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Les Faillites Internationales dans l'espace OHADA

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par S. Melchi ZOUNGRANA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2003
  

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SECTION II. LES CONSEQUENCES AU PLAN DE L'EXTRA-TERRITORIALITE

Les procédures collectives internationales sont par essence des procédures collectives qui s'exécutent dans plusieurs pays soit, parce que les biens du débiteur y sont dispersés, soit parce que ses créanciers y sont domiciliés. Lorsqu'une telle procédure est ouverte par la juridiction d'un seul Etat dans l'optique de produire des effets dans d'autres Etats, il va indéniablement se poser la question de la reconnaissance et de l'exécution de ses jugements à l'étranger. Nous ne dévions toutefois pas, faire un amalgame entre la reconnaissance et l'exécution des jugements d'une part (§ I), et les effets de la reconnaissance et de l'exécution des jugements d'autre part (§ II).

§ I. La reconnaissance et l'exequatur des jugements rendus à l'étranger

La seule procédure ouverte valablement dans l'espace OHADA produit des effets certains : il a été relevé que les décisions devenues irrévocables ont autorité de la chose jugée sur le territoire des autres Etats-parties (Article 247). Cela nous conduit à examiner successivement la portée de la reconnaissance de plein droit (A) et la force exécutoire des jugements étrangers (B).

A. La reconnaissance de plein droit

Cette reconnaissance est sans doute le problème le plus fondamental. Lorsqu'une personne cesse d'honorer ses obligations dans un pays où était établi le centre principal de ses activités, il est inadmissible qu'il lui suffise de quitter ce pays et d'aller recommencer une autre, voire parfois la même activité dans un autre pays, même si ce pays est le voisin immédiat de celui où elle se trouve en état d'insolvabilité, en vue d'échapper à l'emprise des procédures collectives suivies à sa charge. Certes, les créanciers, s'ils peuvent établir le lieu où leur débiteur s'est

réfugié, peuvent, à titre individuel, le poursuivre sur les biens qu'il y possède. Mais, ces procédures ont pour trait distinctif de privilégier les créanciers qui disposent des moyens financiers suffisants, parfois importants. Ces moyens leur permettront d'exercer des poursuites à l'étranger, et de rompre ainsi l'égalité entre les créanciers, égalité qui doit être un des principes fondamentaux des procédures collectives.

Pour pallier cette situation qui, il faut bien le dire, est aujourd'hui sinon générale, au moins très courante, il faut obtenir des Etats qu'ils acceptent, de reconnaître sur leur territoire les effets des décisions en matière d'insolvabilité ou de faillite qui sont rendues dans un autre Etat. Tel est l'objet principal de l'AUPC. Aux termes de son article 247, toute décision ouvrant une procédure d'insolvabilité prise par une juridiction d'un Etat contractant, compétente en vertu de son article 4, est reconnue dans tous les autres Etats contractants, dès qu'elle produit ses effets dans l'Etat d'ouverture. La procédure d'insolvabilité internationalel, ouverte par une juridiction d'un Etat membre bénéficie donc d'une reconnaissance de plein droit, sans exequatur, sur le territoire des autres Etats membres, dès qu'elle produit ses effets dans l'Etat d'ouverture2.

Le fait que l'autorité de chose jugée du jugement étranger soit reconnue de plein droit ne signifie nullement une reconnaissance sans conditions. En effet, on a observé que les conditions de fond d'une telle reconnaissance doivent satisfaire à celles posées pour que le jugement ait force exécutoire ( cas du Burkina article 995 du code des personnes et de la famille ). Le contrôle se fait soit, de manière incidente : il s'agira pour l'autorité saisie, de contrôler simplement la régularité du jugement étranger sans apposer la formule exécutoire soit, de manière principale (action en opposabilité ou en inopposabilité). Cette action aura un caractère déclaratoire. Toutefois, il n'y aura pas de reconnaissance de plein droit, si une

1 Nouvelle terminologie utilisée sur le plan international indiquant les procédures fondées sur l'ébranlement du crédit du débiteur, état de cessation des paiements.

2 Cette règle s'applique également lorsque le débiteur, du fait de sa localisation, n'est pas susceptible de faire l'objet d'une procédure d'insolvabilité dans les autres Etats membres.

procédure contre le même débiteur est ouverte dans l'Etat où la reconnaissance est demandée1. Aussi, Cette reconnaissance connaît une limite, à savoir les cas dans lesquels elle serait manifestement contraire à l'ordre public de l'Etat dans lequel le syndic veut exercer ses pouvoirs2.

