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Tables des matières
Introduction 3
Chapitre 1: Crises financières : Théorie et
Typologie 4
Section 1. Definition: Friedman-Schwartz vs. Keynes-
Minsky-Kindleberger 5
Section 2. Théorie des crises financières
9
1. Le modèle de l'investissement euphorique et des crises
financières de Minsky (1982) 9
2. Le modèle de ruées bancaires d'Allen et Gale
(2007) 12
Section 3. Typologies de crises financières
22
1. Les crises bancaires : 23
2. Les crises de change 25
3. Les crises jumelles 26
Chapitre 2 : Les crises financières dans l'histoire
économique 30
Section 1 : Les crises dans l'histoire récente
30
1. La crise scandinave, 199 0-1992 30
2. La crise asiatique, 1997-19 98 32
3. La crise argentine, 2001 35
Section 2. Les crises dans l'histoire longue
38
1. La Tulipmanie, 1636 38
2. La crise de la compagnie des mers du sud, 1720 40
3. La grande dépression de 1929-33 41
Chapitre 3 : Les dysfonctionnements financiers au coeur de la
crise des Subprimes 44
Section 1. La titrisation : une pratique confuse au vu de
la sophistication et de la complexité des produits
financiers 44
1. Les principaux caractéristiques de la titrisation
44
2. La titrisation des crédit subprimes 46
3. Le rôle de la titrisation dans la crise des
crédits de subprimes 48
Section 2. Le rôle suspicieux des agences de
notation 51
1. Principe des agences de notations (Rating Agencies)
51
2. Les acteurs de notations 51
3. Méthodologies et interprétation des notations
52
4. Les dérives des agences de notation dans la crise des
subprimes 53
Section 3. Le dilemme des paradis fiscaux. 54
Chapitre 4 : Le contexte macro-économique instable a,
lui aussi, contribué au déclenchement de la crise des sub primes
58
Section 1 : La stabilité monétaire vs.
L'instabilité financière 58
Section 2 : La détérioration des
fondamentaux d'aversion pour le risque et de taux d'intérêt
62
Section 3 : L'excès de la liquidité et le
boom du crédit 67
Conclusion 74
Bibliographie : 78
3
Introduction
Qu'est-ce qui s'est passé en Asie en 1997 ? des pays
comme la Corée du Sud, la Thaïlande, l'Indonésie, le
Singapour et Hong Kong qui étaient par le passé un grand espace
de croissance et de développement, ont subi des crises
financières : les banques et les autres intermédiaires financiers
étaient mis sous pression et beaucoup d'entre eux se sont
effondrés. Pour un grand nombre de nous, ces crises étaient peut
être un nouveau phénomène. Cependant, il y avait des crises
dans d'autres pays comme le Mexique et le Brésil. Mais, encore faut-il
constater ces deux dernières année qu'il y a pire que
celles-là; George Soros a noté dans l'introduction de son ouvrage
intitulé « The New Paradigm for Financial Markets »
que nous sommes à présent au milieu de la plus grave crise
financière depuis 1930. Certes, elle ressemble en quelque sorte aux
autres crises que certaines économies ont connues ces 25
dernières années, mais il existe en l'occurrence une
différence profonde : la crise actuelle marque la fin de l'ère de
l'expansion du crédit basé sur le dollar comme la devise
internationale. Les crises périodiques faisaient partie d'un large
processus d'expansion-contraction (boom-bust); la crise actuelle est
l'apogée d'un super-boom qui a duré plus de 25 ans.
En effet, la crise financière à laquelle nous
assistant actuellement, connue sous le terme de crise de crédits de
subprimes américains, est le nom d'un tournant historique dans
notre économie et notre culture. Elle est le résultat de la
démesure d'une bulle immobilière qui a débuté aux
Etats-Unis en 2006 et qui, maintenant, s'est propagée à d'autres
pays sous forme de faillites financières et d'un crash global du
crédit. Ceci dit, le besoin de comprendre la logique des crises
financières est plus grand que jamais.
