours à la
communication externe sur le rôle de l'impôt et les obligations
fiscales.
La communication en direction des contribuables devra se faire
avec tous les outils qui prennent en compte les attentes des contribuables. Les
points d'amélioration doivent être centrés sur les
modalités d'accueil du public (accueil physique,
téléphone, courrier écrit et électronique),
traitement des demandes, l'information et l'écoute des usagers.
§-2 L'élargissement de l'assiette
fiscale
Pour mieux exploiter qualitativement et quantitativement le
potentiel fiscal par une réduction des pertes fiscales, il faudrait
élargir l'assiette fiscale. Bien que l'élargissement de
l'assiette fiscale vise l'accroissement des recettes fiscales, et du même
coup, le relèvement de la pression fiscale jusqu'à la norme
communautaire de 17% du Produit Intérieur Brut (PIB), il importe
d'assurer une bonne corrélation entre l'assiette fiscale et des taux
d'imposition car "trop d'impôt tue l'impôt". En effet, le
modèle de Canto, Jones et Laffer appelé modèle CJL,
formalisé à travers la courbe de Laffer a montré les
limites d'une corrélation positive entre le taux d'imposition et le
50
niveau des recettes fiscales. Le modèle met en
évidence un niveau optimal de pression fiscale au-delà duquel les
recettes fiscales baissent comme le montre la courbe de Laffer (Cf graphique
3).
Graphique 3 : La courbe de Latter.
Une même recette fiscale peut être obtenue en
appliquant deux taux différents. (T1 pour t1 et t3). Entre t0 et t*,
toute augmentation du taux d'imposition améliore le niveau des recettes
par contre au-delà de t*, toute augmentation diminue les recettes.
Ainsi, tout taux situé au-delà de t* (taux de
prélèvement optimal) est défavorable à une hausse
de recettes fiscales. C'est fort des ces constats que l'on ne doit pas perdre
de vue l'adage selon lequel « trop d'impôt tue l'impôt ».
Par conséquent, il est souhaitable de penser à
l'élargissement de la base taxable qu'à une augmentation des taux
d'imposition et dans le pire des situations envisager le création de
nouveaux impôts et taxes à défaut d'un impôt
général sur le revenu.
Malgré les efforts qui sont déjà faits
dans le cadre de l'élargissement de la base taxable par l'administration
fiscale, il reste encore des efforts à faire. Dans ce sens, il est
proposé :
- la réduction du nombre des exonérations et des
exemptions ; - une meilleure fiscalisation des activités informelles
;
- et la fiscalisation du secteur agricole.
a) La réduction des exonérations et des
exemptions
La pratique d'exonérations ou d'abattement de la taxe
sur les importations pour certaines catégories d'agents
économiques et d'institutions telles que les missions diplomatiques, ou
en rapport avec les projets financés sur l'aide extérieure
conduit aussi à rétrécir l'assiette fiscale ; donc des
pertes de recettes assez substantielles pour les recettes du budget de l'Etat.
En effet, depuis 2003, on assiste à un accroissement des dépenses
d'exonérations et de subventions aux hydrocarbures. Cet accroissement
est essentiellement lié entre autres à la hausse drastique du
prix des hydrocarbures sur le marché international et à la non
maîtrise des quantités annuelles nécessaires au
fonctionnement de la Société Nationale Burkinabé
d'Electricité (SONABEL) et du circuit de distribution.
Tableau 7 : Situation des dépenses
d'exonérations et de subventions sur la période 2000-2005 (en
milliards francs CFA)
Années
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
DGD*
|
20,01
|
24,87
|
15,68
|
16,49
|
19,23
|
23,37
|
DGI
|
8,24
|
10,77
|
6,40
|
11,40
|
16,33
|
15,11
|
Total
|
28,25
|
35,64
|
22,08
|
27,89
|
35,56
|
38,48
|
* Les données au niveau de la DGD prennent en compte les
dépenses aux exonérations douanières et aux subventions
aux hydrocarbures.
Source : Extrait du rapport sur les finances
publiques 2000-2005
Le total des exonérations et subventions
octroyées est passé d'une moyenne de 29,88 milliards de francs
CFA sur la période 2000-2004 à un montant de 38,48 milliards en
2005, soit un accroissement de 28,8%.
En ce qui concerne la subvention aux hydrocarbures, pour une
prévision de 14 milliards de francs CFA en 2005, on note un niveau de
décaissement de 19,66 milliards de francs CFA, soit un
dépassement de 5,66 milliards de francs CFA.
