II. LES FACTEURS
SOCIO-ECONOMIQUES
1. La croissance de la population de la région de
Dakar
Les villes offrent des opportunités économiques
et scientifiques. Elles attirent par conséquent un nombre sans cesse
croissant de populations (figure 15). En effet, au Sénégal, le
port de Dakar dans ces différentes politiques de développement a
permis l'essor de beaucoup d'activités liées aux services.
Simultanément, il s'est produit dans le pays une crise agricole assez
aiguë et un déclin des ports de l'intérieur (Kaolack,
Rufisque). Les populations ont ainsi migré vers la capitale
espérant y trouver de meilleures conditions d'existence et
d'épanouissement. Il y a aussi l'essor du secteur informel qui permet
aux nouveaux arrivants de s'intégrer dans la vie active. Le
développement démographique de Dakar s'est effectué au
détriment des autres villes et des villages (tableau 4). C'est dans ce
contexte que Dakar accueille chaque année prés de 36000 personnes
venues de l'intérieur du pays (GEEP, 1994).
La figure 15 a été réalisée
à partir des données de l'Atlas Jeune Afrique de 1984 et de la
DPS (2004). Il montre la croissance soutenue de la population de la
région de Dakar depuis la période coloniale
Figure 15: Evolution de la
population de la région de Dakar de 1955 à 2004
Source : Atlas Jeune Afrique
(1984), DPS (2004)
Entre 1951 et 1974, la population a augmenté de
114% ; en 1961, les immigrants constituaient près de 55% de la
population de la région de Dakar (Dubresson, 1984). Dans les quartiers
de Yeumbeul les personnes interrogées ne sont pas nées dans la
zone. Elles sont toutes originaires d'autres régions du pays.
Le tableau 4 illustre la part importante de la population
urbaine de Dakar et la macrocéphalie du tissu urbain
sénégalais.
Tableau 4: Evolution de la
population urbaine de Dakar de 1955 à 1993
Années
|
1955
|
1960
|
1976
|
1988
|
1993
|
Population de Dakar/ Population urbaine
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43%
|
46%
|
45 %
|
47 %
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54 %
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Population de Dakar/ Population totale
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11 %
|
12 %
|
16 %
|
19 %
|
21,5 %
|
Sources : Adjamagbo et al. , 2002
2. Le développement de l'habitat irrégulier
L'habitat irrégulier s'est étendu dans la
capitale suite à l'afflux de populations, aux déguerpissements
et à la vente des terres par les propriétaires coutumiers. Les
migrants venus à la recherche de meilleures conditions de vie, ne
disposent pas d'une stabilité économique leur permettant
d'être éligibles aux programmes immobiliers. C'est ainsi qu'ils se
retournent vers les propriétaires qui ont commencé à
parcelliser et à commercialiser des terres dont la majeure partie se
trouvait dans la dépression ou étaient des exploitations
agricoles. Ce type d'occupation s'est surtout développé dans la
périphérie de Dakar (figure 16).
D'après un notable de Yeumbeul, la vente des terres
serait due à la volonté des habitants d'avoir des voisins pour
agrandir leur village. Ainsi de terres auraient été
cédé contre du sucre aux allochtones. Cependant, les premiers
signes de sécheresse ont commencé à se faire sentir
à partir de 1966 et c'est à partir de 1970, que les ventes de
parcelles ont commencé. Ainsi avec la sécheresse et la
pauvreté, les propriétaires ont commencé à vendre
une partie de leurs terres pour pouvoir construire leurs maisons. Les cultures
suscitaient moins d'intérêt pour les populations autochtones et
les anciens propriétaires savaient que ces zones étaient
impropres à l'habitat. Ils ont donc profité de la demande pour
s'en départir. Par conséquent, les anciens champs situés
sur la dune et l'essentiel de ceux situés dans la dépression sont
devenus des habitations : « la situation a beaucoup
changé, du temps des français, de Malika jusqu'au Tollu Bour
(actuel parc de Hann) il n'y avait que des champs de manioc mais maintenant les
gens habitent partout. La maison est devenue plus important que le
champ » a dit une personne âgée de Aïnoumadhi
I.
La relative modicité des prix des parcelles (100
à 250 f CFA le mètre carré dans la zone d'extension de
Pikine en 1980), constitue un attrait certain pour les nouveaux arrivants.
L'importance de la demande foncière favorise la spéculation et
les prix augmentent de plus en plus. C'est ainsi qu'en 2001, le mètre
carré de sol nu coûte 1400 à 1500 f CFA dans Pikine
Irrégulier.
La conversion des espaces cultivés en zones
d'habitation pose le problème de l'illégalité
foncière. Certaines parcelles vendues n'avaient pas fait l'objet d'une
immatriculation. Ainsi en 1980, dans la première circonscription
urbaine de Dakar, 18 % des résidents occupaient illégalement leur
parcelle d'habitation, ce taux est de 35 % dans la deuxième
circonscription (PDU, 1980). Toutes les personnes interrogées à
Yeumbeul (10) ne disposent que d'acte de vente. Cette information a
été corroborée par les délégués des
quartiers Darou Salam IV/C et V. Les quartiers Darou Salam au nombre de cinq,
constituent tous des quartiers irréguliers. Dans l'ensemble
constitué les quartiers Aïnoumadhi, seul le quartier
Aïnoumadhi I (175 parcelles) cédé à la SOTRAC en 1973
par le chef de la communauté Lébou d'alors, dispose d'un titre
foncier. D'autres quartiers (5) se sont greffés à Aïnoumadhi
I sur des parcelles non immatriculés ce qui fait qu'actuellement il
existe six quartiers Aïnoumadhi qui s'étendent de la D103 au lac
Ourouaye jusqu'à l'entrée de Malika .
L'extension de l'habitat irrégulier dans les zones
proches des niayes est aussi liée au développement du
maraîchage. En effet, des agriculteurs sont venus principalement de
l'intérieur du pays pour répondre à la demande croissante
de produits maraîchers. Certains maraîchers occupent de
manière progressive et durable l'exploitation qui finit par abriter
toute la famille. Il y a toujours des tentatives de coupler le lieu de travail
au lieu d'habitation. Ce cas est fréquent dans la Niaye des Maristes,
de Dalifort et dans la zone de captage. Pour le premier cas un permis d'occuper
est octroyé aux maraîchers à condition qu'ils ne
construisent pas et qu'ils veillent sur le site mais d'après les agents
des eaux et forêts, il arrive que certains construisent derrière
une palissade qui sert à la fois d'abri et de moyen de cacher la
construction. Ainsi certains commencent par y faire un abri sommaire et
précaire pour surveiller le champ mais ils s'installent au fur et mesure
et construisent avec des matériaux plus durables. Ceci pose le
problème d'une occupation irrégulière embryonnaire.
La figure 16 fait ressortir la prépondérance de
l'habitat régulier dans le département de Dakar. La situation de
l'habitat à Pikine par contre confirme l'extension de l'occupation
irrégulière dans la périphérie. Ce sont des faits
qui mettent aussi en exergue d'une part l'impact des plans d'urbanisme dans
l'extension du bâti et d'autre part la conséquence du non respect
des plans dans certaines localités (construction dans les zones
impropres à l'habitat).
Figure 16: Typologie de
l'habitat dans les départements de Dakar et Pikine
source : PDU horizon 2025
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