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Le lexique alimentaire dans Le ventre de Paris D'Emile Zola: Réalisme et métaphore

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par Fethi Esdiri
Institut de langue de Gabes, Tunisie - Maîtrise 2006
  

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I. REGISTRES

ALIMENTAIRES

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I. Registres alimentaires

1. Variété

En réalité, Le Ventre de Paris peut être considéré comme un roman de la mangeaille. Zola nous fait l'étalage des différents types de nourriture placés sous le signe de la diversité et de l'abondance. Ainsi, un travail préliminaire d'étiquetage nous semble nécessaire dans la mesure où il peut nous assurer une vision plus claire et plus organisée de ce flot de nourriture. L'accent sera mis, dans un premier temps, sur la diversité des aliments. Dans cette perspective, on propose de diviser cette grande variété alimentaire en différentes rubriques : « légumes », « fruits », « viande », « poisson »3, « beurre», «fromage», «oeuf » et « pain ». Commençons d'abord par les légumes.

* Les légumes

Le premier chapitre en représente une parfaite illustration. Le chou marque sa forte présence. Ce légume soutient l'esthétique de la diversité que prône le texte en ce qu'il se déploie en de nombreuses espèces. On cite par exemple le chou pommé, le chou-fleur, le chou rouge...etc.

Aux choux s'ajoutent carottes, pois, artichauts, salades (laitue, scarole, chicorée, épinard, oseille, romaine), céleri, poireaux, radis, persil, oignon, tomate, concombres et aubergines. On a de plus le radis noir et rose et la pomme de terre.

Outre un signe de fertilité et de richesse, cette variété de légumes engendre une multitude de couleurs et de formes rendue plus visible par une tendance à l'organisation qui n'est pas sans traduire un art d'étalage. En témoigne cet extrait qui souligne la mise en ordre harmonieuse des légumes :

Elles les rangea méthodiquement sur le carreau, parant la marchandise, disposant les fanes de façon à encadrer les tas d'un filet de verdure, dressant avec une singulière promptitude tout un étalage, qui ressemblait, dans l'ombre, à une tapisserie aux couleurs symétriques.(388)4.

Le verbe « ranger », l'adverbe « méthodiquement », le substantif « étalage » et

3 On a choisi de classer le poisson dans une rubrique à part puisque cet aliment représente un plat indépendant dans le menu français.

4 Les citations extraites du Ventre de Paris sont accompagnées des numéros de pages entre parenthèses sans autre indication.

l'adjectif « symétriques » trahissent, entre autres, une esthétique de l'exposition et une astucieuse manipulation de l'espace de la part de la maraîchère, Mme François. De même, cet art est rendu plus explicite par une ponctuation marquée par le recours fréquent aux virgules, aux points-virgules et aux deux-points qui facilitent l'écoulement des variétés d'aliments et leurs juxtapositions d'une manière harmonieuse et qui trahit leur abondance. Le deuxième élément nutritif est les fruits.

* Les fruits

L'étalage des fruits de la Sarriette est l'un des passages les plus représentatifs de la diversité dans le texte. À dire vrai, sous l'hyperonyme « fruits » on trouve les hyponymes suivants : groseille, fraise, melon, cantaloup et abricot. La cerise, avec ses différentes variétés : Montmorency, Anglaise, guigne et bigarreau. On ajoute la pêche avec ses variantes : Mont Montreuil, pêche de midi.

On dénombre aussi les pommes : pomme d'Api, Calville, Rambourg , Canada. La poire, à son tour, se présente sous plusieurs formes : Blanquette, Angleterre, beurré, Duchesse. Quant aux variétés de prunes on cite : les reines claudes, la prune de Monsieur et la mirabelle. On a de plus la fraise, la framboise, le cassis, la noisette, le raisin, et le melon.

Passons maintenant aux aliments gras, à la viande.

*La viande

Sous la rubrique viande, on trouve plusieurs types de chair : la viande de veau, de boeuf, de mouton, de cochon et la viande de volaille. Sous l'hyperonyme volaille, on trouve l'oie, le canard, le poulet et le dindon.

On peut citer de mrme le gibier qui comprend le chevreuil, l'alouette, le lièvre, le lapin et la perdrix. La viande de veau et celle du porc se déploient en plusieurs plats : rillettes, saucisson, langue fourrée de Strasbourg, boudin noir, andouilles, jambonneau désossé et pâté. Ce lexique de la viande est soutenu par un lexique des instruments de cuisine. En témoigne cet extrait décrivant une partie de la cuisine des Quenu :

À droite, la table à hacher, énorme bloc de chêne appuyé contre la

muraille s'appesantissait, toute couturée et toute creusée, tandis que

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plusieurs appareils, fixés sur le bloc, une pompe à injecter, une machine à pousser, une hacheuse mécanique.(427).

Ce passage renforce le réalisme du texte par la valeur référentielle des objets qu'il dénombre et par le lexique technique qu'utilise Zola.

Passons maintenant aux produits de la mer que nous présente l'illustration ci-dessous :

IMAGE 1:

Un exemple de documentation réuni par Zola pour Le Ventre de Paris, la liste des
poissons de mer, avec les saisons, les couleurs et aussi les odeurs `Citp~ dans' Le Ventre de
Paris
(434).

* Les produits de la mer

Dans une première catégorie, on trouve : cabillaud, plie, limande, raie et chien de mer. La deuxième classe est celle des beaux poissons. Elle comporte : saumon, mulet, turbot, barbue, thon, sole grise, sole blonde, équille, hareng, dorade, maquereau, rouget de roche, merlan, éperlan, et homard tigré. La troisième classe est celle des poissons d'eau douce qui regroupe : écrevisse d'Allemagne, poisson blanc de Hollande et d'Angleterre, carpe du Rhin, brochet, tanche, goujon, perche, ablette, barbillon, carpe et anguille. Il s'agit de poissons ramenés de lieux variés. Ces poissons divers renvoient à des saisons diverses, car bien qu'il y ait des produits qui existent toute l'année, comme la limande et les moules, il y en a d'autres qui ne se trouvent qu'en été comme le homard et la langouste ou en hiver comme le hareng. Aussi, la diversité des poissons engendre t-elle une diversité de lieux et de temps. Plaçons-nous maintenant devant les produits de la crémerie : beurre, fromage, oeufs.

* Le beurre, le fromage et les oeufs

Ces trois aliments sont classés ensemble en vertu du rapprochement de leurs valeurs nutritives. Ils sont considérés comme des aliments gras. Les oeufs n'ont pas de variétés dans le texte. Pour le beurre et le fromage, on dénombre: beurre de Bretagne, beurre de Normandie, bondon, gouvernay, cantal, chester, gruyère, hollande, parmesan, brie, port-salut, romantour, roquefort, fromage de chèvre, mont-d'or, camembert, marolles, pont-l'évrque, livarot, olivet et géromé. Arrivons maintenant au pain.

*Le Pain

Cet élément essentiel de nourriture préserve son unité. Zola ne cite pas plusieurs variétés de pain. Il peut être considéré comme une unité minimale et indivisible. Cependant, dans la boulangerie Tombereau, une partie est réservée à la pktisserie. De mrme, une variété de gkteaux semble, à cet égard, digne d'rtre relevée. On cite les gâteaux aux amandes, le saint-honoré, le savarin, le flan, les tartes aux fruits, les assiettes de baba, d'éclairs, de choux à la crème, de gkteaux secs, de macaron et de madeleine. Ainsi, par ce dessert varié se clôt ce long menu. En fait, loin d'rtre exhaustive, cette liste d'aliments vise moins un simple recensement qu'une mise en exergue de toute une esthétique de la variété que prône l'oeuvre et qui réside

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dans la différence des formes, des couleurs, des odeurs et des goûts de plusieurs types et espèces d'un mrme produit alimentaire. Les fruits de la Sarriette et le marché de la marée sont les tableaux les plus représentatifs de cette esthétique.

Par ailleurs, tous ces aliments qui existent réellement, semblent renforcer, par leurs valeurs, référentielles la dimension réaliste de l'oeuvre. En effet, le dénombrement des différents aliments peut être lu comme l'essence du naturalisme en ce qu'il paraît illustrer l'obsession documentaire et scientifique de cette doctrine. On est dans la fonction référentielle du langage : l'accent est mis sur la valeur informative et encyclopédique de l'oeuvre.

L'étalage des différents types de légumes, de fruits, de poissons etc, est en quelque sorte un étalage d'informations et des connaissances qui caractérisent le style naturaliste. Cela dit, une fonction informative vient s'ajouter à la description ornementale des aliments. À ce propos P. Hamon affirme :

Une description sera donc le lieu d'introduction et d'accentuation, dans un énoncé, non seulement d'une compétence sémiologique, mais aussi d'une compétence du taxinomique en général. Focalisant l'attention du lecteur sur les relations des mots en ordre proche, ces mots seront, dans le texte, distribués dans les cases des grilles et de structures de « rangement » organisées. Taxinomie et savoir sont deux notions certainement indissociables. Une taxinomie, c'est une découpure rationalisée. Toute taxinomie est régie par un savoir5.

La tendance à classer les aliments selon un rapport «d'hyperonyme / hyponyme » assure leur organisation voire leur hiérarchisation. De même, la diversité des aliments fait l'aspect informatif et mathésique de la description.

Aussi la variété caractérise-t-elle la matière nutritive dans Le Ventre de Paris. Ce roman se transforme, dans certains de ses passages en pages culinaires, en une véritable encyclopédie d'aliments, en des pages culinaires. Bref, en étalage et des produits nutritifs et d'informations.

De même, cet art est rendu plus explicite par une ponctuation marquée par le recours fréquent aux virgules, aux points-virgules et aux deux-points qui facilitent l'écoulement des variétés d'aliments et leurs juxtapositions d'une manière harmonieuse tout en montrant leur abondance.

5 P. Hamon, Introduction à l'analyse du descriptif, Hachette, Université, p. 54.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery