Les Faillites Internationales dans l'espace OHADA( Télécharger le fichier original )par S. Melchi ZOUNGRANA Université de Ouagadougou - Maîtrise 2003 |
UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU Année Académique ------------------- ------------------------2002
-2003 en Science Juridiques et Politiques /1E/10IgE LES PROCEDURES COLLECTIVES INTERNATIONALES DANS L'ACTE UNIFORME OHADA Présenté et soutenu publiquement par ZOUNGRANA Melchi Sogwende Pour l'obtention du diplôme de Option : Droit des affaires Maîtrise ès sciences juridiques Directeur de Mémoire Novembre 2003 Monsieur Jérôme BOUGOUMA Docteur en Droit Maître-assistant à l'U.F.R. / S.J.P.
LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION GENERALEAux frontières du droit des procédures collectives, du droit international privé et du droit judiciaire international s'élabore un embryon de droit des procédures collectives internationalesl. Encore appelée droit de la faillite internationale ou droit de l'insolvabilité internationale2, la discipline ne finit pas d'éveiller les passions au sein de la doctrine. Mais tous s'accordent malgré les différences de terminologies employées, que la matière désigne la prévention ou le traitement des défaillances des entreprises dont les activités se déroulent dans plusieurs Etats. Relèvent donc des procédures collectives internationales, les faillites et autres insolvabilités internationales pouvant conduire au redressement ou à la liquidation de l'entreprise et comportant un certain dessaisissement du débiteur au profit d'un syndic ou d'un organe équivalent3. Cela survient dès lors que le débiteur n'arrive plus à payer ses dettes que ses activités transfrontalières ont générées dans au moins deux Etats différents. Avant le 1 er janvier 1999, date d'entrée en vigueur de l'Acte Uniforme portant organisation des Procédures Collectives (AUPC), les seize (16) Etatsparties à l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), avaient chacun un droit interne des procédures collectives internationales. Ces règles de droit nationales ont été élaborées et développées progressivement, répondant à des priorités différentes selon les Etats. Les enjeux économiques sont relativement proches, mais les démarches et les objectifs varient et chaque droit interne privilégie, soit le remboursement des créanciers, soit le sauvetage de l'entreprise. 1 V. TAMALET J., « Mon débiteur étranger est insolvable : régime de la faillite internationale », http://www.jurismag.net/articles/articles-failliteint.htm. 2 Le terme "insolvabilité", tel qu'utilisé dans la Loi type de la CNUDCI, fait référence à divers types de procédures collectives à l'encontre des débiteurs insolvables. 3 SAWADOGO F. M., Droit des entreprises en difficulté, Bruylant Bruxelles UNIDA 2002, p. 361. De nos jours, l'augmentation du nombre d'insolvabilités internationales tient à l'expansion constante des échanges et des investissements dans le monde. Mais les législations nationales de l'insolvabilité n'ont pas, dans une large mesure, suivi le rythme de cette évolution et sont souvent mal adaptées aux cas internationaux. Aussi, les approches juridiques adoptées ne sont souvent ni appropriées ni uniformes, ce qui nuit au redressement d'entreprises en difficulté financière. En outre, la fraude à laquelle se livrent les débiteurs insolvables, en particulier la dissimulation des biens ou leur transfert dans des juridictions étrangères, devient un problème de plus en plus grave, tant par sa fréquence que par son ampleur. Le développement de l'interconnexion dans notre monde moderne facilite la conception et la réalisation de telles activités frauduleuses. Ces phénomènes ont retenu l'attention des autorités internationales et il est remarquable que dans le même temps des conventions internationales s'élaborent à divers niveaux, qui ont pour objectif de pallier les inconvénients et les lacunes que présentent les législations nationales. Il en va ainsi tant au niveau mondial, que plus spécialement au niveau africain où l'AUPC organise les procédures collectives d'apurement du passif sur décision et sous contrôle judiciaire. Les procédures collectives s'appliquent aux commerçants, personnes physiques et morales, aux personnes morales de droit privé non commerçantes, ainsi qu'aux entreprises publiques revêtant la forme de personnes morales de droit privé. Les procédures collectives internationales poursuivent trois objectifs principaux. En premier lieu, il s'agit d'éviter la fraude ci-dessus évoquée. Ensuite, il s'agit d'administrer équitablement et efficacement les procédures d'insolvabilité internationales de manière à assurer l'égalité de traitement entre les créanciers relevant d'Etats différents, tout en protégeant les intérêts de toutes les parties intéressées. Enfin, Il s'agit d'assurer une plus grande certitude juridique dans le commerce et les investissements toutes choses censées contribuer a la promotion des investissements étrangers, du commerce international, et au développement de l'ensemble des Etats1. 