Section 2. Théorie des crises
financières
Allen et Gale (2007) ont distingué deux versions
traditionnelles qui ont été développées pour
comprendre les crises financières. La première
développée par Kindleberger s'inspirant des travaux de Friedman
et Schwartz, consiste à dire que ces crises sont le résultat de
la panique bancaire. La deuxième vue alternative, qui a
été développé par Bryant (1980), Diamond et Dybvig
(1983) est celle qui stipule que les crises financière résultent
des causes fondamentales qui font partie du cycle économique; elles
surviennent lorsque les déposants pensent que des principes
économiques de base semblent mauvais dans un avenir proche. Dans ce cas,
les déposants, prévoyant que des défauts de remboursement
des prêt futurs rendront impossible pour la banque de rembourser leurs
dépôts, décident de retirer leur argent. Les
déposants dans ce cas prévoient l'insolvabilité
plutôt que l`illiquidité.
Dans la première partie de cette section, nous
commençons par développer la deuxième approche des crises
financières à la lumière des analyses
présentées par Minsky; et ce n'est qu'en deuxième partie
qu'on illustrera la première approche par le modèle des paniques
bancaires développé par Allen et Gale
1. Le modèle de l'investissement euphorique et des
crises financières de Minsky (1982)
En s'appuyant sur Keynes5, Minsky
(1982)6 a développé une théorie
d'investissement du cycle économique, mais il s'est concentré
davantage sur le rôle de la monnaie et du financement endogène qui
propulsent les bulles et les crises. En adoptant l'idée de Keynes sur
les différentes interdépendances entre les différents
marchés, Minsky affirme qu'il existe un écart qui amplifie les
complémentarités de l'économie et qui dominent au cours
des phases d'expansion et plante les graines de la crise financière.
L'investissement est le moteur de l'économie et est un facteur
déterminant de profits. Minsky définit trois sources de
financement qui caractérisent le comportement des agents:
1. Financement sans risque (Hedge finance): Quand une
entreprise gage son emprunt sur un cash- flow assuré car les flux de
trésorerie lui permet de couvrir ses dépenses ;
2. Financement spéculative: Quant une entreprise
renouvelle d'anciennes dettes ou en contracte de nouvelles, sans assurance de
recettes car, à court terme, les flux de trésorerie
dépasse le coût des intérêts de la dette et les flux
futurs de trésorerie espérés dépasse les
engagements ;
5 Théorie générale de l'emploi, de
l'intérêt et de la monnaie
6 Inflation, Recession and Economic Policy
10
3. financement à la Ponzi : qui lie le
remboursement de la dette à la réalisation de plus-value sur la
vente d'un actif.
Minsky affirme qu'il existe un élément de
financement à la Ponzi dans de nombreux projets d'investissement de long
terme. Dans les périodes de tranquillité, la baisse de la valeur
de la monnaie et des prix d'actifs immobilisés augmente la demande
d'investissement, ce qui permet de créer un portefeuille de passage aux
unités spéculatives et aux unités à la Ponzi. Le
système bancaire endogène assistera à ce financement. En
conséquence, on voit naitre une phase de bulle spéculative. Mais,
étant donné que la proportion des unités
spéculatives et des unités à la Ponzi est grande,
l'économie devient de plus en plus sensible aux variations des taux
d'intérêt. En plus, la demande d'investissement fait croitre la
demande de financement et les taux d'intérêt auront tendance
à augmenter à mesure que l'offre de financement et la demande de
financement deviennent de plus en plus élastiques. Cela conduit à
la hausse de plus en plus rapide des taux à court terme, qui à
son tour conduit à une augmentation à long terme des taux
d'intérêt. Lorsque les taux d'intérêt à court
terme augmentent, la spéculation se transforme en unités à
la Ponzi. La hausse des taux à long terme signifie que la valeur
actuelle des profits futurs (qui justifie les régimes de financement
à la Ponzi dans la première période euphorique) baisse. De
la même façon, les frais s'accumulent sur les unités
à la Ponzi et sur le court terme, des déficits de
trésorerie seront transformés en déficits de
trésorerie permanents. La hausse des taux d'intérêt
entraînera une baisse des investissements, et sachant que les
bénéfices sont dictés par l'investissement, les profits
diminueront. Dès lors, La baisse des profits, elle, va conduire à
une diminution des prix des immobilisations et à l'impossibilité
de tenir les engagements financiers. Quand le renversement de la valeur
actuelle prend place (valeur actuelle des profits bonanzas7
futurs espérés baisse) les unités à la Ponzi doit
alors vendre leurs actifs pour tenir les engagements de paiement. Ainsi, les
prix des actifs tombent au-dessous de leur coût de production et la crise
financière se mette à surgir.
Selon Minsky (John Maynard Keynes by Minsky, 2008),
au cours du premier quart de siècle après la Seconde Guerre
mondiale, les économies capitalistes développées ont
réussi à éviter une grande dépression. Dans les
années 1960, ceux qui se proclamaient keynésiens étaient
des conseillers et des fonctionnaires importants du gouvernement des
États-Unis. Ils ont affirmé que par l'utilisation
appropriée de la politique monétaire et budgétaire,
l'économie peut être réglée afin que les
récessions et dépressions ne puissent pas avoir lieu. Ils ont
utilisé ce modèle pour analyser l'économie et l'ont pris
comme base pour déterminer les politiques de réglage
appropriées. Minsky voit en cela une violation
7 Selon le terme de Minsky
non seulement de l'esprit et de la substance de la
théorie générale de Keynes, mais aussi de
l'économie dont ils ont affaire. En effet, le modèle qu'ils
utilisaient a ignoré pratiquement les aspects de la finance et de
l'incertitude et, par conséquent, n'a pas été en mesure
d'introduire la spéculation comme un sentiment de proximité qui
détermine le comportement du système. En raison de cette sous-
spécification, leurs conseils politiques étaient fondés
sur un modèle qui implique que les processus dynamiques de
l'économie conduisent à une croissance plutôt que les
cycles d'activités.
Le comportement du système au cours de la
première moitié des années 60, lorsque l'économie a
cessé de se développer, semble, à ses yeux, valider les
conclusions de ces conseillers. La stratégie de base de la politique de
cette période visait à accroître l'investissement
privé, afin d'inciter un plus rapide le taux de croissance. Ce que
signifie que la stratégie de la politique de proximité avait pour
objectif d'augmenter rapidement les bénéfices. L'expansion
constante du début des années 1960 et les dispositions fiscales
et de subventions destinées à inciter l'investissement,
combiné à l'absence d'une grave dépression dans la
période d'après-guerre, a déclenché une explosion
des investissements importants dans le milieu des années 1960. Ce boom
des investissements a été rendue possible par une augmentation de
la spéculation par les deux structures financières et non
financières des entreprises; la spéculation a financé
l'expansion de la demande totale et plus particulièrement
l'investissement privé. Suite au financement extérieur des
investissements, le ratio remboursement de la dette privée/les revenus
privés a augmenté, ce qui signifie que les remboursements dus sur
les dettes sont devenu de plus en plus étroitement liés aux fonds
provenant de diverses sources. En outre, la gestion du passif par les
institutions financières, les ménages et les entreprises
ordinaires signifie qu'une proportion toujours croissante des unités est
devenue dépendante du fonctionnement «normal» des
marchés financiers. Un système financier solide a
été transformé enfin en un système fragile au cours
de longue expansion des années 1960. En raison de la fragilité,
les chocs qui aurait pu être absorbée sans répercussions
graves dans une structure financière plus solide, a
déclenché un début de crise financière aux
Etats-Unis en 1966 et en 1969-70.