A partir de là, notre travail est conçu dans le
but d'essayer de projeter sur notre thème toutes les lumières qui
lui conviendrait en faisant situer la crise actuelle dans sa perspective
théorique et historique en commençant dans le chapitre 1 par une
démarche théorique qui consiste à donner les analyses
faites par les économistes au sujet des crises financières pour
mieux les comprendre. Le deuxième chapitre nous plonge dans l'histoire
à travers les crises les plus tumultueuses qui ont marqué ces
quatre derniers siècles. Et ce n'est qu'en chapitre 3 que nous
discuteront de la crise des subprimes en évoquant les dysfonctionnements
financiers qui y ont contribué. Le Chapitre 4 vient enfin en effet
compléter le chapitre précédent pour dire que
l'instabilité macroéconomique a été, elle aussi,
favorable à l'éclatement de la crise.
Chapitre 1: Crises financières : Théorie
et Typologie
La crise financière actuelle retient une attention
particulière de tous les économistes et en particulier des
théoriciens des crises financières. Pourtant, le contraste est
très remarquable entre d'une part l'approche majoritaire à propos
des facteurs déclenchant les crises financières dans les
années trente et la vision de beaucoup d'économistes aujourd'hui,
d'autres parts. Dans la crise de 1929, le marché constituait un
problème et l'intervention des gouvernements était la solution;
aujourd'hui un grand nombre d'économistes admettent que les politiques
macroéconomiques incohérentes et inappropriées des
gouvernements ou l'aléa moral dans le système financier
causé par les garanties gouvernementales sont à l'origine des
crises récentes, d'où les gouvernements sont une cause des crises
financières et non pas une solution : les forces du marché sont
une solution.
En effet, l'étude des crises financières
était historiquement un domaine important dans les sciences
économiques. Or, avec la disparition des crises bancaires dans la
période d'après-guerre, l'intérêt pour elles s'est
de moins en moins réduit, d'autant plus que les historiens s'en sont de
plus en plus accaparés. Maintenant que les crises1 sont
réapparues avec des conséquences plus ou moins ravageuses,
beaucoup de travail et de recherche reste à faire.
Dans ce chapitre, on voudrait exposer quelques perspectives
sur ce débat en donnant une introduction brève de la
théorie des crises financières pour comprendre l'analyse faite de
ces dernières. L'objectif, dans la première section, est
d'explorer les définitions qui apparaissent les mieux appropriées
aux crises financières et d'en tirer les controverses. Dans la section
2, on présente la théorie des crises financière
basée sur la panique bancaire : on présente en particulier le
modèle de Minsky qui montre que les crises financières se
préparent quand tout va bien et qu'elles ne sont que le résultat
de la panique bancaire suite aux runs bancaires. Enfin, on proposera dans la
dernière section une présentation typologique assez
détaillée des crises financières.
1 Caprio et Klingebiel (2003) recensent 117 crises
systémiques depuis la fin des années 1970.
5
Section 1. Definition: Friedman-Schwartz vs. Keynes-
Minsky-Kindleberger
« Le changement radical qui est arrivé dans la
théorie économique n'a pas été le résultat
d'une guerre idéologique; Il n'a pas été non plus le
résultat des croyances politiques divergentes ou des buts. Il a
répondu presque entièrement à la force
d'événements : l'expérience brutale s'avère
beaucoup plus puissante que le plus fort de préférences
politiques ou idéologiques. » (Friedman, 1977, p. 470)
Les crises financières ont fasciné et fascinent
encore plus d'un économiste, monétariste qu'il soit ou issue du
courant keynésien. Cependant, il est difficile en effet jusqu'à
présent de donner une définition précise de la crise
financière, car les économistes et théoriciens qui les
étudient s'accordent peu à ce sujet. Mais ce qui nous importe le
plus dans cette partie est simplement de spécifier leurs symptômes
et surtout leurs causes.
Les économistes monétaristes définissent
une crise financière comme étant associé de toute
évidence à une crise bancaire, et lorsque la stabilité du
système bancaire s'avère menacée, tout le système
financier pourrait s'effondrer si la banque centrale n'intervient pas. Ainsi,
plus concrètement, l'effondrement d'une institution financière
importante provoque des runs bancaires (ruée vers les banques) : les
clients, incapable de distinguer les banques solvables des banques insolvables,
s'affolent et retirent leurs dépôts. D'autant plus que s'il n'y
pas une action urgente de la part de la banque centrale (qui fournit la
liquidité aux banques solvables n'étant surtout pas
illiquides), les banques solvables, qui cherchent d'avoir plus de
liquidité se trouvent, sous le coup de la baisse de leurs valeurs
d'actifs, elles aussi menacées.