1 V. SAWADOGO F. M. op. cit., p. 365. Cependant, Les procédures collectives internationales soulèvent des problèmes de droit international privé rendus plus complexes du fait des conflits d'intérêts en présencel. D'abord, le problème de la juridiction internationalement compétente pour connaître de la procédure collective internationale. Ensuite, le problème de la loi applicable. Puis le problème de la reconnaissance et de l'exécution du jugement rendu à l'étranger. Enfin, se pose le problème des effets de la reconnaissance lorsque la décision est reconnue et exequaturée. Face à tous ces problèmes, la doctrine a élaboré deux théories : la théorie de l'unité et de l'universalité de la faillite et celle des procédures collectives dites plurales ou territoriales. Dans l'AUPC où il est consacré ces deux théories, les procédures collectives internationales sont traitées par les articles 247 à 256 qui forment son titre VI. Ces dispositions sont à rattacher à l'article 4 de l'AUPC relatif à la compétence internationale des juridictions et s'inspirent fortement de celles de trois instruments internationaux existants2. Malheureusement, tous ne sont pas encore en vigueur. L'étude des procédures collectives internationales dans l'AUPC, doit nécessairement montrer la manière dont elles se déroulent dans l'espace OHADA. Le déroulement des procédures (Titre II) comprend non seulement l'action du syndic dont la mission est essentielle sinon primordiale, mais aussi la situation des créanciers dont le désintéressement aboutit à une clôture heureuse ou malheureuse des procédures. Toutefois, il convient d'abord de traiter des problèmes qui peuvent survenir déjà à l'ouverture des procédures collectives internationales (Titre I). 1 Sur la problématique des procédures collectives en droit international : RIPERT G. et ROBLOT R., Traité de droit commercial, L.G.D.J., tome 2, 16ème éd., 2000, par DELEBEQUE P. et GERMAIN M., n° 1912 et s. 2 La convention multilatérale du conseil de l'Europe, faite à Istanbul le 5 juin 1990 ; la convention multilatérale du conseil de l'Europe relative à l'insolvabilité, adopté le 23 novembre 1995 et qui a conduit à l'adoption du règlement de l'union européenne n° 1346-2000 du 29 mai 2000 ; la loi type de CNUDCI sur l'insolvabilité internationale, adopté le 30 mai 1997 à Vienne à la 30ème session de la CNUDCI. TITRE I. L'OUVERTURE DES PROCEDURES COLLECTIVES INTERNATIONALES DANS L'ESPACE OHADA Le système juridique OHADA présente, en matière de procédures collectives internationales1, un caractère hybride, en ce sens qu'il fait appel de façon distributive à la thèse de l'unité de la faillite et à celle de la pluralité des faillites. La première thèse limite, aux seules juridictions de l'Etat-partie sur le territoire duquel le débiteur a son principal établissement, le droit d'ouvrir la procédure. La seconde offre la possibilité de l'ouverture à tous les Etats-parties dans lesquels le débiteur possède un établissement secondaire, une succursale ou même certains éléments de son patrimoine2. Pour en donner un aperçu fidèle, il faut analyser le Titre VI de l'AUPC sous cette double optique. D'une part sera examinée l'ouverture d'une procédure unique dans l'espace OHADA (Chapitre I), et d'autre part l'ouverture de procédures multiples dans le même espace (Chapitre II). 1 V., Titre VI de l'AUPC relatif aux procédures collectives internationales. 2 V., LOUSSOUARN Y. et BREDIN J. D., Droit du commerce international, éd. Sirey, 1969, p. 754. CHAPITRE I. L'OUVERTURE D'UNE PROCEDURE COLLECTIVE INTERNATIONALE UNIQUE DANS L'ESPACE OHADA Aux termes de l'article 247 de l'AUPC : «lorsqu'elles sont devenues irrévocables, les décisions d'ouverture et de clôture des procédures collectives ainsi que celles qui règlent les contestations nées de ces procédures et celles sur lesquelles les procédures collectives exercent une influence juridique, prononcées dans le territoire d'un Etat-partie ont autorité de la chose jugée sur le territoire des autres Etats-parties». Cette disposition consacre donc la théorie de l'unité et de l'universalité de la faillite dans l'espace OHADA. Mais, l'ouverture d'une procédure collective sur la base de cette théorie implique des conséquences non seulement au plan de la compétence (Sect. I), mais aussi au plan des effets extra-territoriaux inhérents au caractère international de la procédure (Sect. II). SECTION I. LES CONSEQUENCES AU PLAN DE LA COMPETENCELa théorie de l'unité et de l'universalité de la faillite est consacrée par l'AUPC, chaque fois que la procédure collective internationale est ouverte dans l'Etat-partie où le débiteur en difficulté1 a son principal établissement ou son siège social s'il s'agit d'une personne morale2. Cet appel du législateur OHADA se traduit par l'affirmation du principe qui veut qu'une juridiction d'un Etat-partie soit compétente pour ouvrir la procédure collective internationale, conformément à sa loi, lorsque le centre des affaires du débiteur est situé sur son territoire. Cette affirmation est à la fois attributive de compétence juridictionnelle (§1) et de compétence législative (§2). 