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La réinsertion familiale des enfants de la rue dans la ville de Ndjaména au Tchad: Etat des lieux et perspectives

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par Jacob NOUBATOINGAR LOGTO
Ecole des Cadres Supérieurs en Travail Social de Ouagadougou- Burkina - faso - Diplôme d'Etat d'Inspecteur d'Education Spécialisée 2005
  

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3.3 PROPOSITIONS ET SUGGESTIONS

Face à l'étendue de sa mission, nous proposons que l'ATAD oriente ses activités vers la prévention. Elle consiste à approcher les enfants de la rue pour les aider à trouver des solutions à leurs problèmes en les encourageant à retourner le plus vite que possible dans leur famille. Pour ce faire, l'ATAD pourrait travailler en collaboration avec les services sociaux des arrondissements afin de trouver les voies et moyens pour le retour des enfants en famille car les services sociaux des arrondissements dans la ville de N'djamena sont plus proches des populations de N'djamena et s y connaissent mieux dans le domaine de l'enquête sociale.

Pour un meilleur encadrement des enfants de la rue nous suggérons :

- la réalisation des sorties nocturne et diurne. Au cours de ces sorties, les actions de l'équipe consisteront à une présentation de la stratégie aux enfants, leur sensibilisation pour les inciter à rejoindre le local pour mettre en route des projets individuels. Cette sortie nocturne pourrait se faire sans la collaboration avec les forces de l'ordre (la police) de peur de paniquer les enfants mais au contraire avec une équipe sanitaire pour des soins d'urgences.

- Mise en place des aires d'écoute aux abords des grands marchés avec des permanences pour écouter et orienter les enfants. Ces aires d'écoute permettront de très vite déceler les nouveaux enfants qui arrivent dans la rue.

Le fonctionnement de cette permanence pourrait être assuré par des éducateurs, des infirmiers et des psychologues.

- un suivi planifié et très régulier pour les enfants ayant fait objet de retour en famille pour s'enquérir de leur nouvelle et l'évolution de leur réinsertion

- l'ATAD manquant de spécialistes (éducateurs spécialisés, assistants sociaux, psychologues etc.) dans l'équipe des encadreurs, il serait nécessaire, voire urgent, de former ou de demander leur affectation par l'Etat pour l'encadrement des enfants.

- une des actions à mener est l'éducation parentale pour la protection et l'épanouissement des enfants. Cela consisterait entre autre à apprendre aux parents à considérer leurs enfants comme des êtres à part entière doués d'une personnalité qui demandent à être reconnus et valorisés. En somme, la famille que nous souhaitons comme « cellule de base de la société » devrait être une famille éduquée et « éducatrice, reproductive raisonnable des vivants d'un monde meilleur, conservatrice... au sens noble, qui protège18(*). »

En dehors du relèvement qualitatif du personnel, ce dernier devrait avoir des qualités et aptitudes, de l'amour pour les enfants, être professionnellement compétent et animé d'un désir permanent de culture et d'information. Pour ce faire, l'organisation des sessions de formation continue sur la psychologie, la déviance et la délinquance, les techniques d'entretien auxquelles prendront part les éducateurs, est nécessaire. La totalité des animateurs de l'ATAD formé « sur le tas » en ont exprimé le besoin.

Pour les ressources matérielles

- l'ATAD doit avoir à sa disposition ses locaux propres et adaptés à ses besoins à N'djamena. L'actuel local loué à des religieux est très petit et n'offre pas assez d'espace. En plus, il se situe dans une zone très difficile d'accès (non loin de la présidence de la république et des camps militaires) ;

- La dotation suffisante et régulière en matériel tels que : vêtements, des produits pharmaceutiques, du savon, produits alimentaires pour maintenir la fréquentation régulière du local ;

- l'acquisition d'un véhicule tout terrain faciliterait les renouements familiaux, les retours en famille des enfants dans les localités géographiquement éloignés de N'djamena, ce véhicule sera aussi de nature à faciliter l'évacuation sanitaire des enfants qui se trouvent au centre de Raf à 45km de N'djamena ;

- l'acquisition des motos pour les animateurs qui n'ont pas de moyen de déplacement et se déplacent à pied ou sur des vélos personnels

- l'acquisition du matériel d'animation tels que vidéo, pour projeter des films éducatifs et faire la sensibilisation.

