Section 2 - La loi n°2000-008 du 07 juin 2000
instituant le système de quota dans les fonctions électives, au
gouvernement et dans l'administration de l'État
Cette loi marque un changement de taille dans l'encadrement
juridique des droits politiques de la femme nigérienne maintenue pendant
longtemps dans une position moins favorable dans l'accès aux
responsabilités les plus élevées. L'adoption de cette loi
doit beaucoup à l'action des associations féminines qui,
déçues des réserves émises par le Niger vidant la
CEDEF de sa substance, ont exigé l'application des dispositions de la
Convention que l'Etat nigérien a librement acceptées. Il faut
noter qu'au Niger, dans le débat sur le statut de la femme, le
Gouvernement est dans une position délicate qui l'a souvent contraint
à plus de réalisme politique et donc à moins d'audace.
Conscient de la nécessité d'évoluer avec la
modernité propulsée par le contexte international et soutenue de
l'intérieur par les associations féminines laïques
revendiquant plus d'émancipation pour la femme, il ne peut ignorer les
puissantes organisations musulmanes qui ne se retrouvent pas dans les nouvelles
idées et valeurs véhiculées par le mouvement
féministe. De ce point de vue l'adhésion du Niger à la
CEDEF et la loi sur le quota peuvent être considérées comme
un pas décisif vers l'équité entre les genres dans
l'exercice des responsabilités et la gestion des affaires publiques tant
au niveau national qu'à l'échelle locale.
Communément appelée loi sur le quota, la
n°2000-008 du 07 juin 2000 instituant le système de quota dans les
fonctions électives, au gouvernement et dans l'administration de
l'État découle d'une volonté de mettre en oeuvre les
engagements de l'Etat du Niger dans le sens d'éliminer certaines
discriminations basées sur le sexe. En effet la loi sur le quota vise la
Constitution, la déclaration universelle des droits de l'homme, la
convention sur les droits politiques de la femme48 et la CEDEF. Bien
que cette loi ne cible pas spécifiquement les
48 Dans ses visas, la loi fait plutôt
référence à la convention sur les droits Publics de la
femme de 1952. Nos recherches ne nous ont pas permis de confirmer l'existence
d'une telle convention. Nous en avions déduit qu'il s'agissait
probablement de la Convention sur les droits politiques de la femmes
ouverte à la signature et à la ratification par
l'Assemblée générale de l'ONU dans sa résolution
640 (VII) du 20 décembre 1952 et à laquelle le Niger fait acte de
succession le 07 décembre 1964.
femmes, elle a en réalité été
adoptée en leur faveur. Son article 1er précise
qu'elle est instituée à titre transitoire. Ce qui est d'ailleurs
conforme à l'article 4-1 de la CEDEF qui prévoit que «
l'adoption par les Etats parties de mesures temporaires spéciales visant
à accélérer l'instauration d'une égalité de
fait entre les hommes et les femmes n'est pas considérée comme un
acte de discrimination tel qu'il est défini dans la présente
Convention, mais ne doit en aucune façon avoir pour conséquence
le maintien de normes inégales ou distinctes; ces mesures doivent
être abrogées dès que les objectifs en matière
d'égalité de chances et de traitement ont été
atteints. »
Aux termes de l'article 2 de la loi n.2000-008 du 07 juin 2000
instituant le système de quota dans les fonctions électives, au
gouvernement et dans l'administration de l'Etat : « le quota est une
mesure d'action positive visant à permettre à chaque citoyen sans
distinction aucune :
- de prendre part à la direction des affaires
publiques soit directement soit par l'intermédiaire de
représentants élus ;
- d'accéder dans les conditions
d'équité, aux fonctions publiques. »
Après avoir défini la notion de quota, la loi
fixe le pourcentage minimum de représentation des genres exigé
pendant les élections législatives ou locales, ou lors de la
nomination des membres du gouvernement et la promotion aux emplois
supérieurs de l'Etat.
L'article 3 dispose que lors des élections
législatives ou locales, les listes des partis politiques, groupements
de partis politiques ou regroupements de candidats indépendants, doivent
comporter des candidats titulaires de l'un et l'autre sexe. L'alinéa 2
de cet article stipule que « lors de la proclamation des
résultats définitifs, la proportion des candidats élus de
l'un ou de l'autre sexe ne doit pas être inférieure à 10
%. » Ainsi la loi fait obligation aux partis et regroupements de
candidats indépendants d'assurer une représentation minimale des
genres.
Le Décret n°2001-056/PRN/MDSP/PF/PE du 28
février 2001 portant application de la loi sur le quota précise
que les partis politiques et regroupements de candidats indépendants
doivent « inclure obligatoirement des candidats de l'un et de l'autre
sexe de manière à obtenir lors de la proclamation des
résultats définitifs une proportion supérieure ou
égale à 10 % des candidats de l'un et de l'autre sexe.
» Il ajoute que toute proclamation de résultats faite en violation
du principe du quota de 10 % peut être attaquée devant la Cour
Constitutionnelle. Cette disposition permettra de bannir la situation
de déséquilibre aberrant connu au niveau de la première
Assemblée Nationale de la Ve République où seule une femme
siégeait parmi 83 députés.