1 -,- ..,.-,_, Le débiteur n'arrive plus à honorer ses engagements. Cela ne signifie pas forcement que sa situation est irrémédiablement compromise. 2 V. Art. 4, al. 1, op. cit. § I. La question de la compétence juridictionnelle Avant d'étudier les critères de détermination de la compétence internationale (B), il convient de préciser les formes de compétence internationale en matière d'insolvabilité internationale (A). A. Les formes de compétence internationale L'AUPC contient des règles de compétence internationale directe qui s'imposent à tous les Etats membres au Traité OHADA. Cela signifie qu'une juridiction étatique de l'espace OHADA saisie de l'ouverture d'une procédure collective internationale, doit apprécier sa compétence internationale, au regard de la réglementation OHADA en vigueur en la matière. Les règles de l' OHADA constituent des règles matérielles en ce qu'elles donnent clairement la réponse à la question posée pour la détermination de la compétence internationale des juridictions. Les règles de compétence directe, sur lesquelles les juridictions s'appuient pour se déclarer compétentes ou incompétentes, sont à distinguer des règles de compétence internationale indirecte qui permettent à ces dernières de contrôler la compétence internationale des juridictions étrangères. Les règles de compétence internationale directe prévalent en principe sur tout autre critère de compétence. Exceptionnellement d'autres critères peuvent être retenus pour la détermination de la compétence internationale des juridictions1. Ces règles de compétence sont dites règle de compétence subsidiaire2. B. La détermination de la compétence internationale La détermination de la compétence internationale est faite par extension de l'article 4 de l'AUPC qui stipule : « La juridiction territorialement compétente pour connaître des procédures collectives est celle dans le ressort de laquelle le débiteur a son principal établissement ou s'il s'agit d'une personne morale son siège 1 Cf. art. 4 op. cit. V., également l'ouverture des procédures collectives multiples (chap. II). 2 Nous y reviendrons dans la partie réservée à l'ouverture des procédures secondaires. ou, à défaut de siège sur le territoire national, son principal établissement. Si le siège social est à l'étranger, la procédure se déroule devant la juridiction dans laquelle se trouve le principal centre d'exploitation situé sur le territoire national ». Cette disposition fixe la compétence territoriale, aussi bien interne qu'internationale pour connaître des procédures collectives. Parmi les critères énumérés à l'article 4 un seul permet de conférer compétence internationale directe à une juridiction : c'est le critère du principal établissement ou, du siège social pour la personne morale. La compétence d'attribution interne, quant à elle, est définie par l'article 3 du même AUPC disposant que le règlement préventif, le redressement judiciaire et la liquidation des biens relèvent de la juridiction compétente en matière commerciale1. La procédure collective ouverte en vertu des règles de compétence internationale directe est, la seule qui puisse être considérée comme "universelle"2. C'est pour cette raison qu'une partie de la doctrine préfère utiliser la notion de "compétence universelle"3 plutôt que celle de compétence directe. Par hypothèse, il est admis qu'une procédure collective internationale soit ouverte au Burkina et qu'elle puisse permettre, si toutefois le Burkina constitue le centre des affaires du débiteur, d'appréhender tout son patrimoine quelle que soit sa localisation. Cela même si le débiteur n'est pas de nationalité burkinabé. Le critère du centre des affaires du débiteur est donc le seul qui puisse permettre aux juridictions burkinabé de se déclarer de manière valable, internationalement compétentes. Toutefois, un problème peut se poser. Selon quelle loi faut-il déterminer ce critère ? Cette question nous conduit à examiner le problème de la loi applicable. 1 Il faut noter que dans la plupart des Etats-parties à l'OHADA, la compétence d'attribution en matière commerciale appartient au T.G.I. 2 Dans ce sens v., Arrêt BCCI, Cass. Com., 11 avril 1995, Bull. n°126, http://lexint.net/JPTXT2/competence1. 3 V., VALLENS J. L., Supplément -- Revue Lamy Droit des affaires, juillet. 