Face à l'étendue de sa mission, nous proposons
que l'ATAD oriente ses activités vers la prévention. Elle
consiste à approcher les enfants de la rue pour les aider à
trouver des solutions à leurs problèmes en les encourageant
à retourner le plus vite que possible dans leur famille. Pour ce faire,
l'ATAD pourrait travailler en collaboration avec les services sociaux des
arrondissements afin de trouver les voies et moyens pour le retour des enfants
en famille car les services sociaux des arrondissements dans la ville de
N'djamena sont plus proches des populations de N'djamena et s y connaissent
mieux dans le domaine de l'enquête sociale.
Pour un meilleur encadrement des enfants de la rue nous
suggérons :
- la réalisation des sorties nocturne et diurne. Au
cours de ces sorties, les actions de l'équipe consisteront à une
présentation de la stratégie aux enfants, leur sensibilisation
pour les inciter à rejoindre le local pour mettre en route des projets
individuels. Cette sortie nocturne pourrait se faire sans la collaboration
avec les forces de l'ordre (la police) de peur de paniquer les enfants mais au
contraire avec une équipe sanitaire pour des soins d'urgences.
- Mise en place des aires d'écoute aux abords des
grands marchés avec des permanences pour écouter et orienter les
enfants. Ces aires d'écoute permettront de très vite
déceler les nouveaux enfants qui arrivent dans la rue.
Le fonctionnement de cette permanence pourrait être
assuré par des éducateurs, des infirmiers et des psychologues.
- un suivi planifié et très régulier
pour les enfants ayant fait objet de retour en famille pour s'enquérir
de leur nouvelle et l'évolution de leur réinsertion
- l'ATAD manquant de spécialistes (éducateurs
spécialisés, assistants sociaux, psychologues etc.) dans
l'équipe des encadreurs, il serait nécessaire, voire urgent, de
former ou de demander leur affectation par l'Etat pour l'encadrement des
enfants.
- une des actions à mener est l'éducation
parentale pour la protection et l'épanouissement des enfants. Cela
consisterait entre autre à apprendre aux parents à
considérer leurs enfants comme des êtres à part
entière doués d'une personnalité qui demandent à
être reconnus et valorisés. En somme, la famille que nous
souhaitons comme « cellule de base de la
société » devrait être une famille
éduquée et « éducatrice, reproductive
raisonnable des vivants d'un monde meilleur, conservatrice... au sens noble,
qui protège18(*). »
En dehors du relèvement qualitatif du personnel, ce
dernier devrait avoir des qualités et aptitudes, de l'amour pour les
enfants, être professionnellement compétent et animé d'un
désir permanent de culture et d'information. Pour ce faire,
l'organisation des sessions de formation continue sur la psychologie, la
déviance et la délinquance, les techniques d'entretien auxquelles
prendront part les éducateurs, est nécessaire. La totalité
des animateurs de l'ATAD formé « sur le tas » en ont
exprimé le besoin.
Pour les ressources matérielles
- l'ATAD doit avoir à sa disposition ses locaux
propres et adaptés à ses besoins à N'djamena. L'actuel
local loué à des religieux est très petit et n'offre pas
assez d'espace. En plus, il se situe dans une zone très difficile
d'accès (non loin de la présidence de la république et des
camps militaires) ;
- La dotation suffisante et régulière en
matériel tels que : vêtements, des produits pharmaceutiques,
du savon, produits alimentaires pour maintenir la fréquentation
régulière du local ;
- l'acquisition d'un véhicule tout terrain
faciliterait les renouements familiaux, les retours en famille des enfants dans
les localités géographiquement éloignés de
N'djamena, ce véhicule sera aussi de nature à faciliter
l'évacuation sanitaire des enfants qui se trouvent au centre de Raf
à 45km de N'djamena ;
- l'acquisition des motos pour les animateurs qui n'ont pas
de moyen de déplacement et se déplacent à pied ou sur des
vélos personnels
- l'acquisition du matériel d'animation tels que
vidéo, pour projeter des films éducatifs et faire la
sensibilisation.
En ce qui concerne les ressources financières et afin
de pallier au caractère ponctuel des fonds alloués par les
bailleurs extérieurs, l'association Italienne IL FOCOLARE étant
le seul qui soutient d'une manière discontinue les activités de
l'ATAD, nous préconisons un engagement des autorités
gouvernementales par des subventions financières annuelles pour le
retour des enfants en famille.
Au niveau de la prise en charge des enfants :
Pour les enfants bénéficiant des prestations de
l'ATAD nous pensons que l'efficacité de leur prise en charge en vue
d'une réinsertion familiale doit passer par l'établissement d'un
règlement intérieur et programme de réinsertion bien
planifié auquel seront soumis le personnel et les enfants des centres de
N'djamena et RAF.
La vie en société passe par l'acquisition des
règles qui régissent la société quel que soit
l'âge des membres de cette société. C'est pourquoi il est
important d'être rigoureux dans la rééducation. Cette
rigueur que nous prônons n'est pas une tyrannie à l'endroit des
enfants, mais elle est l'acceptation d'un effort et d'une prise de conscience
de ces derniers pour sortir de leur situation. C'est dans ce cadre qu'on
pourra suivre l'enfant, être situé sur ses problèmes et les
causes qui l'on amené dans la rue. Les enfants doivent se soumettre une
fois qu'ils sont pris en charge par l'ATAD, se soumettre aux programmes
établis or effectivement, l'ATAD n'a pas un programme clair de
réinsertion familiale des enfants.
IL est important de noter que l'ATAD ne dispose pas de budget
annuel propre destiné aux retours des enfants. Pour un retour
effectué, l'animateur dans le cas de ceux qui s'occupent des enfants
à l'ATAD, ne reçoit rien comme support (moyen financier).
L'enfant accompagné même ne reçoit rien de particulier que
de la friperie. Les parents non plus ne reçoivent rien pour l'accueil et
l'installation des enfants qu'on les remet.
De l'ensemble des résultats de notre enquête il
ressort que les acteurs stratégiques ne tirent rien de l'activité
retour des enfants. S'agissant des enfants, sur les sept (07) enfants, les cinq
(05) réinsérés en famille par l'ATAD à qui nous
avons demandé ce qu'on leur a donné quand ils rentraient en
famille, les réponses suivantes revenaient
régulièrement : « quand je suis retourné en
famille on m'a donné que des habits ». Hamid B, « on
m'a donné des habits et j'ai pris ma couverture mais au moment de
partir, l'éducateur m'a dit que je l'ai volé ... Il m'a tout
arraché pour me laisser partir sans rien du tout »
Allarabaye M, « on ne m'a rien donné, ils
ont dit que mon père pourrait m'en acheter » ; Bernard
M. « j'ai reçu des habits et des cahiers pour aller à
l'école mais pour les cahiers ce n'est pas le centre qui me les a
offert, c'est Mr X qui m'a donné car il m'aime
beaucoup » ; Kouldegue A « on m'a dit de rentrer en
famille et après ils viendront me chercher du travail de
mécanique auto et depuis ils ne sont plus revenus...je croyais que vous
êtes venus pour ça ».
Ces témoignages des enfants
réinsérés prouvent que la réinsertion familiale des
enfants de rue pris en charge par l'ATAD n'est pas bien
préparée.
L'acceptation par l'enfant de retourner en famille est
motivée par l'obtention immédiat ou à court terme d'un
gain matériel ou financier. Mais il arrive aussi que les enfants mettent
en jeu des ressources de nature psychologique, sociale ou culturelle comme
c'est le cas par exemple de Bichara H « je suis rentré de
moi-même en famille parce que ma mère pleure tout le temps
à cause de mon absence. Je suis son fils unique et c'est à cause
de moi que mon( père) l'a mise dehors car il a dit que ma mère
m'a eu en dehors de lui...je vais prouver à ce monsieur que je peux
m'occuper de ma mère ».
Dans les propos de Bichara, on note que son retour en famille
est guidé par les liens affectifs à sa maman. Une
préparation conséquente du retour de Bichara par les
éducateurs de l'ATAD aurait sans doute contribué à
normaliser les relations entre sa maman et son
« père » quand bien même le problème
évoqué par Bichara apparaît délicat.
- La limitation de la durée de prise en charge en
tenant compte de chaque cas (individualisé) :
L'ATAD ne doit pas être vue comme un service
d'assistance sans fin. 36 mois de prise en charge d'un enfant qui a atteint sa
majorité pénale est beaucoup à notre avis. Il faut
très rapidement oeuvrer de manière à ce que l'enfant
retourne rapidement en famille.
Dès les premiers contacts, faire comprendre cela
à l'enfant pour l'inciter à faire des efforts. Pendant cette
période, l'enfant sera retourné en famille si les conditions
familiales le permettent.
- La construction des aires d'écoute aux abords
des grands marchés et sur des sites tel que Californie19(*), les aires d'écoute
permettront d'identifier les nouveaux venus dans la rue et prendre des mesures
qui s'imposent car plus l'enfant dure dans la rue, plus il devient difficile de
l'en séparer et il s'enfonce dans la délinquance ;
- Une collaboration ou une coopération entre
structures afin de mettre fin à ce que certains
spécialistes appellent la divagation ou le (nomadisme) qui
caractérise ces enfants passant de structure en structure. Sept (07)
enfants sur dix (10) bénéficiant des prestations de l'ATAD ont
bénéficié des prestations du Centre Espoir de Koundoul
pour l'Enfance. Il n'est pas exclu que ces enfants n'iront pas ailleurs
prochainement. Cette extrême mobilité des enfants n'est pas de
nature à faciliter leur retour en famille, c'est pourquoi nous proposons
que la collaboration entre les structures à travers le signalement et la
communication aux autres structures de l'arrivée d'un nouveau enfant,
communiquer les photos des enfants pris en charge à d'autres structure
pour mettre fin à leur divagation, nous pensons aussi qu'il serait
nécessaire de communiquer les listes des enfants retournés en
famille pour un meilleur suivi. Par ailleurs les retours en famille connaissent
parfois l'indifférence de certains parents qui ne s'impliquent pas
totalement, c'est pour quoi nous suggérons, la création des
cadres de concertation et l'école parentale à travers la
sensibilisation, des séminaires d'informations etc.
Concernant les autres associations privées :
- former les membres dirigeants et les gestionnaires en
identification et élaboration, planification et suivi de
projets ;
- organiser périodiquement des forums sur des
thématiques d'intérêt général
(rééducation des enfants, formation professionnelle,
alphabétisation, retour en famille, consommation de drogue
etc.) ;
- réaliser un diagnostic institutionnel en vu
d'élaborer un plan stratégique et mettre en pratique ses
recommandations. Etablir au besoin et progressivement un lien entre la
réalisation d'activités et l'évolution du fonctionnement
des associations au plan de la bonne gouvernance ;
- organiser des visites d'échanges
d'expériences inter organisationnelles sur la base d'un cahier de charge
précis et négocié, restituer les résultats aux
membres
- former les responsables des associations en techniques
d'étude du milieu et de l'utilisation des résultats pour une
meilleure identification, élaboration et planification de leur
projet :
- envisager le travail de terrain pour identifier dans chaque
quartier ou arrondissement les familles à risques et élaborer
à leur intention des actions préventives, multiformes et
différenciées (appui scolaire, santé, soutien alimentaire
ponctuel, placement familial ou institutionnel, formation professionnelle,
activités économiques, informations éducation
parentale...) sous la forme de petits projets.
Concernant le Centre Espoir de Koundoul pour
l'Enfance (centre public) :
- Former des éducateurs spécialisés pour
renforcer l'équipe des assistants sociaux qui dirigent actuellement le
centre ;
- Créer un cadre de travail sain au centre pour
permettre aux éducateurs de jouer réellement leur rôle. Ce
cadre passe forcement par l'autonomie de fonctionnement et de gestion du
Centre ;
- Avoir un conseil d'administration impliquant les
ministères de : l'Action Sociale et de la famille, le
Ministère de la Justice, le Ministère de l'Education Nationale,
le Ministère du Travail ;
- Nommer un Directeur du Centre en lieu et place du
responsable du Centre qui en réalité n'est qu'un
« faire valoir » sans pouvoir de décision sur la
gestion du Centre ;
- Dépolitiser la gestion du centre en nommant les gens
qu'il faut à la place qu'il faut. Car, l'enquête a
révélé que plus 40 000 000 frs CFA sont chaque
année consacrés dans le budget du Ministère de L'Action
Sociale et de la Famille au fonctionnement du Centre Espoir de Koundoul et de
la Crèche de Moursal, mais le rendement des deux centres est en de
ça des espérances . La preuve est que depuis la deuxième
moitié de l'année 2007, jusqu'à la date de notre
enquête en mars 2008, le Centre Espoir qui a une capacité
d'accueil de 120 enfants en difficulté, n'a qu'à son sein un seul
enfant de surcroît handicapé, alors que la crèche quant
à elle est fermée depuis plus de deux ans