Les enjeux politiques des élections législatives
et locales mais aussi leurs coûts font que les partis politiques sont
enclins à observer rigoureusement ces dispositions. Aucun parti ne
prendra le risque insensé de voir ses listes rejetées ou ses
résultats invalidés pour défaut ou insuffisance de la
représentation des genres. Dans la pratique le système de quota a
bien fonctionné et a permis d'améliorer nettement la
représentation des femmes à l'Assemblée Nationale et dans
les conseils municipaux.
Quant à l'article 4 de la loi sur le quota, il
énonce que « lors de la nomination des membres du gouvernement
et de la promotion aux emplois supérieurs de l'État, la
proposition des personnes de l'un et de l'autre sexe ne doit pas être
inférieure à 25 % ». Cela signifie que le seuil minimal
de représentation des genres exigé dans le Gouvernement et les
emplois supérieurs de l'Etat est de 25 % contre 75 %. A contrario, aucun
sexe ne doit par conséquent dépasser le plafond de 75 % de
représentation dans les emplois supérieurs de l'Etat et au
Gouvernement.
L'Ordonnance n°99-57 du 22 novembre 1999,
déterminant la classification des emplois supérieurs de l'Etat et
les conditions de nomination de leurs titulaires, distingue les emplois
à caractère politique pourvus à la discrétion des
autorités compétentes et les emplois dits techniques dont les
nominations obéissent à des critères techniques et doivent
être motivées. Mais la formule de l'article 6 de cette ordonnance
est suffisamment vague pour tempérer les critères techniques et
maintenir le statu quo. Selon cette disposition, « le pouvoir de
nomination aux emplois techniques visés aux articles 4, 5 et 6 de la
présente ordonnance s'exerce sans discrimination de sexe et sans
préjudices de méthodes de recrutements et autres dispositions
relatives à l'organisation de la carrière contenues dans les
statuts régissant les cadres et corps des agents de l 'Etat et ou ses
démembrements. » 49
Quelles que soient les « méthodes de
recrutement », la loi sur le quota impose le quota à tous les
emplois supérieurs, qu'ils soient à caractère politique ou
technique. Les méthodes de recrutements (concours, promotions directes,
etc.) doivent être sensibles au quota de manière à rendre
conformes à la loi toute décision de nomination.
L'article 6 du décret d'application de la loi sur le
quota (n°2001-056/PRN/MDSP/PF/PE), dispose que toute nomination faite en
violation du seuil de 25 % de représentation de l'un ou l'autre sexe
lors de la nomination des membres du Gouvernement et aux emplois
supérieurs de l'Etat peut être attaquée devant la Chambre
administrative de la Cour Suprême. Cependant nous verrons plus loin que,
contrairement au recours dans le cadre du contentieux électoral
49 Article 6 Ordonnance n°99-57 du 22 novembre
1999
(devant la Cour Constitutionnel), le contentieux administratif
relatif aux actes de nomination des membres du gouvernement est assez
délicat et complexe. Dans la réalité le quota de 25 % de
représentation au Gouvernement et dans les emplois supérieurs de
l'Etat n'est toujours pas respecté même si l'on peut constater que
le nombre de places acquises par les femmes s'est accru.
Si la loi sur le quota a eu pour effet d'améliorer la
représentation des femmes, il faut souligner qu'elle n'a rien
prévu pour garantir la participation des femmes. Les femmes peuvent
être à l'Assemblée ou siéger dans les conseils
municipaux sans grande influence dans la prise de décision. Le
système de quota peut finalement faire des femmes un groupe minoritaire
dans des assemblées d'hommes où la domination de ces derniers
renforcée par les prédispositions culturelles et les
préjugés sociologiques, n'aura pas beaucoup de peine à
s'imposer.
L'on est par ailleurs contraint de compter sur la bonne
volonté des hommes leaders des partis pour ne pas limiter les femmes
à la proportion de 10 % dans les fonctions électives qui
constituent, selon la loi sur le quota, un minimum et non un plafond. A
défaut de la parité qui est le meilleur gage d'une
représentation et d'une participation équilibrées des deux
sexes, la loi aurait dû aller plus loin en exigeant plus
d'équité entre les genres dans la mise en place des bureaux des
conseils, Assemblée et commissions. La limitation du quota aux
élections législatives et locales, fait échapper un grand
nombre d'institution de la République au critère minimum de
représentation des genres car leur mode de désignation ne rentre
ni dans le champs des élections au sens du code électoral ni dans
celui de la nomination aux emplois supérieurs de l'Etat.
Le cadre légal ne peut ignorer le poids des traditions
et les survivances d'une répartition inégalitaire des rôles
dans une société qui a tendance a réserver les rôles
clefs aux hommes. Les femmes continuent certes à se battre pour avancer
et protéger chaque parcelle de responsabilité acquise mais elles
sont après tout les produits de cette société que la loi
sur le quota vise à réformer. Il y a donc lieu d'envisager de
meilleures garanties pour la représentation et la participation
politiques des femmes.
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