Chapitre 4 : Le contexte macro-économique
instable a, lui aussi, contribué au déclenchement de la crise des
subprimes
Dans ce chapitre nous montrons les autres facteurs, en
particulier macro-économiques qui sont à l'origine de la crise
des subprimes et qui ont mènent à l'instabilité que
connait aujourd'hui le système financier mondial. En effet, la crise
financière que nous connaissons actuellement est due aussi en grande
partie à une situation macroéconomique de plus en plus fragile et
instable. Une fragilité aggravée par la forte
libéralisation financière, la déréglementation et
le décloisement des activités bancaires, ainsi que par la
concentration des banques centrales sur le seul objectif de lutter contre
l'inflation, au détriment de la supervision du crédit et des prix
des actifs. Cette situation a été qualifiée dans les
années soixante-dix par Hyman Minsky 39 de paradoxe de la
tranquillité, qui se double par le paradoxe de la
crédibilité (Borio et Shim, 2007) : en effet, la lutte contre
l'inflation, qui s'est soldé par des résultats très
favorables, était au coeur des objectifs des politiques
monétaires, ce qui leur a renforcé leur
crédibilité.
Boyer (1988) note que le modèle de base, pour
comprendre les enchainements (linkages) 40 de la crise est celui de la
théorie du surendettement inspiré des travaux d'Irving Fisher en
1933. Cette théorie stipule que le choc de productivité a une
incidence positive sur la croissance; cette dernière nourrit les
anticipations de profits et se traduit par une augmentation des investissements
et donc du crédit.
Section 1 : La stabilité monétaire vs.
L'instabilité financière
Le développement rapide de marchés financiers et
la montée de l'instabilité financière ne peuvent laisser
indifférents les banquiers centraux, ne serait-ce qu'en raison de leurs
effets sur l'efficacité et les mécanismes de transmission de la
politique monétaire. La configuration originale engendrée par la
globalisation financière appelle ainsi un renouvellement des objectifs
et des instruments de la politique monétaire (Boyer et al. 2004).
Après des années d'inflation élevée, le monde
industrialisé et les pays en développement sont entrés au
cours des années 90 dans une période de stabilité des
prix. Les banques centrales ont contribué à cette tendance
favorable en choisissant de plus en plus d'annoncer
39 Cf. Chapitre 1
40 Voire figure 11
59
l'orientation à venir de variables nominales
clés afin d'influer sur les anticipations inflationnistes. Ces objectifs
intermédiaires (ou règles) annoncés aident
à renforcer la crédibilité de la politique en
empêchant les chocs endogènes ou exogènes d'entraîner
une hausse permanente de l'inflation et concrétiser la volonté de
stabilité des prix à long terme. Ils jouent en fait le rôle
de points d'ancrage nominaux, tenant les banques centrales à
l'application de politiques cohérentes tout en donnant un repère
qui permet au public d'en suivre la mise en oeuvre. Dans les années
soixante, le banquier central keynésien avait pour objectif de
réaliser le meilleur arbitrage entre inflation et plein emploi,
favorisant souvent le second au détriment du premier. Les années
quatre-vingt ont vu apparaître les banquiers centraux conservateurs,
presque exclusivement dédiés à l'objectif de lutte contre
l'inflation et de préservation de la stabilité monétaire.
Ce qui impliquerait, en particulier, que les banques centrales ne restent pas
inactives face à l'évolution des prix d'actifs.
Or, l'histoire économique des dix dernières
années a amplement démontré que la stabilisation des prix
des biens et services n'a pas permis de réduire l'occurrence des crises
bancaires et des crises des marchés financiers. On peut même
considérer que la victoire remportée sur l'inflation des prix des
biens et services, qui a amené une forte baisse des taux
d'intérêt, a contribué indirectement à l'emballement
des cours boursiers, du crédit bancaire et souvent des prix de
l'immobilier, tant résidentiel que commercial aggravant ainsi
l'instabilité financière.
Le contexte macroéconomique de la crise actuelle est
qualifié de grande modération: l'inflation globale a
baissé et s'est stabilisée ainsi que la croissance du PIB
réel mondiale. En effet, cette modération est plus apparente du
coté de l'inflation que du PIB. Les figures 12 et 13 montrent la baisse
spectaculaire et la stabilité récente de l'inflation mondiale.
Par l'observation de ces figures, on remarque que la part globale de
l'investissement dans le PIB en 2006 n'a été que
légèrement au-dessus de son précédent pic atteint
en 1994.
Figure 12. Inflation globale et
investissement
Source : FMI (2007)
Figure 13. Volatilité du PIB
La volatilité de l'inflation a aussi fortement
chuté. Cette baisse a été plus régulière
pour les pays de l'OCDE au cours des dernières années (figure 14
et 15)
61
Figure 14. Inflation (GA en %)
Figure 15. Inflation OCDE et sa
volatilité
Le rattrapage des pays émergents dont le
développement a exercé une pression à la baisse sur le
prix des biens manufacturiers, même si dans le même temps leur
croissance pèse sur le prix des matières premières, doit
être aussi pris en considération pour expliquer la baisse
généralisée de l'inflation (CAE,
2008). Ce qui a permis à ces pays d'améliorer leurs
situations macroéconomiques et de moderniser leurs structures
financières des pays émergents. La confiance s'est ainsi
restaurée (voir figure 11)
|