De l'analyse critique des règles de compétence de la cour pénale internationale( Télécharger le fichier original )par Patient SAYIBA TAMBWE Université Libre des Pays des Grands Lacs - Licencié 2002 |
Paragraphe III. La CIJ et le droit international public
La mission de la CIJ est «de régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis » (article 38 du Statut). Le droit applicable pour cela est : les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les États en litige ; la coutume internationale comme preuve d'une pratique générale, acceptée comme étant le droit ; les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées ; sous réserve de la disposition de l'article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit [50]. Elle peut également statuer, comme on l'a vu, ex aequo et bono, si elle y est autorisée par les deux parties. Elle a néanmoins utilisé d'elle-même la notion d'équité en tant que partie intégrante de l'interprétation de la norme juridique, c'est ce qu'on appelle la « suppléance normative » (1969 « Plateau continental de la mer du Nord »). En effet, comme elle l'affirme dans son arrêt « Cameroun septentrional » (1963) : sa fonction est de dire le droit mais elle ne peut rendre des arrêts qu'à l'occasion de cas concrets dans lesquels il existe, au moment du jugement, un litige impliquant un conflit d'intérêts juridiques entre les États [51]. Que ce soit par ses arrêts ou par ses avis consultatifs, la CIJ a contribué au développement progressif du DIP, imposant une conception plus flexible et insistant sur l'importance de la coutume (pratique générale et opinio juris des États). Pour elle, la coutume peut s'exprimer dans les conventions et traités internationaux par effet déclaratoire (la coutume préexiste à la convention), effet de cristallisation (règle en voie de formation) ou effet constitutif (une disposition conventionnelle devient une coutume). A. Confinement aux conflits limités et marginauxDepuis 1945, la CIJ est restée impuissante en ce qui concerne les conflits majeurs entre États et par conséquent politiquement plus sensibles, faute de saisine volontaire par les États. Son action a donc été limitée aux conflits marginaux. La CIJ a même eu un rôle dissuasif, une fois saisie, amenant les États à s'entendre directement entre eux : ce fut le cas pour l'affaire « Certaines terres à phosphates à Nauru » (1993), opposant Nauru à l'Australie, qui vit finalement le désistement à l'instance des deux parties. Durant les années 1970, beaucoup d'États ont même refusé de comparaître devant la CIJ ; d'autres ont retiré leur déclaration facultative de juridiction obligatoire après des décisions leur ayant été défavorables (France en 1974 après « Essais nucléaires » et États-Unis en 1986 après « Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua »). [52] La CIJ s'est même auto-limitée pour ne pas se discréditer dans le cas d'affaires sensibles. Ainsi, elle a refusé de statuer au fond pour « Essais nucléaires » (Australie c/. France et Nouvelle-Zélande c/. France, 1986) et « Sud-Ouest africain » (Éthiopie c/. Afrique du Sud et Libéria c/. Afrique du Sud, 1966). Devant les refus de comparution, elle a souvent adopté une position de retrait : elle jugeait qu'il n'y avait alors pas compétence, ou que l'affaire était devenue de fait sans objet. [53] |
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