Avant le 11ème siècle, le terme de
panique bancaire n'était pas méconnu à l'histoire de la
finance car de nombreuses crises bancaires se sont produites, de manière
fréquente, à cette époque. Kindleberger (1978) souligne
que les crises financières ont eu lieu à environ 10 années
d'intervalle au cours des 400 dernières années. Les paniques
étaient généralement considérées comme un
mauvais signe parce qu'ils sont souvent associés à une baisse
importante de l'activité économique. Au fil du temps, les deux
principaux objectifs des banques centrales étaient d'éliminer les
paniques et d'assurer la stabilité financière. C'était un
processus long complexé. L'année 1668, a connu la création
de la première banque centrale, la Banque de Suède, suivi de la
Banque d'Angleterre. Tous les deux ont joué un rôle dans
l'élaboration de politiques de stabilisation dans les
18ème et 19ème siècles. Cependant,
il y avait quand même des crises dont on se rappellera toujours. Voici
une sélection des crises financières les plus tumultueuses dans
l'histoire longue.
1. La Tulipmanie, 1636
La Tulipmanie, qui affecta les Pays-Bas au milieu du
17ème siècle est le nom de la première bulle
spéculative de l'histoire. La spéculation était
fondée sur le commerce de la tulipe dont les prix atteignirent des
sommets, avant de s'effondrer. La tulipe, introduite en Europe au milieu du
16ème siècle grâce à l'empire Ottomane, a
connu une forte popularité dans les Pays-Bas, stimulé par la
concurrence entre les membres des classes supérieures en possession des
plus rares tulipes. Aussitôt, la tulipe hollandaise a eu une grande
fascination jusqu'à envahir les oeuvres d'art de l'époque
devenant ainsi un article de luxe convoité et un signe de richesse. La
demande des bulbes de tulipes a atteint le sommet à un point que des
prix pharamineux ont été accusés pour un seul bulbe, c'est
ce qui sera à l'origine de la première bulle spéculative
de l'histoire de la finance et souvent citée comme un exemple de
spéculation financière d'où le nom de
Tulipmanie23 (Tulipm ania).
La frénésie de la spéculation des bulbes
de tulipes a commencé sérieusement après septembre 1636,
quand les tulipes commençaient à se négocier sur les
bourses de nombreuses villes néerlandaises. Cela a encouragé le
commerce des tulipes de tous les membres de la société, dont la
plupart ont vendu leurs biens dans le but de spéculer dans le
marché des tulipes. En septembre 1936, les bulbes étaient
23 Garber, 1990
indisponibles. Car, elles étaient dans leur cycle
normal, c'est-à-dire qu'elles avaient été plantées
pour fleurir le printemps suivant. Ces bulbes, rares et précieux,
produisent des fleurs aux pétales marbrées de couleurs vives, ce
qui a renchérit leur valeur. De ce fait, certains commerçants
vendaient leurs bulbes de tulipes qui venaient juste d'être
plantées ou ceux qu'ils avaient l'intention de planter et les acheteurs
de bulbes s'engageaient à payer des bulbes qu'ils ne pouvaient pas voir
au moment de l'achat. A ce stade- là, la spéculation de novembre
et décembre 1636 et janvier 1637 a été
réalisée en l'absence de spécimens en
éléments de preuve entraînant ainsi une flambée des
prix des tulipes. Mais, le retournement de la situation a très vite
débuté vers novembre 1636 suite à une baisse de la valeur
des bulbes qui aboutira par la suite à l'effondrement du marché
de la tulipe au début février 1637, accompagné par une
chute brutale des prix à des niveaux insignifiants et par des
défauts sur la plupart des contrats, faisant ainsi ruiner de nombreuses
personnes. De nombreux économistes se sont exprimés sur cette
crise, parmi eux on trouve l'économiste Peter Garber (1990),
considéré comme l'expert moderne de la tulipmanie, qui pense que
la tulipmanie n'est pas toujours une manie, elle s'explique cependant par les
fondamentaux du marché : L'explosion des prix des bulbes de tulipes,
d'après lui, peut s'expliquer par le facteur de l'offre et de la
demande. Les bulbes rares étaient difficiles à se reproduire et
très demandées. Ainsi, les rares bulbes avaient tendance à
augmenter davantage leur prix. Garber admet que l'augmentation et
l'effondrement des prix relatifs des bulbes est la caractéristique
remarquable de cette phase de spéculation. En plus de ses arguments
fondamentaux, Garber pointe le virus bubonique comme une cause possible de
tulipmanie. Le point de vue de Kindleberger24 est que la manie des
tulipes de 1634 est si isolée et manque de caractéristiques
monétaires qui sont arrivées avec l'expansion du secteur bancaire
après le début du 18ème siècle. Il est
fort probable que, la vision de Kindleberger sur le fait que l'offre de monnaie
en 1630 aux Pays-Bas n'a pas subi une augmentation soudaine, était
nécessaire pour créer une bulle spéculative. Or, Doug
French (The Truth About Tulipmania, 2006) a démontré que
l'offre de monnaie a augmenté de manière spectaculaire en 1630 en
Hollande, engendrant ainsi l'épisode de tulipmanie.