Mais force est de constater avec Gérard Chambas que
« la prolifération des exonérations diverses constitue
la cause majeure du rétrécissement de l'assiette fiscale des
pays ».
Le renforcement de l'efficience de la politique
d'élargissement de la base taxable passe par la réduction ou la
suppression de toutes les possibilités de trêve
52
fiscale concernant les BIC, IMFPIC, IRVM, la patente, TPA,
BNC, de toutes les exonérations de la TVA dans le code des
investissements actuel et par une amélioration de la gestion des
exonérations. La collaboration impôts/douane reste à
renforcer même si des efforts récemment engagés dans ce
domaine sont orientés dans la bonne direction.
Il faudrait aussi restaurer l'égalité des citoyens
devant l'impôt et améliorer les recettes par les actions suivantes
:
- limiter le nombre de dispositifs dérogatoires
à la fiscalité de droit commun et intégrer ces textes dans
le Code des Impôts. A ce niveau, la démarche actuelle du
législateur est difficilement compréhensible au regard du
traitement inique autorisé en matière d'IRF qui fait la part
belle en faveur des retraités des secteurs public et privé ;
- renforcer le suivi des régimes d'exonérations
par le recensement exhaustif des bénéficiaires, le suivi des
montants d'exonérations accordées et le développement des
contrôles des bénéficiaires de ces exonérations.
Par ailleurs, l'élargissement de l'assiette fiscale passe
aussi par une meilleure gestion du secteur informel.
b) Une meilleure fiscalisation des activités
informelles
Il existe une pluralité de définitions du
secteur informel en raison de son caractère
hétérogène. Mais compte tenu du domaine d'étude, il
à été jugé utile de retenir la définition
donnée par l'Administration fiscale burkinabé. Ainsi, elle
définit le secteur informel comme étant « l'ensemble des
opérateurs économiques manipulant un faible volume d'affaires et
exerçant en marge des méthodes modernes de gestion ».
Il se caractérise par :
- la forte mobilité des acteurs qui exercent dans ce
domaine ne facilite pas leur localisation par l'administration;
- des méthodes de gestion archaïques, d'où la
difficulté d'appréhender le revenu.
Par la loi n° 033-2007 portant loi de finances gestion 2008,
il a été procédé à une relecture du Code des
Impôts (baisse des tranches ou barèmes d'imposition) sur
la Contribution du Secteur Informel (CSI) afin de lutter
contre ce que d'aucuns appellent « le faux secteur informel ». Une
telle disposition23 risque de faire glisser de nombreux
contribuables dans le champ d'application de la CSI.
Malgré une baisse relative des tranches ou
barèmes d'imposition (annexe 8), le secteur informel
tel qu'il est fiscalisé, constitue un manque à gagner pour l'Etat
et principalement pour les collectivités locales. Certains
opérateurs économiques se réfugies dans le secteur
informel, ne versent que des forfaits qui n'ont aucun rapport avec leurs
revenus réels.
Une des solutions consisterait à modifier les tranches
ou barèmes d'imposition par lesquels les entreprises sont
classées dans le secteur informel ou formel. On pourrait abaisser les
tranches du chiffre d'affaires pour faire entrer le maximum de contribuables
dans le régime formel.
Toujours dans l'optique d'élargir l'assiette fiscale
afin de mieux repartir la charge fiscale, la fiscalisation du monde agricole
s'avère aussi nécessaire.
c) La fiscalisation du monde
agricole
La place importante du secteur agricole au Burkina Faso (40%
du PIB) augmente les difficultés de l'administration fiscale tant au
plan conceptuel qu'administratif. Le monde agricole est selon toute
vraisemblance insuffisamment pris en compte dans le prélèvement
fiscal au Burkina Faso c'est-à-dire qu'il est sous imposé en
réalité. Bien que le législateur l'a assujettit à
l'impôt sur les bénéfices industrielles, commerciaux et
agricoles, il en échappe dans la réalité parce que les
dispositions ne sont pas appliquées simplement.
Et pourtant, les critères de taxation suivant le train
de vie en vue de la détermination du bénéfice imposable,
mis à jour ont pris en compte les détenteurs et les
propriétaires de vergers. Cette disposition ne constituerait pas une
nouveauté.
S'agissant du paiement de l'impôt direct par le monde
paysan, c'est un sujet sensible qu'il faut aborder avec prudence et
intelligence. Une bonne approche de la fiscalisation du monde paysan
s'avère nécessaire.
53
23 Le chiffre d'affaire
est inférieur à 30 millions de FCFA pour les activités
d'achat revente et de 15 millions de FCFA pour les autres
activités.