B. La force exécutoire des jugements étrangers

Les effets des jugements à l'étranger se manifestent aussi, par la faculté reconnue aux intéressés de solliciter et d'obtenir l'exequatur des décisions des jugements rendus à l'étranger. L'exequatur sera plus aisé à obtenir si les décisions ont été rendues par la juridiction universellement compétente. Il peut être demandé par toute personne ayant intérêt à ce que le jugement soit déclaré exécutoire, en particulier le syndic étranger, les créanciers, éventuellement le débiteur lui-même, et aussi le ministère public dans la mesure où le débiteur pourra être frappé d'incapacité ou de déchéance sur la base du jugement étranger. Le législateur burkinabé a posé les conditions de la reconnaissance et de l'exequatur dans les articles 996 et suivants du code des personnes et de la famille. Ces conditions sont très largement inspirées de celles posées par l'arrêt Munzer3, avec toutefois un assouplissement au niveau de la condition de vérification de la compétence législative.4

A titre d'illustration une société immatriculée au registre du commerce de Ouagadougou et y ayant son siège a bénéficié d'un jugement de liquidation judiciaire au Togo. Sur le plan international un tel jugement n'est pas valable, en particulier au Burkina où il ne pourra obtenir l'exequatur. Aussi, une procédure internationalement valable ne pouvait être ouverte qu'au Burkina. Donc de ce fait,

1 Dans ce sens, v., arrêt BCCI, op. cit.

2 V., Cass. Com., 18 janvier. 2000, PEHRSSON contre ICINLAN ès qualité. Ref. Dalloz Sirey, N° 8, 24/02/2000, p. 105 -- 106.

3 BATIFFOL H., note sous Cass. Civ., 1re, 7 janvier. 1964, Rev. Cr. Dr. Int. Pr., J.C.P. 1964.344.

4 MEYER P., op. cit., p. 142.

par jugement n° 11 du 11 mars 1976, le tribunal de première instance de Ouagadougou a prononcé la faillite de cette société1.

Lorsque la reconnaissance et l'exequatur sont acquis dans les autres Etats, la décision y produira ses effets avec plus ou moins d'intensité.

§ II. Les effets de l'efficacité des jugements étrangers

L'autorité de la chose jugée est reconnue sur le territoire des Etats-parties aux décisions suivantes : les décisions d'ouverture ; les décisions de clôture ; celles qui règlent les contestations nées de la procédure et celles sur lesquelles la procédure exerce une influence juridique. En conséquence le " syndic " pourra exercer " universellement " tous les pouvoirs que lui reconnaît la loi de l'Etat d'ouverture, et se prévaloir du dessaisissement du débiteur ou de l'arrêt des poursuites individuelles, et/ou de son ensaisinement, sur le territoire des autres Etats membres liés par le Traité. En effet, un commerçant ne peut avoir qu'un seul patrimoine, et la faillite, procédé de liquidation de ce patrimoine, doit porter sur l'ensemble des droits, biens, et obligations, qui le composent2. Ce rôle du syndic lui est toutefois attribué par la juridiction compétente à qui l'article 3 confère une fonction de haute administration de la procédure (A) et de centralisation des contestations (B).

A. L'administration de la procédure par la juridiction compétente

Dans le cadre de sa fonction de haute administration de la procédure, la juridiction compétente désigne et révoque les autres organes, à savoir le syndic3 et le juge commissaire. Il peut révoquer les contrôleurs, que le juge commissaire a nommé. La juridiction compétente autorise les opérations les plus importantes ou les plus dangereuses telles, l'apposition des scellés, la continuation des activités si besoin est, homologue le concordat, convertit le redressement judiciaire en

1 SAWADOGO F. M., op. cit., p. 111.

2 LOUSSOUARN Y. et BREDIN J. D., Droit du commerce international, éd. SIREY, 1969, p. 757.

3 Article 249 al. 1er, op. cit. : «Le syndic désigné par une juridiction compétente... ».

liquidation des biens et prononce la clôture des opérations. L'article 248 alinéa 2 de l'AUPC, autorise la juridiction compétente à procéder à la publication d'office de ses décisions relatives à une procédure collective, et le cas échéant la décision de nomination du syndic, dans tout Etat-partie où cette publicité est utile à la sécurité juridique des créanciers.

B. La centralisation des contestations par la juridiction compétente

La juridiction compétente a ensuite, une fonction de centralisation des contestations. Elle est compétente « pour connaître de toutes les contestations nées de la procédure collective, de celles sur lesquelles la procédure exerce une influence juridique, ainsi que celles concernant la faillite personnelle et les autres sanctions, à l'exception de celles qui sont exclusivement attribuées aux juridictions administratives, pénales et sociales » (article 3).

En raison des divergences considérables entre les droits matériels, il n'est pas pratique, de mettre en place une procédure d'insolvabilité unique ayant une portée universelle pour tous les Etats-parties à l'OHADA. L'application sans exception du droit de l'Etat d'ouverture peut brimer les droits de certains créanciers. En effet, les créanciers contractent avec le commerçant ou la société, en tenant compte, moins du gage général que leur confère l'ensemble d'un patrimoine disséminé dans plusieurs pays que, du gage spécial constitué par la fraction de ce patrimoine situé dans le pays de l'établissement secondaire ou de la succursale, car ils savent que c'est lui qu'ils pourront plus facilement atteindre1. Au surplus les créanciers éloignés du lieu du principal établissement du débiteur manquent d'éléments d'information et sont, de ce fait, dans l'impossibilité d'exercer un contrôle sur le syndic, qui risque d'avantager les créanciers locaux au détriment des autres. Ces insuffisances ont conduit le législateur à admettre l'ouverture de procédures multiples.

1 V. en ce sens : Pic, «De la faillite et de la liquidation judiciaire des sociétés commerciales en droit international privé », CLUNET, 1892.563.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld