Section 2 : L'harmonisation des fiscalités
intérieures
En adoptant le traité instituant l'UEMOA, le Burkina
Faso, à l'instar des sept autres pays membres s'est engagé dans
un processus d'intégration par les marchés. A terme, cette
démarche devrait se traduire par l'édification d'un marché
commun marqué par la libre circulation des personnes, des biens et des
services. Le bon fonctionnement de ce marché suppose, entre autres, la
levée de toutes les entraves d'ordre fiscal afin d'instaurer entre les
systèmes fiscaux une cohérence de nature à assurer
l'égalité de traitement des opérateurs économiques
au sein de l'Union et à améliorer le rendement des
différents impôts.
C'est à cette fin que la Décision
N°1/98/CM/UEMOA du 30 juillet 1998 portant harmonisation des
fiscalités intérieures indirectes a été
édicté. Cette harmonisation apparaît comme un
complément indispensable aux réformes tarifaires prévues
dans le cadre de l'unification des espaces économiques nationaux. C'est
ainsi qu'ont été retenus : la Taxe sur la Valeur Ajoutée
(TVA), les droits d'accises, les prélèvements des produits
pétroliers, etc. Par ailleurs, le Programme de Transition Fiscale
(PTF)8 au sein de l'Union à son article 2 a chargé la
Commission d'élaborer et de proposer des projets d'actes communautaires
nécessaires à la mise en oeuvre de cet ambitieux programme.
Pour les besoins de l'analyse qui va suivre, ces
différents impôts et taxes sus cités seront rangés
en deux axes d'harmonisation suivant d'une part l'harmonisation des
impôts intérieurs indirects (§-1) et d'autre part
l'harmonisation des impôts intérieurs directs (§-2) .
13
8 Décision N°
10/2006/CM/UEMOA du17 mars 2006 portant adoption du programme de transition
fiscale au sein de l'UEMOA.
14
§-1 : L'harmonisation des impôts
intérieurs indirects
a) La taxe sur la valeur ajoutée
(TVA)
Dans le cadre de la politique d'harmonisation des
fiscalités au sein de l'UEMOA, la TVA est apparue comme l'impôt le
plus intégrateur et cela pour deux raisons majeures : d'abord, la TVA
est un impôt général sur la dépense et touche tout
le tissu économique (les secteurs de la production, de la distribution
et des services) ; ensuite, jouissant d'une réputation de
neutralité économique, elle semble le mieux appropriée
pour compenser les pertes de recettes fiscales sans nuire à la
compétitivité des entreprises tout en favorisant la dynamique de
l'intégration.
Outre cela, la TVA est généralisée
à l'ensemble des livraisons de biens et des prestations de services
ainsi qu'aux importations avec une stricte limitation des exonérations
et des exemptions9.
La généralisation est toutefois progressive en
ce qui concerne le secteur agricole, le secteur de transport, les banques et
assurances. D'où le choix de les exclure temporairement du champ
d'application de la TVA. Cette situation constitue une limite au rendement de
la TVA et une inégalité de traitement des consommateurs de
l'Union.
La Commission de l'UEMOA propose comme axe d'harmonisation de
la TVA, la stratégie suivante : l'élargissement du champ
d'application, l'élargissement du seuil d'imposition,
l'élargissement de la base d'imposition, le rapprochement des
modalités d'imposition et de remboursement des crédits. Le
tableau suivant donne les taux de la TVA appliqués dans les Etats
membres avant et après les réformes.
Tableau 1 : Taux appliqué dans les Etats membres
avant et après les réformes.
9 Article 21 & 22 de la
Directive N° 02/98/CM/UEMOA portant harmonisation des législations
des Etats membres en matière de taxe sur la valeur
ajoutée.
Etats
|
Taux avant l'harmonisation
|
Taux après l'harmonisation
|
Bénin
|
18%
|
18%
|
Burkina Faso
|
18%
|
18%
|
Côte d'Ivoire
|
11,11 et 20%
|
18%
|
Guinée-Bissau
|
-
|
-
|
Mali
|
10 et 15%
|
18%
|
Niger
|
17%
|
19%
|
Sénégal
|
10 et 20%
|
18%
|
Togo
|
18%
|
18%
|
|
Source : UEMOA/Législation fiscale
communautaire
La directive N° 02/98/CM/UEMOA portant harmonisation des
législations des Etats membres en matière de TVA, recommande une
fourchette de taux compris entre 15% et 20%. A l'exception du Niger et de la
Guinée-Bissau (taux inconnu), tous les pays appliquent actuellement la
TVA à un taux de 18%.
b) Les droits d'accises
Les droits d'accises désignent les impôts
indirects qui frappent de manière spécifique tel ou tel produit.
Il s'agit en réalité de surtaxes qui sont destinées non
seulement, à fournir au Trésor public des ressources
additionnelles, mais surtout à influer sur le comportement des
particuliers. Par exemple, décourager la consommation d'alcool ou de
tabac. Les droits d'accises sont appliqués dans tous les pays de l'UEMOA
et comme tous les impôts indirects, ils ont des répercussions sur
les transactions internationales. En effet, ils augmentent le prix des produits
et diminuent le pouvoir d'achat des consommateurs ; ce qui peut provoquer une
baisse de la demande.
Mais tenant compte de l'objectif de mise en cohérence
des systèmes internes de taxation et d'égalité de
traitement des opérateurs économiques au sein de l'Union, une
harmonisation de cette catégorie d'impôts s'est
avérée nécessaire. A cet effet, un certain nombre de
produits sont soumis aux droits d'accises au sein de l'UEMOA (boissons
alcoolisées et non alcoolisées à l'exclusion de l'eau). Au
demeurant, les Etats membres ont la faculté de soumettre
également à un droit d'accise au maximum quatre autres produits
sélectionnés parmi ceux figurant sur une liste communautaire
(café, cola, farine de blé, huiles et corps gras, thé,
armes et
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munitions et produits de parfumerie et cosmétiques). Le
tableau ci-dessous donne la fourchette des taux recommandés par
produit.
Tableau 2 : Taux des droits d'accises par produit
proposés par l'UEMOA.
Produits imposables
|
Taux minimal
|
Taux maximal
|
Boissons non alcoolisées à l'exclusion de
l'eau
|
0%
|
20%
|
Boissons alcoolisées
|
10%
|
45%
|
Tabac
|
10%
|
40%
|
Café
|
1%
|
12%
|
Cola
|
10%
|
30%
|
Farine de blé
|
1%
|
30%
|
Huiles et corps gras
|
1%
|
15%
|
Thé
|
1%
|
12%
|
Armes et munitions
|
15%
|
40%
|
Produits de parfumerie et cosmétiques
|
5%
|
15%
|
|
Source : UEMOA / Législation
communautaire sur la fiscalité.
c)La fiscalité des produits
pétroliers
L'harmonisation des fiscalités intérieures a
porté également sur les prélèvements des produits
pétroliers. Les produits pétroliers étaient
caractérisés par une taxation complexe au sein des pays membres
de l'UEMOA. En effet, en plus des droits de douane, on y rencontre de la TVA,
des accises spécifiques ou ad valorem (au Niger ou en Côte
d'Ivoire et en partie au Togo) et des taxes implicites associées aux
opérations de péréquation, des prélèvements
tenant compte soit de l'évolution des cours mondiaux, soit pour
compenser les différences de coûts de transport des produits en
fonction du lieu de consommation.
En réalité, c'est pour simplifier la taxation
que l'UEMOA propose qu'une taxe spécifique unique (droits d'accises
consolidés), se substitue progressivement aux différents
prélèvements effectués (autres que les droits de douane et
la TVA). Cette restriction pourrait améliorer le bien-être des
populations. En effet, ces taxes qui représentaient parfois 20% du prix
du produit étaient incorporées dans les coûts de revient
des marchandises des pays enclavés tels que le Burkina Faso, le Mali, le
Niger.
§-2 : L'harmonisation des impôts
intérieurs directs
Le second axe de l'harmonisation des fiscalités
intérieures des pays membres de l'UEMOA concerne les impôts
directs.
