2. L'impact des plans d'urbanisme sur les changements
d'occupation du sol
Les différents plans se sont traduits de façon
concrète par l'extension des zones d'habitat et des infrastructures. A
partir du plan de 1946 déjà, on assiste à une urbanisation
vers l'est de la ville de Dakar et au « grignotage » de
l'espace rurale par la ville. L'histoire du peuplement de Pikine est
liée à celle de Dakar avec la création de Pikine Dagoudane
en 1952 sur un terrain de 223 ha à la suite de déguerpissements
de populations à Dakar. Pikine qui s'étendait sur 30 ha en 1954 a
vu sa superficie multiplier par plus de quatorze fois en atteignant 433 ha en
1960 (PDU, 1980). Cette tendance s'est maintenue jusqu'en 1968 car avec la
saturation du site loti de ICOTAF en 1964, une occupation
irrégulière de zones impropres à l'habitat a finit par
faire la jonction entre Pikine et les villages traditionnels de Thiaroye et
Yeumbeul.
De 1961 à 1980 un certain nombre de zone d'habitations
sont aménagées pour satisfaire la demande croissante de
logements. La cité Patte d'Oie est crée en 1969 par une
société américaine (Builders) après l'achat du
titre foncier en 1963 (TF 6800). Elle est suivie de la construction d'un
ensemble d'infrastructures sur le site. Ensuite, l'opération initiale
Parcelles Assainies est lancée sur 400 ha , un second projet est
programmé sur un terrain de 200 ha à Guédiawaye, sur un
autre de 100 ha à Dalifort et sur un troisième de 300 ha à
Keur Massar (PDU, 1980).
A partir des années 1980, les programmes se multiplient
et se concrétisent avec la création des cités SOPRIM,
Impôts et Domaines en 1987, de la cité Keur Damel en 1990. En
1992, la cité SOPRIM extension est crée et la cité Al Amal
en 1993. Ces créations ont complètement changé
l'occupation du sol dans la zone d'étude. Elles posent aussi le
problème de leur extension vers les niayes qui se trouvent
enserrées dans cet espace. La SCAT Urbam a construit entre 1995 et 2000,
4250 unités d'habitation à Hann Bel Air (IAGU, 2005).
La structure spatiale de la région de Dakar a ainsi
fortement changé de 1980 à 2001. En effet, sur un espace de 53640
ha, l'habitat est passé de 9,94 % à 36,29 % ; les espaces
boisés, agricoles, inondables et vacants de 78,16 % à 50,81 %
(PDU, 2001).
3. Les limites de la planification urbaine
Les différents plans sont confrontés à
des contraintes naturelles mais surtout des contraintes foncières vu la
particularité du système foncier de Dakar marqué par
l'existence d'anciens villages traditionnels.
La mise en pratique et le respect du plan d'urbanisme
constituent des faiblesses de la planification. En effet dans tous les plans
directeurs, les niayes sont considérées comme des zones non
aedificandi du fait de son humidité, de sa
vulnérabilité aux inondations et du rôle important qu'elles
jouent dans la recharge de la nappe phréatique. Cependant, les anciens
propriétaires terriens ont procédé à des ventes de
terrains non immatriculées ou dans des zones impropres à
l'habitat. Aussi avec la création de quartiers de déguerpis,
d'autres établissements humains de type irrégulier se sont
développés et bénéficient paradoxalement
d'électricité, du téléphone, d'infrastructures
sanitaires et éducatives qui finissent par pérenniser leur
occupation. Dans le cadre de la décentralisation, quelques quartiers
irréguliers sont même érigés en communes
d'arrondissement. C'est ainsi que les autorités ont adopté
maintenant les opérations de restructuration et de régularisation
foncière afin de conformer ces installations aux normes d'urbanisme.
La vocation commune à ces différents plans, est
de créer une structure urbaine structurée et
équilibrée et qui répond aux besoins d'une population
très dynamique. Cependant, son exécution ne manque pas de poser
des problèmes vu l'importance des contraintes naturelles et
foncières mais aussi par rapport à la multiplicité des
acteurs qui agissent et interagissent sur un même espace.
La principale conclusion qu'on peut retenir des changements
d'occupation pour les deux zones d'étude est l'avancée du front
d'urbanisation matérialisée d'une part par l'extension de
l'habitat et, d'autre part par le développement des infrastructures
routières. Cependant, ces changements ne se sont pas
opérés à un même rythme. La période 1954-1978
est marquée par la prépondérance du facteur naturel qu'est
la sécheresse et les mutations sont plus rapides. De 1978 à
2005, la progression du bâti est certes ralentie par la saturation des
sites mais s'est faite au détriment de toutes les autres classes
d'occupation du sol.
Dans le site de la Grande Niaye, l'extension spatiale dans la
dépression est moins importante, le type d'habitat régulier,
planifié y est plus répandu. Cependant, les moyens
utilisés pour le remblaiement sont plus importants. Par exemple dans la
Niaye des Maristes, 23 ha ont été remblayés entre 1998 et
2003 par une société immobilière. Ce qui reste de la niaye
est placé sous l'autorité de la Direction des Eaux et
Forêts et est ceinturée par une route destinée à la
protéger.
Dans le site de Yeumbeul, d'importantes portions de niayes
sont occupées par les habitations. Les remblaiements se font de
façon individuelle et localisée par les populations. C'est une
zone marquée par l'habitat irrégulier. La niaye ne fait l'objet
d'aucune protection de la part des autorités administratives et les
règles d'urbanisme ne sont pas respectées. Il y a aussi une
revitalisation des niayes qui fait que sur de vastes espaces, les habitations
sont occupées par les eaux.
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