I Présentation du dispositif de
défiscalisation
1.1 Défiscalisation métropolitaine: la loi
Pons (1986), Paul (2001) et Girardin (2003)
1.1.1 Motivation
La prise en compte des handicaps structurels de l'outre-mer
(marchés étroits, coûts élevés du capital,
peu de possibilités d'économies d'échelles, accès
aux crédits restreints, éloignements des marchés
dynamiques...) a fait émerger des mesures favorables à
l'investissement dans les DCOM1. L'idée sous-jacente est donc
d'attirer les capitaux dans des secteurs qui souffrent d'un manque
d'attractivité du fait de la rentabilité faible voire
négative de certains investissements.
1.1.2 Principes
Le dispositif de défiscalisation métropolitaine
octroi une réduction d'impôt significative aux résidents
fiscaux métropolitains qui investissent dans des secteurs
éligibles.
Le principe central est de partager la réduction
d'impôt proposée entre le promoteur des DCOM et l'investisseur
métropolitain. Le bénéficiaire rétrocède au
minimum 60% de sa réduction d'impôt au promoteur. L'aide fiscale
bénéficie donc directement à des contribuables fiscalement
domiciliés en métropole lorsqu'ils participent au financement des
investissements en outre-mer. Elle bénéficie indirectement aux
promoteurs outre-marins sous forme de rétrocession de l'avantage fiscal
et constitue à ce titre une aide financière importante au
développement des entreprises des DCOM.
Du point de vue polynésien, le dispositif
métropolitain s'articule autour de deux axes : d'une part, il permet une
déduction de l'investissement réalisé en Polynésie
du résultat imposable des sociétés métropolitaines,
et d'autre part, il offre une réduction d'impôt sur le revenu
à hauteur de 50% du montant investi.
Notons, que l'investissement doit présenter un
intérêt économique pour la Polynésie, en plus de
respecter certaines modalités d'éligibilité. En outre, il
doit s'intégrer dans une politique de création d'emplois et
d'aménagement du territoire dans une optique de développement
durable. Par ailleurs, l'investissement doit garantir la protection des
investisseurs ainsi que des tiers. De son côté, le
bénéficiaire doit respecter
certaines
obligations.
Les dispositions de la loi Girardin sont pour l'essentiel
inscrites dans les articles 199 undecies A - 1 99undecies B - 217 undecies de
la loi de finances.
Concernant les secteurs éligibles à la Loi
Girardin, nous nous devons de différencier: l'immobilier et le secteur
industriel.
a. Eligibilité2
L'immobilier (art. 199 undecies A)
Logement libre (sans contraintes):
L'investissement réalisé dans un projet de
construction immobilière destiné à la location permet
l'octroi d'une réduction d'impôt de 40%. N'est
considérée comme base de financement que le montant dit «
éligible », calculé en fonction de la superficie de
l'immeuble selon les critères de la Loi Carrez3.
1 Départements et collectivités d'Outre-mer.
2 Notons que pour accéder à la Loi Girardin, il est
nécessaire d'obtenir au préalable l'agrément de la
Direction Générale des Impôts (DGI) si le montant total du
projet est supérieur à 4.600.000 €uros (environ 550 MF.CFP)
dans le cas de l'immobilier et 300.000 €uros (environ 36 MF.CFP) pour le
secteur industriel.
C'est ce montant «éligible» qui est retenu si le
montant total de l'investissement est supérieur à ce dernier.
Dans le cas contraire, c'est le montant total de l'investisseme nt qui est
retenu.
Le bénéficiaire de la réduction
d'impôt rétrocède au promoteur une partie de cet avantage
(on estime que le promoteur bénéficiera au minimum d'environ 20%
du montant éligible).
Dans une optique de développement durable, il est
accordé aux résidents fiscaux métropolitains une
réduction supplémentaire de 4% si le projet requiert
l'utilisation d'énergies renouvelables (type chauffe eau solaire). Une
partie de ces 4% est reversée au promoteur (sur le montant total
éligible).
Aussi, le bénéficiaire du projet s'engage à
louer l'immeuble dans les 6 mois qui suivent la fin de la construction et doit
le conserver pendant 5 ans.
Le logement intermédiaire (2
contraintes):
A la différence du logement libre, le logement
intermédiaire nécessite de deux contraintes :
- Respecter un plafond de loyer annuel par mètre
carré habitable (charges non comprises) de 173 €uros (environ 1720
F.CFP / m2 / mois) - soit environ 137.629 F.CFP pour un 80
m2.