54
Le secteur agricole doit contribuer en fonction du type
d'agriculture pratiqué. C'est dans ce sens qu'il est
bénéfique de soumettre à l'impôt sur les
bénéfices industriels, commerciaux et agricoles les entreprises
agricoles dont les chiffres d'affaires atteignent les limites prescrites. Les
cotonculteurs semblent mieux organisés et peuvent être soumis
à un impôt modulé. De manière opérationnelle,
la fiscalisation de l'agriculture peut s'orienter vers la TVA sur les
consommations finales des produits alimentaires et une fiscalité
tarifaire sur les intrants agricoles et non sur les intrants spécifiques
de l'agriculture.
En somme, la mise en oeuvre de ces différentes mesures
examinées pourrait contribuer à améliorer le niveau des
recettes fiscales intérieures au Burkina Faso. Toutefois, le
succès effectif de ces réformes dépend largement de la
qualité des moyens de l'administration fiscale.
Section 2 : La recherche de l'amélioration
de la qualité et de la quantité des moyens de l'administration
fiscale.
La Direction Générale des Impôts (DGI)
dont le rôle stratégique est désormais de mobiliser le
maximum de recettes intérieures pour compenser la baisse des ressources
de la fiscalité de porte et porter par la même occasion le taux de
pression fiscale jusqu'à la norme communautaire de 17%, doit
améliorer ses performances par le renforcement des capacités
(§-1) et la gestion administrative de l'impôt
(§-2).
§-1 : L'amélioration des performances
par le renforcement des capacités
Il s'agit d'améliorer la qualité et l'effectif des
ressources humaines et matérielles et procéder à une
informatisation complète et stabilisée de la gestion des
impôts.
a)Le renforcement qualitatif et quantitatif des
ressources humaines et matérielles
On admet généralement que le développement
de toute organisation est lié à la qualité des hommes qui
l'animent. Dans le contexte actuel de la mondialisation de
l'économie qui fixe des standards de qualification de
plus en plus élevés pour les travailleurs, l'administration
fiscale doit elle aussi s'inscrire dans cette dynamique de valorisation des
ressources humaines.
Les missions de l'administration fiscale sont multiples et en
perpétuelle évolution puisque la fiscalité est en prise
directe avec l'activité économique, elle- même en mutation
permanente.
Pour y faire face, le législateur opère chaque
année des modifications des textes fiscaux (mesures fiscales nouvelles
en 2007 relatives aux retenues à la source, admission de la
déductibilité des primes d'assurances, etc.) Dans ces conditions,
les agents ont besoin d'être régulièrement formés
afin de mieux cerner le contenu des textes fiscaux pour les appliquer et
pouvoir les expliquer aux contribuables. La promotion de la technicité
et de la compétence doit passer par des formations professionnelles et
continues adéquates. Les curricula doivent être
révisés de façon à promouvoir entre autres
l'enseignement des applications fiscales dans les différents
services.
En outre, la modernisation de la gestion des ressources
humaines passe aussi par un déploiement rationnel des effectifs. En
effet, les besoins en effectifs supplémentaires sont exprimés par
des unités opérationnelles qui sont des centres de produits
(générant des recettes), mais également par les
unités d'appui (qui sont les centres de coût : Direction de la
Législation et du Contentieux (DLC), Division des Grandes Entreprises
(DGE), Direction Régionale des Impôts (DRI), Direction de
l'Informatique et de la Prévision (DIP) etc.). Aussi, la gestion
rationnelle de l'augmentation des agents de l'administration fiscale ne doit
pas exclure les recrutements supplémentaires pour les insuffisances
manifestes.
Au vu de l'importance de l'administration fiscale dans la
mobilisation des recettes fiscales intérieures, ses agents
méritent un plan de carrière et une motivation davantage
adéquate. Sinon le manque de moyens financiers peut inciter certains
agents à la corruption qui est un véritable facteur de
perturbation de l'efficacité du recouvrement des impôts,
d'où la nécessité de motiver les agents. Autrement dit, la
satisfaction morale ne suffit pas. Il faut la compléter par un minimum
de moyen financier et semblerait-il que « ce minimum financier, les
agents ne l'ont
pas, même s'il y a eu des avancées
importantes par rapport au passé 24».De même,
les Codes d'éthique et de déontologie de l'administration fiscale
sont à promouvoir.
Enfin, les ressources matérielles doivent être en
adéquation avec les objectifs de qualité et de quantité.