L'histoire de la Tulipmanie ne concerne pas seulement les
tulipes et les mouvements de prix, certainement, l'étude des
fondamentaux du marché de la tulipe n'explique pas l'existence de cette
bulle spéculative. Le prix des tulipes a servi uniquement comme une
manifestation de l'aboutissement d'une politique gouvernementale, qui a
augmenté la quantité de la monnaie et donc a favorisé un
environnement propice à la spéculation. Ce scénario a
été joué à plusieurs reprises tout au long de
l'histoire. Or, la question de savoir si la baisse des prix des bulbes de
tulipes a conduit ou pas à une
24 Op.cit.
40
41
2. La crise de la compagnie des mers du sud,
1720
L'histoire de la bulle de la compagnie des mers du sud de
1720 a été considérée, par certains
économistes, comme étant la première crise majeure qu'a
connue la finance mondiale26 , parce qu'elle a touché
à la fois les investisseurs d'Angleterre, de France, des Pays-Bas et
d'autres pays de l'Europe. Les évènements commencèrent en
1711, lorsque la compagnie the Sword Blade a racheté une partie
de la dette publique contractée durant la guerre des successions
espagnoles.
L'histoire de la compagnie des mers du sud, elle,
commença en effet en 1698 avec son fondateur Robert Harley qui
se voit confier le monopole du commerce avec les colonies espagnoles de
l'Amérique. Ce monopole prévoyait des concessions commerciales
favorables à la Grande-Bretagne. En contrepartie, la compagnie doit
procéder à la privatisation par la conversion des dettes
nationales, illiquides et difficilement négociables, contractée
pendant la guerre, en actions propres à la compagnie, beaucoup plus
liquides et négociables sur le marché financier. Malgré
que ces actions soient bien rémunérées par le
trésor public, La compagnie des mers du sud les a vendues pour augmenter
son capital et financer ce qu'elle espérait être un commerce
lucratif avec les colonies espagnoles du sud de l'Amérique. En outre,
étant donné la période des hostilités qui a
perduré jusqu'à 1718, les investisseurs étaient optimistes
pour l'avenir et pour les perspectives attractives du commerce, qui seraient
compromises une fois la guerre est finie. La compagnie des mers du Sud a voulu
imiter le succès de la Compagnie du Mississippi basée à
Paris qui avait obtenu le monopole du commerce français avec
l'Amérique du Nord et a racheté l'ensemble de la dette
française provoquant une ruée des investisseurs. Cette compagnie
appartenait à l'Ecossais, John Law, qui a utilisé sa
banque pour émettre des titres et augmenter son capital. En Mai 1719, la
compagnie a été submergée par les investisseurs : en plus
des investisseurs français, il y avait des investisseurs
étrangers, y compris certains investisseurs anglais et ceux des grandes
villes du continent (Paris, Amsterdam et Genève). Ces investisseurs
réclamèrent par la suite l'achat des actions de la compagnie des
Mers du Sud, ce qui a fait envoler le prix de l'action de 175 livres sterling
en février 1720 pour culminer à plus de 1000 livres sterling en
juin 1720. La spéculation s'est propagée ainsi à
25 Ibid.
26 Kindleberger, Op.cit.
d'autres actions sur le continent. Cependant, il y avait
certains malaises à l'échelle de la spéculation, puisque
certains investisseurs y compris quelques dirigeants de la compagnie ont vendu
leurs actions. Il n'y avait pas d'éclatement brutal de la bulle, mais
juste une baisse lente et régulière de la valeur de l'action.
Finalement, elle s'effondre à la fin du mois de septembre 1720,
lorsqu'elle chute à 135 livres sterling. Cet effondrement a fait perdre
des fortunes colossales, ce qui a poussé le parlement à mettre en
place une commission d'enquête afin de détecter les failles et les
principaux responsables. Mais, un bon nombre des principaux acteurs ont
échappé vers d'autres pays, ce qui a rendu difficile d'engager
des poursuites contre eux. La Banque d'Angleterre a sauvé la compagnie
des mers du Sud, mais elle a refusé d'aider la Sword Blade qui, elle,
s'est effondrée.
3. La grande dépression de 1929-33
La grande dépression de 1929 à 1933 a
été de loin la plus sévère contraction du cycle
économique dans l'histoire des Etats-Unis. Bien que nettement plus
prolongé aux États-Unis que dans la plupart des d'autres pays,
elle a été portée dans le monde entier et se classe comme
une contraction internationale la plus grave et la plus largement
diffusés des temps modernes27 .