Dans l'analyse de Minsky8 , la bulle
spéculative est une simple phase irrationnelle et euphorique qui
précipite nécessairement la crise financière. Les
traumatismes financiers sont le résultat inévitable du
système capitaliste : les germes de la crise sont plantés dans le
début de la phase d'euphorie et les bulles spéculatives ne sont
que les catalyseurs d'inévitables crises financières. Les
implications politiques sont profondes: Minsky, en soutenant Keynes, affirme
que la politique monétaire classique n'est pas
8 Inflation, Recession and Economic Policy, op.cit.
12
couronnée de succès dans l'amélioration
de la crise. Au cours des phases de crise et de déflation, les processus
endogènes de marché sont inefficaces et pervers et les
économies capitalistes ont besoin d'une structure financière
solide et des politiques fortes pour orienter l'évolution de la finance
et stabiliser l'économie9 . Les grands déficits
publics signifient que l'investissement n'est pas aussi sensible à
l'investissement du secteur privé. La prise de décisions
financières non réglementée propulse les hausses
insoutenables des prix des actifs et la banque centrale doit être
prête à agir en tant que prêteur en dernier ressort et de
remettre à flot des structures insoutenables de dette lorsque les crises
financières surgissent.
Nous pouvons conclure que Minsky estime que l'économie
est naturellement instable. Son hypothèse de l'instabilité
financière est pessimiste. L'instabilité de l'économie est
principalement provoquée par les fluctuations des dépenses.
Chaque succès dans la prévention d'une crise financière
conduit à la prise de risque et donc à une économie plus
fragile.
2. Le modèle de ruées bancaires d'Allen et
Gale (2007)
En effet, Minsky n'en dis pas beaucoup sur les paniques
bancaires, parce qu'il pense tout simplement que les causes des crises sont
endogène. Or, de nombreuses crises bancaires résulte de paniques
bancaires injustifiée et que la plupart des banques qui ont
été obligées de fermer à de tels épisodes
sont illiquides, plutôt qu'insolvable. L'approche adoptée ici est
dans le but d'expliquer les crises qui peuvent résulter des paniques
bancaires, cette approche est inspirée des travaux de Diamond et Dybvig
sur la théorie de la banque ou plus généralement de
l'intermédiation qui consiste à modéliser les
intermédiaires financiers comme étant des fournisseurs de
liquidités pour les consommateurs10 .
A. La ruée bancaire
Une ruée bancaire ou panique bancaire est un
phénomène, souvent auto-réalisateur, dans lequel un grand
nombre de clients d'une banque craignent qu'elle ne devienne insolvable et en
retirent leurs dépôts le plus vite possible. Ne pouvant faire face
à ces multiples demandes de retrait (le nombre de personnes
s'accroît d'heure en heure par mimétisme) et en l'absence de
soutien, la banque court le
9 Mi ns ky insiste sur l'importance pour les gouvernements de
créer des institutions adéquates contraignantes telle que
Grand Gouvernement et Grandes Banques, pour stabiliser
l'économie qui, selon lui, est instable.
10 Voire Micro economics of Banking, Freixas, Rochet
risque de devenir effectivement insolvable. Ceci met en jeu le
mécanisme cardinal en finance d'une prophétie
auto-réalisatrice.
Dans cette partie, Allen et Gale nous ont
développé un modèle des runs bancaires suite à
cette panique ou ces prophéties auto-réalisatrices. Ils supposent
que (C1, C2) est le contrat de dépôt optimal et (x, y) est le
portefeuille optimal pour la banque. En l'absence de l'incertitude globale, le
portefeuille (x, y) donne seulement la bonne quantité de
liquidité à chaque date en supposant que les premiers
consommateurs (qu'on appelle par facilité de langage de type 1)
sont les seuls à retirer à la date 1 et les derniers
consommateurs (les épargnant qu'on appelle de type 2) font tous
des retraits à la date 2. Il s'agit d'un équilibre dans le sens
où la banque maximise son objectif, ainsi que le bien-être du
déposant typique. Les premiers et derniers consommateurs, eux,
planifient leurs retraits afin de maximiser leur consommation (d'où leur
utilité espérée)
Le modèle suppose qu'il existe une liquidation de la
technologie qui permet à l'investissement de long terme d'être
cassé prématurément à la date 1. Plus
précisément :
· Si l'actif long est liquidé
prématurément à la date 1, une unité de l'actif
long rapporte r = 1 unité du bien.
