b. La justice pénale et
ses tribunaux.
« La justice pénale juge les personnes
soupçonnées d'avoir commis une infraction25(*) ».
« Les faits punissables furent définis, ainsi que les peines
assignées à chacun d'eux. De là résulta la
distinction des infractions en contraventions, délits et crimes26(*) ».
Chaque niveau d'infraction est jugé par un tribunal
particulier : le tribunal de police juge les contraventions (infractions
les moins graves), le tribunal correctionnel juge les délits
(infractions plus graves que les contraventions), enfin la cour d'assise juge
quant à elle les crimes (les infractions les plus graves).
· Le tribunal de
simple police ; des maires juges en leurs villages.
« Ce tribunal est tenu dans chaque canton
par le juge de paix, à l'égard de certaines contraventions, et
concurremment par les maires des communes qui ne sont pas chef-lieu de
canton27(*) ». Les
maires des communes voisines du canton jugent des affaires qui
intéressent le bon fonctionnement de la commune et les atteintes
à la propriété.
Ce tribunal est parfaitement adapté à
la régulation des petites et moyennes infractions. Le maire
connaît mieux que quiconque ses concitoyens, ce qui permet de faire
gagner du temps à cette justice de village. La majeure partie des
incivilités sont des contraventions de faible gravité, leur
statut banal les pousse naturellement vers la justice de simple police. Le
village juge lui-même la majorité des délits qui s'y
commettent, on peut dès lors parler d'autorégulation de la
délinquance.
Parmi les infractions jugées par les maires, la
vaine pâture est largement majoritaire. Les infractions sont toujours
constatées par les gardes champêtres qui portent le procès
verbal au maire, qui donne suite à la procédure. Ainsi le
vingt-et-un août 1814, le garde de Seraumont rédige un
procès verbal. « Sur les six heures du soir mois jean batite
Vaucourt garde champaitre de la commune de Seraumont assermenté de veut
en le juge de paix du Cantont de Coussey faisant nous garde et tournées
accoutumées dans le cantont dit la combe des moulcains jais reconnut
fait dedans en paisse de taire appartenant a Claude Pelgrin cultivateur
à Seraumont lieu dit le canton dit a la fause ce délit consiste
de le Coug de l'heritage du dit pelgrin enplantais en blais de la longeur dans
virons cinquante toise de longueur que jais reconnut baucous de blais
mangé et tripotée et dapprez avoir reconnut des pas de beuf ou
vache et de chevaux28(*)
».
Les infractions jugées par les maires sont
essentiellement des faits découlant de l'activité professionnelle
de leurs auteurs. Le trente-et-un octobre 1816, le maire de Coussey, condamne
Joseph Poirot un cultivateur du village. Ce dernier, en effet,
« s'est permis de labourer en empiétant sur une largueur de 3
décimètres et huit centimètres, sur une longueur de 128
mètres29(*)»
sur le champs de son voisin et d'avoir ramassé le blé ainsi
abimé. Le maire le condamne à trois francs d'amende et à
trois francs de dommages et intérêts.
Le tribunal de simple police juge les atteintes mineures
à la propriété. Parmi ces atteintes, le passage en voiture
dans des champs emplantés ou dans des propriétés
privées est courant. François Colombier de Midrevaux,
malgré l'interdiction des gardes, « est passé en leur
présence avec deux voitures chargées de bois, attelées de
chacune trois chevaux30(*) », le hors la loi explique son geste en
criant aux gardes que « que ses roues ne valloient rien, et que cela
serait plus doux en passant dans les terres31(*) ».
Pour les deux premières décennies la moyenne des
jugements du tribunal de Coussey est de 46,16 affaires par an pour le canton,
un chiffre plus élevé que les tribunaux de police correctionnelle
qui ne connaissent que 6,16 affaires par an.
· Le tribunal de police correctionnelle : juger les
infractions intermédiaires.
Ce tribunal juge les délits correctionnels punis de
l'amende, ou de l'emprisonnement. Le tribunal de police correctionnelle
siège au chef-lieu de Canton. Dans les petites communes comme c'est le
cas à Coussey, cet organe judiciaire est dirigé par le juge de
paix. À partir de 1808 installé au chef-lieu de canton, cet
organe judiciaire est compétent, exclusivement, pour toutes les
contraventions du chef-lieu et pour certaines des autres communes : celle des
personnes non domiciliées, les contraventions forestières, les
injures verbales, les affiches et écrits contre les bonnes
moeurs32(*) »,
mais également « les délits de violence, offenses aux
moeurs, et troubles apportés à l'exercice des cultes, homicides
par imprudence, outrages aux agents, mendicité et vagabondage, les
petites affaires de vol et d'escroquerie33(*) ».