Un impôt direct est un impôt dont le paiement est
effectué ou supporté par la personne sur qui repose la charge de
l'impôt. Les impôts directs sont nombreux et frappent
généralement les revenus réalisés par les
entreprises et les ménages.
Les impôts directs ne sont pas moins disparates que les
impôts indirects, cela, tant du point de vue du champ d'application, des
exemptions, du seuil d'imposition que de la base d'imposition ; des taux et
déductions des impôts directs d'un pays à l'autre de
l'Union. Aussi, pour se conformer à l'esprit de l'Union, il était
devenu impérieux après l'harmonisation des fiscalités
intérieures indirectes de poursuivre l'harmonisation des impôts
directs.
C'est ainsi que la Décision N°10/2006/CM/UEMOA du
17 mars 2OO6 portant adoption du Programme de Transition Fiscale au sein de
l'UEMOA à son article 2 a chargé la Commission de l'UEMOA
d'élaborer et de proposer les projets d'actes communautaires
nécessaires à la mise en oeuvre du programme de transition
fiscale. Il s'agira concrètement pour la Commission :
· d'évaluer le niveau du Taux Marginal
Effectif d'Imposition (TMEI) du capital et des revenus du capital, du travail
et de l'épargne, et aussi de l'ouverture du chantier de l'harmonisation
de la fiscalité des valeurs mobilières dans le cadre de
l'approfondissement du marché financier régional, en sus de
l'étude en cours sur l'harmonisation de la fiscalité directe ;
- d'assurer la mise en place d'outils de mesure de
fiscalité optimale qui concilie l'impératif de mobilisation des
ressources publiques et l'exigence d'un environnement propice à
l'investissement et à la croissance économique ;
- de veiller à l'adoption par les Etats membres de
l'Union du taux marginal effectif d'imposition, comme concept opératoire
;
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- d'évaluer le régime fiscal des services
financiers, y compris les nouveaux instruments financiers (banques, assurances,
crédit-bail, capital-risque, transfert d'argent, affacturage, Organismes
de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM) ;
- d'étudier l'adoption d'une convention
multilatérale de non double imposition et d'assistance réciproque
entre les Etats membres de l'UEMOA.
L'harmonisation des impôts intérieurs directs
est encore à l'étape embryonnaire mais dans le souci
d'opérer un examen complet de la politique fiscale de l'UEMOA, il
était apparu nécessaire d'en faire cas.
En somme, ce premier chapitre a permis d'appréhender
les différentes mesures fiscales rendues nécessaires par la
politique fiscale de l'UEMOA. Il s'agit, entre autres, du schéma de
libéralisation des échanges intracommunautaires, du plan de
convergence du TEC, du TEC lui-même, des mécanismes de protection
complémentaires (TDP et TCI) et l'harmonisation de certains impôts
et taxes intérieurs à savoir la TVA, les droits d'accises, la
taxation des produits pétroliers.
Toutefois, la transposition des mesures fiscales
communautaires dans le système fiscal Burkinabé mérite une
attention particulière, afin de se faire une idée du degré
d'intégration des textes fiscaux de l'Union par le Burkina Faso.
Chapitre II : La transposition des mesures fiscales
communautaires dans le système fiscal Burkinabé et
l'évolution des recettes fiscales du Burkina Faso de 1996 à
2007
La mise en oeuvre des réformes entreprises dans le
cadre de l'union douanière est globalement effective dans les Etats
membres de l'UEMOA. Il s'agit, entre autres, du schéma de
libéralisation des échanges intracommunautaires, du plan de
convergence du TEC, du TEC lui-même, des mécanismes de protection
complémentaires (TDP et TCI) et l'harmonisation de la fiscalité
intérieure.
Comment la transposition de ces séries de mesures
s'est faite au Burkina Faso ? C'est à cette question que l'on
s'emploiera à répondre à travers un bref aperçu sur
le système fiscal burkinabé (section 1). Ensuite, l'on
procédera à l'analyse de l'évolution des recettes fiscales
du Burkina Faso de 1996 à 2007 (section 2).
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