Dans l'hypothèse que l'actif long peut être
prématurément mis en liquidation, avec une perte de R-r par
unité, il existe un autre équilibre si la banque se doit de
liquider tout ce qu'elle a comme actifs afin de répondre à la
demande des consommateurs qui retirent à la date 1. Plus
concrètement, le modèle suppose que tous les déposants,
qu'ils soient de type 1 ou 2, décident de retirer à la date 1; La
valeur liquidée des actifs de la banque à la date 1 est ainsi
:
De telle façon qu'à la date 1, la banque ne
puisse pas rembourser tous ses déposants plus d'une unité. Dans
le cas où c1> rx + y, la banque est insolvable, et sera en mesure de
verser seulement une fraction du montant promis. De plus, afin de
répondre à la demande des consommateurs, tous les actifs de la
banque seront utilisés à la date 1. Celui qui attend la seconde
période n'aura rien. Ainsi, lorsque l'épargnant pense que tout le
monde va retirer à la date 1, il est optimal pour lui de retirer
à la date 1 et mettre le produit jusqu'à la date 2. La
ruée bancaire se transforme par conséquent en un équilibre
phénomène. La matrice des gains suivante illustre les deux
équilibres de ce jeu de coordination. Les lignes correspondent à
la décision de seul le premier consommateur seulement et les
colonnes
14
correspondent à la décision de tous les
autres consommateurs11. Les couples sont des
remboursements obtenus pour le dernier consommateur distingué
(le premier élément) et le dernier consommateur typique
(le deuxième élément).
|
Run
|
Pas de Run
|
Run
|
(rx + y, rx + y)
|
(c1, c2)
|
Pas de run
|
(0, rx + y)
|
(c2, c2)
|
|
Il est clair que si : 0 <rx + y <
c1 < c2
Donc Run, Run est un équilibre et pas de run,
pas de run est aussi un équilibre.
L'analyse précédente est fondée sur
l'hypothèse que la banque liquide la totalité de ses actifs afin
de répondre à la demande de liquidité à la date 1.
Cela peut être le résultat de restrictions légales. Par
exemple, le droit de la faillite ou la réglementation imposée par
l'autorité bancaire peut exiger que, si une demande n'est pas
satisfaite, la banque doit liquider ses actifs et distribuer la valeur
liquidée à ses créanciers. Certaines critiques du
modèle de Diamond-Dybvig montrent que le run bancaire peut être
évitée par la suspension de la convertibilité. Si les
banques s'engagent à suspendre la convertibilité
(c'est-à-dire qu'ils refusent de permettre aux déposants de
retirer), une fois la proportion des retraits soit égale à la
proportion des consommateurs, les épargnants n'auront donc pas une
incitation à retirer. Ces derniers savent que la banque n'aura pas
à liquider ses actifs longs et a suffisamment de fonds pour leur payer
le montant promis le plus élevé dans la seconde période.
Si un tel agent doit se rejoindre à la ruée, au milieu de la
période, il serait strictement dans une situation pire que s'il aurait
attendu de retirer à la seconde date. Pour répondre à la
critique selon laquelle la suspension de la convertibilité résout
le problème de ruée, Diamond et Dybvig (1983) ont proposé
un sequential service constraint. Dans cette hypothèse, les
déposants atteignent les guichets de la banque l'un après l'autre
et retirent c1 jusqu'à ce que la banque ne soit pas en mesure de
satisfaire toute la demande. Le sequential service constraint a deux
effets : Il oblige la banque à épuiser ses ressources, et il
donne aux déposants une incitation à courir au guichet dans
l'espoir d'être au début de la file d'attente. La banque ne peut
pas
11 Ce n'est pas un jeu de 2 × 2, le choix des colonnes
représente les actions de tous, sauf seul le premier consommateur
utiliser la suspension de la convertibilité pour
prévenir, car elle ne se rend pas compte que la ruée est en
cours, jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour l'arrêter.
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