Dans leur fameux livre de l'Histoire Monétaire des
Etats-Unis, 1867-1960, Friedman et Schwartz ont constaté que, alors
que les réserves monétaires avaient eu tendance à monter
tant pendant les périodes d'expansions cycliques que pendant celles des
contractions, le taux de croissance de l'offre de monnaie avait
été plus lent pendant les contractions que pendant les
expansions. Dans la période examinée, les six périodes de
contraction économique majeure identifiée par Friedman et
Schwartz étant: 1873-9, 1893-4, 1907-8, 1920-21, 1929-33 et 1937-8,
étaient aussi les seules périodes où il y avait une baisse
absolue considérable dans les réserves de monnaie. Friedman et
Schwartz, en étudiant les circonstances historiques étant
à la base des changements qui sont arrivés dans l'offre de
monnaie durant ces
récessions majeures, ont montré que les facteurs
provoquant la contraction monétaire étaient principalement
indépendants des changements antérieurs des revenus
monétaires et des prix. Autrement dit, les changements monétaires
ont été considérés comme une cause des crises
majeures, plutôt qu'une conséquence. La chute absolue dans les
réserves monétaires qui a eu lieu pendant les deux
périodes : 1920-21 et 1937-38, était une conséquence des
actions politiques restrictives fortes entreprises par la réserve
fédérale américaine qui ont consisté à
doubler le taux de réserves obligatoires en 1936 et au début de
1937, note-t-ils. Il s'en est suivi donc une baisse brutale dans les
réserves de monnaie, qui, à son tour a entrainé vers une
période de contraction économique sévère.
Ainsi que dans la grande dépression (1929-30), Friedman
et Schwartz ont montré aussi qu'une baisse initiale lente des
réserves monétaires s'est transformée en une baisse forte
par suite d'une vague de faillites bancaires qui ont commencé à
la fin de 1930 (The Great Contraction 1929-1933, p.100). Ils pensent
que ce déclin dans les réserves monétaires était
davantage intensifié par l'action restrictive de la réserve
fédérale, action qui visait à augmenter le taux de
réserves obligatoires en octobre 1931, une situation qui a
dégénéré vers de nouvelles faillites bancaires.
Friedman a conclu en disant que la Grande Dépression, comme la plupart
des autres périodes de chômage sévère, a
été produite par une mauvaise gestion gouvernementale
plutôt que par n'importe quelle instabilité inhérente
à l'économie privée.
Leur vue est justifié par ce que les changements dans
les réserves monétaires jouent un rôle largement
indépendant dans les fluctuations cycliques, puisque les mouvements
cycliques de la monnaie ont une relation plus ou moins identique que les
mouvements cycliques dans l'activité industrielle et commerciale. Pour
Schwartz, la solution d'une crise financière est d'assurer qu'un
système financier sûr et fiable soit mis en place afin que les
banques centrales puissent fournir la liquidité aux seules banques
solvables.
Or, la distinction entre les banques insolvables et les
banques illiquides peut en effet s'avérer délicate. Kindleberger
(1978) rejette la distinction (qu'a faite Schwartz) entre les crises
réelles, qui impliquent des changements dans la base monétaire et
les autres crises dites crises pseudo. Pour expliquer la crise
financière, Kindleberger se réfère à Minsky dont il
interprète le modèle en disant que n'importe quelle crise
financière doit faire partie endogène du cycle économique
: le système financier subit un choc exogène, qui est assez
significatif pour augmenter les opportunités de profit dans un secteur
nouveau ou existant de l'économie tout en les empirant dans d'autres.
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Ce choc original inclut des événements
aussi divers que : le début ou la fin d'une guerre, une nouvelle
technologie qui devient très populaire, un événement
financier important (la dérégulation financière, par
exemple), ou un changement inattendu dans la politique monétaire.
Dès lors, les investisseurs se dirigent vers ces
nouveaux marchés (actifs, marchandises ou services), de façon
à ce qu'il y ait une relance de la croissance économique. Une
augmentation des crédits stimule ainsi ce boom économique et
élargit l'offre de monnaie. Si le gouvernement n'intervienne pas pour
empêcher la crise, les agents prennent des investissements plus
risqués créant par conséquent une euphorie2 .
Selon le terme de Minsky (1977), le système financier devient croissant
fragile, se caractérisant par un certain nombre de
particularités:
· Les banques se couvrent insuffisamment contre le
risque, parce qu'ils pensent probablement avoir une vue optimiste de la valeur
des biens offerts en garantie, ce qui permet aux investisseurs de s'engager
dans des activités même si elles sont plus spéculative.
· A un moment donné, la demande d'investissement
excède l'offre dans ces nouveaux secteurs, ce qui fait augmenter les
prix, créant ainsi de nouvelles opportunités de profit et encore
plus d'investissement, ce qu'augmentent les revenus et incitent les agents
à s'engager dans de nouveaux investissements.
· Un comportement moutonnier est observé, impliquant
les agents inexpérimentés qui n'entreprennent pas normalement
d'investissement.
D'autres définitions et/ou explications de crises
financières sont apparues dans la littérature économique.
Nous mettons d'abord l'accent sur le secteur bancaire qui en est le
déclencheur et est souvent identifié comme la source du
problème. De par leur fonction d'intermédiation, les banques
prennent en effet beaucoup de risques : elles prêtent aux
sociétés et aux ménages qui, elles, utilisent ces
prêts pour financer des achats d'actifs comme l'immobilier, les actions,
etc. De plus en plus d'achats sont faits pour des buts spéculatifs. Plus
la proportion de financement des dettes à court terme, s'accroit, plus
le risque est grand. Ainsi suffit-il un événement qui
déclenche une chute dans la valeur de ces actifs et tous les emprunteurs
s'aperçoivent qu'ils sont de plus en plus incapables de rembourser les
banques. Ceci dit qu'avec des perspectives de faibles bénéfices,
les cours des actions chutent, épuisant le capital de la banque. Par
conséquent, Les déposants deviennent préoccupés et,
en l'absence d'une
2 Kindleberger, p.27, op.cit.
assurance-dépôt adéquate, ils
préfèrent mettre leurs argents ailleurs, là où ils
se sentent en sécurité. Si ce comportement se répand
suffisamment à une grande échelle, les banques pourraient
s'effondre.
Lamfalussy (2000), en se référant aux
économies en voie de développement, a défini la crise
comme une situation où une banque centrale ne dispose pas (ou de moins
en moins) de réserves suffisantes, ou ne peut pas rembourser ses dettes
obligataires étrangères, libellé en monnaie
étrangère. Une fois que ces nouvelles inattendues sont rendues
publiques, ceci engendre une fuite rapide des capitaux
étrangers3 , un effondrement des marchés obligataires
intérieurs et une baisse forte dans la valeur de la monnaie
nationale.
Haldane et al. (2004) notent qu'une troisième
génération de modèles de crises financières est
apparue. Ces modèles identifient le compte de capital comme la source du
problème. Le Mexique, l'Asie du Sud- est, la Russie, le Brésil et
l'Argentine ont tous récemment fait l'expérience amère
d'une crise financière, où le compte de capital était un
facteur majeur.
La plupart des experts élargissent la définition
de la crise financière pour inclure les caractéristiques de la
fragilité financière, des paniques bancaires et de la contagion.
Bordo et al. (2001), par exemple, définissent une crise comme un
épisode de volatilité financière du marché
marquée par les problèmes significatifs d'illiquidité et
d'insolvabilité dont souffrent les institutions financières. Les
crises précédentes ont été en grande partie
limitées au secteur bancaire, beaucoup d'entre elles ont concerné
la monnaie, le secteur bancaire et d'autres marchés financiers. Leur
taux de fréquence semble avoir augmenté.
Enfin, la meilleure définition de la crise
financière est peut-être celle offerte par Goldsmith 4 en
commentant Minsky. Il définit une crise financière comme une
"forte, brève et ultra-cyclique détérioration de la
totalité ou de la plupart des indicateurs financiers à court
terme : taux d'intérêt, prix des actifs (actions,
immobilier)...
3 Lamfalussy reconnaît que les
résidents peuvent s'enfuir avec leurs capitaux bien avant que des
informations portant sur les problèmes de la banque centrale soient
apprises. Un tel comportement peut accélérer le
développement d'une crise.
4 Kindleberger et Laffargue, 1982
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