- Respecter un ressources pour locataires 4
plafond de les
|
:
|
Personne seule
|
3.008.590
|
Couple marié
|
5.564.556
|
Personne seule ou couple marié ayant une personne à
charge
|
5.886.394
|
Personne seule ou couple marié ayant deux personnes
à charge
|
6.208.351
|
Personne seule ou couple marié ayant trois personnes
à charge
|
6.638.422
|
Personne seule ou couple marié ayant quatre personnes
à charge
|
7.068.613
|
Majoration par personne à charge à partir de la
cinquième
|
+451.312
|
Par ailleurs, le logement intermédiaire permet au
résident fiscal métropolitain qui investit dans un tel projet de
bénéficier d'une réduction d'impôt de 50%. De
même le promoteur bénéficie lui aussi d'un avantage
rétrocédé plus important (environ 27%).
Le montant éligible est calculé en fonction de la
superficie de l'immeuble calculé selon les critères de la Loi
Carrez sur le même principe que décrit précédemment
pour les logements libres.
Attention, dans ce cas précis, le
bénéficiaire s'engage à louer l'immeuble dans les 6 mois
qui suivent la fin de la construction et doit le conserver pendant 6 ans.
· Le secteur industriel (article 199 undecies B)
Une réduction d'impôt est accordée pour les
résidents fiscaux métropolitains qui investissent dans un secteur
industriel hors :
- Commerce;
- Restauration, à l'exception des restaurants de tourisme
classés, les cafés, débits de tabacs et débits de
boisson; - Conseil et expertise ;
- Recherche et développement;
- Education, santé et action sociale;
- Banque, finance et assurance;
- Toutes activités immobilières;
- La navigation de croisière, les locations sans
opérateur, à l'exception de la location de véhicules
automobiles et de navires de plaisance, la réparation automobile;
- Les services fournis aux entreprises, à l'exception de
la maintenance, des activités de nettoyage et de conditionnement
à façon et des centres d'appel;
3 Le montant retenu est la surface loi Carrez multipliée
par 1.800 Euros HT (soit environ 214.797 F.CFP) auquel on ajoute la TVA moyenne
sur le projet afin d'obtenir une base TTC. Notons que la loi Carrez ne retient
que les parties des locaux d'une hauteur d'au moins 1m80.
4 Par an en F.CFP
- Les activités de loisirs, sportives et culturelles
à l'exception, d'une part de celles qui s'intègrent directement
et à titre principal à une activité hôtelière
ou touristique et ne consistent pas en l'exploitation de jeux de hasard et
d'argent et, d'autre part, de la production et de la diffusion audiovisuelle et
cinématographiques;
- Les activités associatives;
- Les activités postales.
La réduction d'impôts accordée 50%
excepté pour la rénovation d'hôtel qui permet de
bénéficier d'une réduction d'impôt de 60%.
Dans le cadre d'un
développement durable, il est accordé aux
résidents fiscaux métropolitains une réduction
supplémentaire de 10% si le projet requiert l'utilisation
d'énergies renouvelables (type chauffe eau solaire). Une partie de ces
10% est reversée au promoteur (sur le montant total éligible).
Le bénéficiaire de la réduction
d'impôt rétrocède au promoteur une partie de cet avantage
(on estime que le promoteur bénéficiera au minimum d'environ 30%
du montant éligible).
b. Une utilisation restreinte
Du fait de l'existence d'un régime fiscal autonome en
Polynésie, le dispositif de défiscalisation métropolitain
ne peut passer que par des intermédiaires qui mettent en contact
contribuables métropolitains et entreprises polynésiennes. Cette
nécessité d'intermédiation et les caractéristiques
structurelles et institutionnelles de la Polynésie expliquent le recours
limité à ce dispositif. Selon le bilan macro-économique du
Cerom, il semblerait que ce dispositif fut réellement exploité
qu'après la mise en place du dispositif local. Dès lors, la
possibilité de cumuler cette double défiscalisation a permis de
diminuer significativement les risques et le cout de l'investissement (et de
fait le ratio risque pays/rentabilité financière).
1.1.3 Le dispositif applicable à
l'hôtellerie et au secteur du tourisme
L'ensemble des investissements nécessaires à la
réalisation des activités d'hébergement et de restauration
ouvre droit à l'aide fiscale, de même que les travaux de
rénovation d'hôtels réalisés depuis le 1er janvier
2001 et les travaux de rénovation et de réhabilitation
d'hôtels, de résidences de tourisme et de villages classés
réalisés depuis le 24 juillet 2003 5 .