Cette contraction (figure 8), incomparable dans l'histoire
des crises financières, a été
précédée par une longue période au cours de
laquelle la masse monétaire n'a pas augmenté. Le comportement
monétaire au cours de la contraction lui-même est encore plus
frappant. À partir du pic cyclique en août 1929 jusqu'au creux
cyclique en mars 1933, le stock de monnaie a chuté de plus d'un tiers 28
. Plus d'un tiers des banques commerciales des États-Unis
détenant près d'un dixième du volume des
dépôts au début de la contraction ont suspendu leurs
opérations en raison de difficultés
financières29 .
27 Friedman, Schwartz
28 C'est plus du triple de la baisse précédente la
plus importante enregistrée dans la série de Friedman et
Schwartz, la baisse de 9% de 1875 à 1879 et de 1920 à 1921
29 Ibid. Friedman, Schwartz
42
Figure 8. Prices, Personnel Income, and Industrial
Production, Monthly, 1929-March 1933
En 1922, à la suite de la première guerre
mondiale, les Etats-Unis connurent une remarquable prospérité
économique. Cette prospérité s'appuyait sur une
productivité croissante qui alimentait une hausse de salaires et du
pouvoir d'achat qui, elle, renforçait la consommation des ménages
américains qui ont retrouvé une impression de bien-être qui
semblait être permanant. Toutefois, l'arrivée d'une simple
journée à Wall Street a bouleversé l'économie
américaine et a provoqué la plus grave crise économique de
l'histoire.
Les cours des actions ont enregistré une montée
en puissance suite à la formation d'une bulle spéculative, qui
s'est amplifiée par le nouveau système d'achat à
crédit d'actions, qui depuis 1926 est autorisé à Wall
Street. Les investisseurs pouvaient ainsi acheter des titres avec une
couverture de seulement 10 %. Le taux d'emprunt dépendait du taux
d'intérêt à court terme et la pérennité du
système a été celée à la différence
entre le taux d'appréciation des actions et le taux d'emprunt.
En septembre 1929, les cours des actions atteignaient leur
plus haut niveau historique qui ne pourrait pas être justifiées
par des anticipations raisonnables de revenus futurs. Par conséquent, la
hausse des
43
taux d'intérêt et la stagnation des cours des
actions ont conduit progressivement à la baisse des cours en octobre
1929, qui ont rendu le remboursement des intérêts supérieur
aux gains boursiers, ceci a contraint certains investisseurs à liquider
leurs actions, ce qui a déclenché une réaction en
chaîne traduite par une amplification de vente de titres qui a
débuté le jeudi noir du 24 Octobre, 1929, ce jour-
là, 13 millions d'actions ont été rapidement vendues par
des investisseurs qui ont perdu confiance dans l'économie
américaine en succombant à la panique.
Ce climat général d'incertitude a
entraîné une baisse drastique de la production, une hausse
chômage, une déflation aiguë dans presque tous les pays du
globe ce qui a conduit a des crises bancaires et économiques sans
précédent.
Novembre 1930 a marqué le début de la
première crise bancaire américaine, lorsque 256 banques
s'effondrèrent; la contagion s'est propagée à toute
l'Amérique, avec plus de 352 faillites de banques en décembre.
Du "jeudi noir" à la seconde guerre mondiale, la
débâcle s'est propagée dans le monde. Au cours d'une
récession de dix longues années, les pays les plus
concernés connaîtront d'importants bouleversements sociaux et
politiques. Friedman et Schwartz ont fait valoir qu'une mauvaise qualité
de prêts et d'autres mauvais investissements ont été la
principale cause de faillite bancaire en octobre 1930, mais plus tard, les
faillites sont dues en grande partie aux ruées bancaires, ce qui a
obligé les banques à céder leurs actifs avec une large
réduction.
Après avoir traversé difficilement la
période de 1931 à 1932, le système financier
américain toucha le fond en mars 1933. Cette situation économique
déplorable depuis le krach de 1929, le chômage et les faillites, a
suscité l'intervention de l'Etat sous la présidence de Franklin
D. Roosevelt, nouvellement élu, qui mettra, aussitôt, en place un
plan de relance appelé le New Deal (la nouvelle donne), qui
désigna toutes les mesures économiques et sociales prises aux
États-Unis entre 1933 et 1939, pour remédier aux effets
dévastateurs de cette crise avec des mesures telles que la
réforme du système bancaire, l'abandon de l'étalon d'or,
la dévaluation du dollar, la limitation volontaire de la production
agricole et le lancement de grands travaux. Ca plan marqua non seulement le
début de la reprise économique et financière, mais aussi
l'introduction d'une intervention gouvernementale massive dans tous les
domaines du système financier.