L'administration fiscale qui mobilise la plus importante part des recettes
fiscales intérieures doit procéder à la rénovation
et à l'extension des infrastructures (déconcentration des
services), assurer l'équipement des structures (en matériels et
mobiliers, matériels de transport) et investir fortement dans les
technologies de l'information et de la communication, si elle veut jouer
pleinement ce rôle.
b) L'informatisation complète et
stabilisée de la gestion des impôts
L'amélioration de la performance de l'administration
fiscale en matière d'émissions, de recouvrements et de
vérifications passe inévitablement par la poursuite de
l'informatisation. En l'état actuel du processus d'informatisation, les
modules de réception des déclarations et du recouvrement du
Système Informatisé de Taxation (SINTAX) implantés
à la DGE et dans les DME du Centre et des Hauts Bassins sont
opérationnels en ce sens qu'ils permettent le calcul automatique des
pénalités et des intérêts de retard,
l'édition de statistiques fiscales, la validité des
données collectées, le suivi des déclarants retardataires,
des déclarants non payeurs, les périodes d'exonérations,
de suspension. La poursuite de l'informatisation sur la base du
3ème Schéma Directeur Informatique (SDI) du
Ministère chargé des finances et surtout du 1er SDI
sectoriel de la DGI permettra le renforcement des opérations fiscales en
vue de soustraire les agents du traitement manuel au profit de tâches
à valeur ajoutée majeure comme le contrôle fiscal.
L'amélioration de l'informatisation devra
nécessiter aussi une stratégie de sécurisation des
liaisons informatiques, pour éviter les perturbations et les pertes des
données et une formation des utilisateurs.
56
24 Guissou Madi, le système
d'information et de communication au sein de la DGI, mémoire de fin
d'études, ENAREF, mars 2001, 128 pages
§-2 : La modernisation de la gestion
administrative de l'impôt
57
Elle doit passer par la simplification et la diffusion des
procédures et l'amélioration de la qualité des prestations
fournies aux usagers.
a) La simplification et la diffusion des
procédures fiscales
La conséquence de l'homogénéisation du
système fiscal est la simplification des procédures fiscales. Les
procédures fiscales doivent être suffisamment diffusées.
Afin d'établir durablement de nouvelles relations avec les usagers du
service public fiscal et foncier et de faciliter l'accomplissement de leurs
obligations fiscales, une administration fiscale moderne, plus accessible,
réactive et qui prend toute sa part dans les enjeux de
compétitivité économiques et de mobilisation des
ressources devrait proposer aux contribuables des démarches
facilitées et simplifiées. L'insatisfaction actuelle des usagers
au regard des procédures fiscales conduit à encourager :
- la finalisation diligente de la technique du paiement par
virement bancaire pour certaines entreprises avec des procédures
sécurisées, toutes choses qui participent à la
sécurisation des recettes de l'Etat, des collectivités locales et
aussi à la bancarisation des opérations financières,
à la maîtrise du potentiel fiscal.
- une réduction du nombre de contacts
déclaratifs à travers les déclarations en ligne
(télétraitement). Ces déclarations en ligne rendront les
imprimés et de la documentation mis à la disposition des
contribuables plus accessibles.
b) L'amélioration de la qualité des
prestations avec les usagers
Il s'agit de tous les outils pour satisfaire les besoins et
les attentes des contribuables. Les points d'amélioration devront
être centrés sur les modalités d'accueil du public (accueil
physique, téléphone, courrier écrit et
électronique), le traitement des demandes dans les délais
réduits, l'information et l'écoute des usagers. Il serait
judicieux de renforcer les modes d'accès habituel au service public par
la création d'un centre d'accueil dans tous les services
opérationnels pour servir, informer et orienter les contribuables.
Dans un contexte technologique et économique en pleine
mutation, l'administration fiscale devrait offrir de nouveaux canaux
d'accès en développant les services d'accès en ligne et
à distance pour rendre la gestion courante des impôts plus facile
et moins coûteuse en temps comme en déplacement. Il serait aussi
judicieux pour l'administration fiscale de :
- traiter rapidement les opérations fiscales ;
- renforcer les cadres de concertations avec les contribuables
en prenant le relais des initiatives ministérielles et gouvernementales
(rencontre Etat/ secteur privé, par l'organisation annuelle de
journées portes ouverts) ;
- élaborer un plan de formation et de sensibilisation
des usagers ; il s'agira de mettre en oeuvre un programme d'information et de
formation pour faire comprendre aux citoyens le bien-fondé des
réformes et développer chez ces derniers le civisme fiscal ;
- améliorer la communication externe à travers
les principaux relais (Centre de Gestion Agrée, la Maison de
l'entreprise, la chambre de commerce etc.) ;
- ralentir la cadence des réformes fiscales afin de mieux
"amortir" les changements.
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