Afin d'encourager les investissements hôteliers, les
personnes physiques résidentes en France métropolitaine
bénéficient d'un crédit d'impôt de 50 % de
l'investissement réalisé dans un projet de construction
hôtelière, à condition que cet inves tissement ait
été préalablement agréé par le
Ministère des Finances. La réduction est calculée sur la
base du prix de revient, y compris le coût de réalisation ou
d'acquisition d'aménagements incorporés à la construction
et nécessaires au fonctionnement de l'exploitation
hôtelière ou para hôtelière (les ascenseurs par
exemple). Cette réduction est portée à 70 % pour les
travaux de réhabilitation et de rénovation d'hôtels, de
résidences de tourisme et de villages de vacances classés,
réalisés à compter du 24juillet 2003.
1.1.4 Mécanisme-type de la Loi Girardin
appliqué à un projet hôtelier
a. La vente
A la fin de la construction hôtelière, la
société polynésienne promotrice vend à une
société métropolitaine les constructions. Cette
dernière les achète à hauteur de 30 % minimum de leur
valeur, ce pourcentage pouvant évoluer en fonction de la valeur de
l'investissement. Les 70 % restant devront être constitués de
fonds propres ou d'autres moyens de financement.
b. La location Dès la mise en
exploitation de l'hôtel, la société métropolitaine
le donne en location à la société locale.
5 Les travaux de rénovation d'hôtels supposent la
reprise totale ou importante des structures intérieures de
l'hôtel, ou doivent permettre de doter les bâtiments
concernés des normes actuelles de confort. Les travaux de
réhabilitation consistent, quant à eux, en la remise aux normes
d'habitabilité actuelles d'un bâtiment ancien.
c. L'achat à la valeur résiduelle
Après cinq années d'exploitation, la
société promotrice rachète l'hôtel à une
valeur équivalente au solde du compte, soit 70 % auxquels sont
soustraits les loyers cumulés pendant 5 ans. Ainsi, la
société locale aura bien reçu 30 % de la
société métropolitaine et redevient juridiquement
propriétaire de l'hôtel au bout de cinq ans.
Depuis la mise en place des différents dispositifs
défiscalisant, de plus en plus de sociétés y ont eu
recours pour financer leurs investissements. Entre 2000 et 2003, 29 des 55
demandes déposées ont été agréées par
la Direction générale des impôts dont 11 concernaient des
projets hôteliers. En 2003, 18 demandes d'agrément en
défiscalisation dans le secteur touristique ont été
déposées auprès de la Direction générale des
impôts, représentant un montant total d'investissements
projetés de 16,8 milliards de F CFP. Les projets hôteliers
représentaient 44 % des dossiers déposés (8 demandes) et
près de 70 % des investissements globaux envisagés (11,3
milliards de F CFP). Huit projets ont été agréés,
portant le montant d'investissement accordé à 2,8 milliards de F
CFP et 4 ont reçu un accord de principe. Quant aux autres,
excepté un projet qui a été abandonné, ils sont en
attente de décision. Le secteur touristique représentait ainsi,
en 2003, 31 % de l'ensemble des demandes d'agrément (59) et plus de 50 %
du montant total des investissements projetés.
Le rapport d'information du Sénat sur la
défiscalisation dans les départements et territoires d'outre-mer
réalisé en novembre 2002, a mis en évidence le fait que la
défiscalisation a permis de rendre viables des projets qui n'auraient
pas été réalisés dans des conditions normales. Elle
serait donc bien une compensation aux handicaps structurels que connaissent les
économies d'outre-mer. Par ailleurs, tout en permettant le
décollage de certains secteurs et plus particulièrement celui du
tourisme en Polynésie française, les outils de
défiscalisation permettent de diminuer de manière significative
le seuil de rentabilité des investissements.
Il est difficile de chiffrer l'impact économique et
social de la défiscalisation, notamment en raison d'un manque de
données et de la quasi-impossibilité d'isoler les effets de la
défiscalisation de ceux d'autres dispositifs. Toutefois, il est
évident que son impact sur l'économie est loin d'être
négligeable dans la mesure où elle rend possible des
investissements conséquents financés à moindre coût
qui, outre le développement du secteur touristique, ont des effets
d'entraînement sur l'ensemble de l'économie polynésienne
tant sur l'emploi que sur la masse salariale, le secteur de la construction ou
encore l'accroissement des recettes fiscales. C'est ce que notre étude
tentera de démontrer.
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