En ce qui concerne les ressources financières et afin de pallier au caractère ponctuel des fonds alloués par les bailleurs extérieurs, l'association Italienne IL FOCOLARE étant le seul qui soutient d'une manière discontinue les activités de l'ATAD, nous préconisons un engagement des autorités gouvernementales par des subventions financières annuelles pour le retour des enfants en famille.

Au niveau de la prise en charge des enfants :

Pour les enfants bénéficiant des prestations de l'ATAD nous pensons que l'efficacité de leur prise en charge en vue d'une réinsertion familiale doit passer par l'établissement d'un règlement intérieur et programme de réinsertion bien planifié auquel seront soumis le personnel et les enfants des centres de N'djamena et RAF.

La vie en société passe par l'acquisition des règles qui régissent la société quel que soit l'âge des membres de cette société. C'est pourquoi il est important d'être rigoureux dans la rééducation. Cette rigueur que nous prônons n'est pas une tyrannie à l'endroit des enfants, mais elle est l'acceptation d'un effort et d'une prise de conscience de ces derniers pour sortir de leur situation. C'est dans ce cadre qu'on pourra suivre l'enfant, être situé sur ses problèmes et les causes qui l'on amené dans la rue. Les enfants doivent se soumettre une fois qu'ils sont pris en charge par l'ATAD, se soumettre aux programmes établis or effectivement, l'ATAD n'a pas un programme clair de réinsertion familiale des enfants.

IL est important de noter que l'ATAD ne dispose pas de budget annuel propre destiné aux retours des enfants. Pour un retour effectué, l'animateur dans le cas de ceux qui s'occupent des enfants à l'ATAD, ne reçoit rien comme support (moyen financier). L'enfant accompagné même ne reçoit rien de particulier que de la friperie. Les parents non plus ne reçoivent rien pour l'accueil et l'installation des enfants qu'on les remet.

De l'ensemble des résultats de notre enquête il ressort que les acteurs stratégiques ne tirent rien de l'activité retour des enfants. S'agissant des enfants, sur les sept (07) enfants, les cinq (05) réinsérés en famille par l'ATAD à qui nous avons demandé ce qu'on leur a donné quand ils rentraient en famille, les réponses suivantes revenaient régulièrement : « quand je suis retourné en famille on m'a donné que des habits ». Hamid B, « on m'a donné des habits et j'ai pris ma couverture mais au moment de partir, l'éducateur m'a dit que je l'ai volé ... Il m'a tout arraché pour me laisser partir sans rien du tout »

Allarabaye M, « on ne m'a rien donné, ils ont dit que mon père pourrait m'en acheter » ; Bernard M. « j'ai reçu des habits et des cahiers pour aller à l'école mais pour les cahiers ce n'est pas le centre qui me les a offert, c'est Mr X qui m'a donné car il m'aime beaucoup » ; Kouldegue A « on m'a dit de rentrer en famille et après ils viendront me chercher du travail de mécanique auto et depuis ils ne sont plus revenus...je croyais que vous êtes venus pour ça ».

Ces témoignages des enfants réinsérés prouvent que la réinsertion familiale des enfants de rue pris en charge par l'ATAD n'est pas bien préparée.

L'acceptation par l'enfant de retourner en famille est motivée par l'obtention immédiat ou à court terme d'un gain matériel ou financier. Mais il arrive aussi que les enfants mettent en jeu des ressources de nature psychologique, sociale ou culturelle comme c'est le cas par exemple de Bichara H « je suis rentré de moi-même en famille parce que ma mère pleure tout le temps à cause de mon absence. Je suis son fils unique et c'est à cause de moi que mon( père) l'a mise dehors car il a dit que ma mère m'a eu en dehors de lui...je vais prouver à ce monsieur que je peux m'occuper de ma mère ».

Dans les propos de Bichara, on note que son retour en famille est guidé par les liens affectifs à sa maman. Une préparation conséquente du retour de Bichara par les éducateurs de l'ATAD aurait sans doute contribué à normaliser les relations entre sa maman et son « père » quand bien même le problème évoqué par Bichara apparaît délicat.

- La limitation de la durée de prise en charge en tenant compte de chaque cas (individualisé) :

L'ATAD ne doit pas être vue comme un service d'assistance sans fin. 36 mois de prise en charge d'un enfant qui a atteint sa majorité pénale est beaucoup à notre avis. Il faut très rapidement oeuvrer de manière à ce que l'enfant retourne rapidement en famille.

Dès les premiers contacts, faire comprendre cela à l'enfant pour l'inciter à faire des efforts. Pendant cette période, l'enfant sera retourné en famille si les conditions familiales le permettent.