Les affaires jugées par ce tribunal
représentent la base utilisée pour nos statistiques.
Intermédiaires entre les infractions de simple police, et les crimes
jugés en cour d'assise, les dossiers correctionnels constituent un
terrain de recherche privilégié pour étudier les
« pratiques illégalistes34(*) ».
En observant l'histogramme de la figure 4 ci-dessous, on
constate un infléchissement de l'activité de ces tribunaux
dès les années 1830. Cette chute spectaculaire du nombre
d'affaires jugées, trouve son explication dans la nature des infractions
jugées, qui change progressivement au profit de délits plus
importants et donc moins nombreux. Le Compte Général nous indique
que le nombreux de délit diminue, « en cinquante ans (pour les
contraventions forestières), de 1831 à 1876 la réduction
à été de deux tiers35(*)». De 1826 à 1860 les délits contre
les personnes passent de 292 à 136 or ces infractions sont parmi les
plus nombreuses dans les jugements étudiés.
Figure 4, total du nombre
d'accusés par le tribunal correctionnel de Coussey de 1808 à
1855.
· Les cours d'assises et le
crime.
Les tribunaux criminels sont mis en place par la loi du 7
février 1791. Ils jugent les crimes, les vols avec circonstances
aggravantes, le viol, l'attentat à la pudeur ainsi que les homicides. Ce
qui différencie cet organe du précédent ce sont les peines
encourues qui peuvent être au pire des cas la condamnation à mort,
mais aussi le bagne à perpétuité, les travaux
forcés ou la réclusion à perpétuité
également.
Ces tribunaux apparaissent en 1811 en remplacement du
tribunal criminel. « Ces tribunaux temporaires siègent
chaque trimestre par session au chef lieu de département36(*) ».
En moyenne, les ressortissants du canton commettent 2,75
délits par an susceptibles de les conduire aux assises. Le tableau
ci-dessous nous montre que le vol est la cause principale de comparution devant
les tribunaux criminels dans le canton. Les délits jugés par ces
tribunaux peuvent être parmi les plus graves crimes, le pâtre de
Grand, Nicolas Cordier est condamné à mort en 1817, pour
l'assassinat de Marie Reine Mougin, âgée de dix ans37(*). Les délits commis sont
souvent des infractions avec circonstances aggravantes, Nicolas Cordier est en
effet en train de voler du fromage et du lait, quand il est surpris par la
jeune fille qu'il assomme avec une pièce de bois, blessure qui conduira
à son décès.
cris séditieux
|
3,6%
|
homicides
|
7,2%
|
atteintes à la morale sexuelle
|
5,4%
|
vols
|
61,8%
|
délits de vénalité
|
20%
|
incendies
|
1,8%
|
Figure 5, Tableau
présentant les délits jugés par la cour d'Assise du
département.
Tribunaux civils et pénaux régulent parfaitement
les rapports sociaux, mais ils ne sont pas les seules entités à
dispenser la justice, il ne faut pas oublier l'importance de l'infrajustice
dans la régulation sociale.
* 25 Ministère de la
justice, « La justice en France, la Justice », [En ligne].
Consulté le 03/02/2009. URL :
http://www.ado.justice.gouv.fr/php/page.php?ref=2d3.
* 26 Que sais-je, Histoire
de la Justice, Vendôme, P.U.F, 1960, p 53-54.
* 27 CARRE, G-L-M, Le
droit français dans ses rapports avec la juridiction des justices de
paix, T. 4, Paris, Delamotte, 1833, p 456.
* 28 AD Vosges, 4u9/29,
Seraumont, 1814.
* 29 AD Vosges, 4u9/29,
Coussey, 1816.
* 30 AD Vosges, 4u9/29,
Midrevaux, 1814.
* 31 Ibid.
* 32 CARRE, M, A, op.
cit., p 59.
* 33 ROYER, J-P, op.
cit, p 300.
* 34 PLOUX, F, op, cit., p 14.
* 35 Compte
Général, op. cit., p LVI.
* 36 CARRE, M, A, op.
cit., p 59.
* 37 AD Vosges, 17u38, Grand,
1817.
|