2002, n°51, p. 8. § II. La question de la compétence législativeSi dans leur mise en oeuvre les procédures collectives internationales sont susceptibles de créer des conflits de juridictions1, il faut aussi noter la concurrence de lois qui peut s'y grever. Avant de donner ne serait-ce que brièvement un aperçu sur la question des éventuels conflits de lois pouvant survenir à cette occasion (B), il est intéressant de savoir s'il n'existe pas de règle de conflit de lois à laquelle les juridictions doivent se référer (A). A. La règle de conflit de lois En principe, le problème de la loi applicable ne se pose pas parce qu'on estime que la juridiction compétente va appliquer sa loi nationale : la célèbre "lex *552 5 fori "2, qu'il s agisse de procédure principale (du lieu du principal établissement ou lieu du siège) ou secondaire (du lieu d'un simple établissement3). Cette loi concerne notamment les conditions d'ouverture, de saisine de la juridiction, d'organisation comme de déroulement de la procédure et en principe s'étend aux conséquences sur la situation des créanciers et le sort du débiteur. Mais, l'action en justice a une nature mixte : substantielle et processuelle. Elle comporte, en effet, un aspect substantiel puisqu'elle assure la protection d'un droit ou d'un intérêt juridique. Elle comporte également un aspect processuel car le mode de la protection d'un droit s'actualise dans une procédure. Cette double nature de l'action explique, qu'on doit distinguer ce qui relève de la substance du droit et ce qui relève de la procédure. Les conditions procédurales échappent aux conflits de lois et sont soumises, de façon nécessaire, à la lex fori ; les conditions se rattachant à l'aspect substantiel sont soumises aux conflits de lois et il faut rechercher la loi applicable4. 1 La notion de conflit de juridictions est inappropriée puisqu'il n'y a pas réellement de concurrence de juridictions. Mais nous l'employons pour exprimer le sérieux problème de la détermination de la compétence internationale des juridictions et des effets des jugements rendus à l'étranger. 2 Loi du tribunal saisi. Par hypothèse, la loi de la juridiction universellement compétente. 3 V., COVIAUX J. C., Procédures collectives en Droit international, J. CI, Droit international, fasc. 56910. 4 V. MEYER P., Droit international privé burkinabé et comparé, éd André BOLAND Namur 1993, p. 244. B. la question de la loi applicable en matière d'insolvabilité internationale Des conflits de lois peuvent survenir au stade de l'ouverture de la procédure surtout si celle-ci doit étendre ses effets au-delà du territoire national. L'existence d'une « loi de la faillite»1 ne saurait signifier que cette loi est susceptible de s'appliquer sans exception, à toutes les opérations de la faillite et à tous ses effets. Il peut arriver que des conflits surgissent entre, la lex fori, la loi régissant le statut juridique du débiteur, la loi de la situation des biens, et la loi du contrat dont la faillite entraîne l'annulation2. Pour les modes de saisine des juridictions, la logique voudrait que soit appliquée la loi nationale de chaque juridiction sans aucune contestation possible. En effet, la territorialité de la loi applicable se double ici d'un second argument, du fait que les modes de saisine constituent une question de procédure qui, en tant que telle, doit nécessairement être soumise à la loi du for. On concevrait mal qu'une juridiction se réfère à une loi étrangère pour déterminer les modes de sa saisine. L'AUPC en donne une solution en prévoyant trois modes de saisine3. Quant au conflit entre la lex fori et la loi régissant le statut juridique du débiteur, il ne surgit évidemment que lorsque ces deux lois ne coïncident pas. C'est le cas notamment lorsqu'il s'agit d'une faillite locale prononcée par la juridiction du pays de l'établissement secondaire ou de la succursale4. Le conflit entre la lex fori et la lex rei sitae (loi du lieu de situation des biens), se pose au contraire au cas de faillite prononcée par le tribunal du domicile du débiteur ou du siège social de la personne morale, car la faillite locale n'englobant que les éléments du patrimoine situés dans le pays sur le territoire duquel la faillite est prononcée, la lex rei sitae coïncide alors avec la loi du for. Quant au conflit entre la lex fori et la loi du contrat, il naît du fait que la faillite entraîne l'annulation ou l'inopposabilité de certains actes accomplis pendant la période suspecte. 1 Ici . Ici considérée comme la loi du for : la loi du tribunal qui a retenu sa compétence internationale pour connaître l'ouverture de la procédure collective internationale. 2 Cf. ROLIN, les conflits de lois en matière de faillite, RCADI., la Haye, 1926, p. 37. 3 Saisine d'office (art.30), par déclaration du débiteur (art. 25), par assignation des créanciers (art. 28). 4 Sur ces critères les procédures collectives sont dites territoriales. L'AUPC limite la possibilité de survenance de ces conflits de lois puisqu'il constitue, un véritable ensemble de règles matérielles de droit international privé s'imposant à tous les Etats-parties. |
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