- La construction des aires d'écoute aux abords des grands marchés et sur des sites tel que Californie19(*), les aires d'écoute permettront d'identifier les nouveaux venus dans la rue et prendre des mesures qui s'imposent car plus l'enfant dure dans la rue, plus il devient difficile de l'en séparer et il s'enfonce dans la délinquance ;

- Une collaboration ou une coopération entre structures afin de mettre fin à ce que certains spécialistes appellent la divagation ou le (nomadisme) qui caractérise ces enfants passant de structure en structure. Sept (07) enfants sur dix (10) bénéficiant des prestations de l'ATAD ont bénéficié des prestations du Centre Espoir de Koundoul pour l'Enfance. Il n'est pas exclu que ces enfants n'iront pas ailleurs prochainement. Cette extrême mobilité des enfants n'est pas de nature à faciliter leur retour en famille, c'est pourquoi nous proposons que la collaboration entre les structures à travers le signalement et la communication aux autres structures de l'arrivée d'un nouveau enfant, communiquer les photos des enfants pris en charge à d'autres structure pour mettre fin à leur divagation, nous pensons aussi qu'il serait nécessaire de communiquer les listes des enfants retournés en famille pour un meilleur suivi. Par ailleurs les retours en famille connaissent parfois l'indifférence de certains parents qui ne s'impliquent pas totalement, c'est pour quoi nous suggérons, la création des cadres de concertation et l'école parentale à travers la sensibilisation, des séminaires d'informations etc.

Concernant les autres associations privées :

- former les membres dirigeants et les gestionnaires en identification et élaboration, planification et suivi de projets ;

- organiser périodiquement des forums sur des thématiques d'intérêt général (rééducation des enfants, formation professionnelle, alphabétisation, retour en famille, consommation de drogue etc.) ;

- réaliser un diagnostic institutionnel en vu d'élaborer un plan stratégique et mettre en pratique ses recommandations. Etablir au besoin et progressivement un lien entre la réalisation d'activités et l'évolution du fonctionnement des associations au plan de la bonne gouvernance ;

- organiser des visites d'échanges d'expériences inter organisationnelles sur la base d'un cahier de charge précis et négocié, restituer les résultats aux membres

- former les responsables des associations en techniques d'étude du milieu et de l'utilisation des résultats pour une meilleure identification, élaboration et planification de leur projet :

- envisager le travail de terrain pour identifier dans chaque quartier ou arrondissement les familles à risques et élaborer à leur intention des actions préventives, multiformes et différenciées (appui scolaire, santé, soutien alimentaire ponctuel, placement familial ou institutionnel, formation professionnelle, activités économiques, informations éducation parentale...) sous la forme de petits projets.

Concernant le Centre Espoir de Koundoul pour l'Enfance (centre public) :

- Former des éducateurs spécialisés pour renforcer l'équipe des assistants sociaux qui dirigent actuellement le centre ;

- Créer un cadre de travail sain au centre pour permettre aux éducateurs de jouer réellement leur rôle. Ce cadre passe forcement par l'autonomie de fonctionnement et de gestion du Centre ;

- Avoir un conseil d'administration impliquant les ministères de : l'Action Sociale et de la famille, le Ministère de la Justice, le Ministère de l'Education Nationale, le Ministère du Travail ;

- Nommer un Directeur du Centre en lieu et place du responsable du Centre qui en réalité n'est qu'un « faire valoir » sans pouvoir de décision sur la gestion du Centre ;

- Dépolitiser la gestion du centre en nommant les gens qu'il faut à la place qu'il faut. Car, l'enquête a révélé que plus 40 000 000 frs CFA sont chaque année consacrés dans le budget du Ministère de L'Action Sociale et de la Famille au fonctionnement du Centre Espoir de Koundoul et de la Crèche de Moursal, mais le rendement des deux centres est en de ça des espérances . La preuve est que depuis la deuxième moitié de l'année 2007, jusqu'à la date de notre enquête en mars 2008, le Centre Espoir qui a une capacité d'accueil de 120 enfants en difficulté, n'a qu'à son sein un seul enfant de surcroît handicapé, alors que la crèche quant à elle est fermée depuis plus de deux ans

* 18 Hervé Bazin « ce que je crois » cité par Dionou op-cit, page126

* 19 Décharge des déchets des militaires français de l'opération épervier située non loin de l'aéroport de N'djamena, côté ouest.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo