B. Les applications du gage
sur les créances
Le gage sur créances à forme civile est
notamment susceptible de multiples applications comme la mise en gage des
polices d'assurance sur la vie, le nantissement du solde d'un compte, le
nantissement des marchés, la mise en gage des droits sociaux etc.
a) La mise en gage des
polices d'assurance sur la vie28(*)
Cette mise en gage est fréquente, elle se
réalise, soit par un avenant, soit par les formes de l'article 2075 du
code civil français ou belge, équivalent à l'art.353 CCL
du Rwanda: Au cas, assez rare, de police à ordre, un endossement
à titre de gage suffirait. La pratique exige en outre la remise de la
police au créancier29(*).
b) Le nantissement du solde
d'un compte30(*)
Lorsque le client d'une banque a deux ou plusieurs comptes
distincts, il lui est possible de donner au banquier comme garantie du solde
débiteur d'un compte, le solde créditeur d'un autre compte qui
sera bloqué. En somme il y a là un nantissement de
créance contre son client par le créance que celui-ci
possède contre lui dans le crédit du compte bloqué. Le
banquier devra se signifier à lui-même la mise en gage. Mais le
procédé étant assez bizarre, le banquier
préférera souvent une autre technique juridique, il fera verser
en espèce par le client le montant du compte bloqué et se fera
remettre en gage le numéraire ainsi payé. En effet le gage sur
espèces est une opération licite31(*).
c) Le nantissement des
marchés
L'application la plus importante, dans le droit des affaires,
du gage sur les créances civiles est le nantissement des marchés,
le plus souvent des marchés publics, appelé couramment «
délégation de marchés »32(*).
Les entrepreneurs ont un besoin impérieux de
crédit car, en matière de marchés, et,
particulièrement , en matière de marchés publics, ils ne
sont réglés qu'après de très longs délais.
Pour garantir les avances que leur faisaient les banques, les entrepreneurs
avaient envisagé de leur céder leurs créances. Les
entrepreneurs envisagèrent alors de donner en gage les créances
résultant des marchés par eux passés notamment avec
l'Etat et les diverses collectivités publiques. Le principe même
de la validité de la mise en gage de telles créances ne peut
être sérieusement mis en doute, mais la mise en oeuvre du
nantissement a donné lieu à des difficultés. Notamment, la
réalisation de la dépossession était délicate, la
simple remise d'une copie du marché au créancier pouvant
paraître insuffisante. Un jugement du tribunal de commerce de la Seine,
du 30 mars 193333(*)
déclarant nul un gage ainsi réalisé, bien que
réformé par la Cour de Paris34(*) avait jeté un doute dans la pratique, sur la
validité des délégations de marchés.
En tant que garantie, le nantissement de marché permet
à un entrepreneur d'obtenir une avance en constituant en gage au profit
d'un banquier la créance résultant d'un marché. Le
banquier nanti reçoit en même temps le mandat de percevoir le
prix.
A vrai dire, il n'y a pas cession de créance au
banquier mais une avance de celui-ci au créancier avec
délégation sur le débiteur. C'est pourquoi on parle
couramment de délégation de marché35(*).
Dans la pratique bancaire rwandaise, le
bénéficiaire du crédit cède par écrit
à la banque la créance qu'il possède à charge de
tiers. La cession de créance est exigée par les banques quand le
client a conclu un contrat de fourniture de biens, de services ou de travaux
avec l'Etat ou avec un organisme de notoriété. Dans son cas, tous
les acomptes et payements s'y rapportant doivent être payés aux
mains de la banque afin de s'assurer que ces montants payés avant
l'achèvement des travaux, seront effectivement consacrés à
ceux-ci36(*).
Par ailleurs, les établissements de crédit
tiennent à s'assurer de la réalité de la créance en
exigeant des bons de commande, des lettres de marché etc. et de la
solvabilité de la personne pour qui les travaux ou les fournitures sont
faits, s'il s'agit d'un particulier. En vue de rendre la cession de
créance aux tiers, elle est préalablement signifiée par
voie d'huissier au débiteur37(*).
* 28 HAMEL, Banques et
opérations de banque, t. II, n° 969 et s., PICARD et BESSON, Les
assurances terrestres en droit français, 2ème
éd., t. I 1964, n° 499 et 500; FLOUR, « La mise en gage des
polices d'assurance sur la vie », in Rev. gén., ass.
terr., 1935, n° 702 et s.; cité par J. HAMEL et al,
Traité de droit commercial, t. II Dalloz, 1966, p.371.
* 29 L'assurance sur la vie
est encore un moyen de crédit par un autre procédé
juridique: l'attribution du bénéfice de l'assurance au profit du
créancier. Cette attribution qui n'est pas un gage est actuellement
très fréquente, notamment en matière de crédit
à la construction (PICARD et BESSON, Les assurances terrestres en droit
français, 2ème éd., t. I, p.637, n° 502
b). De façon générale, sur l'assurance moyen de
crédit: mêmes auteurs, op. cit., p.13 et sv., n° 7.
Cité par J. HAMEL, op. cit., p.371.
* 30 J. HAMEL, Banques et
opérations de banque, t. II, n° 366; Voy.aussi J. du BOUETIEZ
et KEROGUEN, « La pluralité de comptes de banque ouverts à
un même client », in Banque, 1955, p.689 et sv, § II.
Cité par J. HAMEL, op. cit., p.371.
* 31 J. HAMEL, op.
cit., p.372.
* 32 HAMEL, op.cit.,,
t. II, n° 964-965. Voy.aussi COSNARD, « Le nantissement des
marchés » in Le gage commercial, précité, p.
563 et sv. PH. FARGEAUD, Les délégations de marché et le
danger des privilèges occultes », in Journ. Not. 1935, n
° 416 et sv. « Le financement des marchés de l'Etat et des
collectivités publiques" in Journ. Not. 1937, p.945 et suiv.
Cité par J. HAMEL, op. cit., p.372.
* 33 Trib. Com. Seine, 30 mars
1933, Journ. Notaires, 1935, p.463.
* 34 Paris, 4 air. 1935, D.
1936, 2.034.
* 35 RIPERT, G.,
Traité élémentaire de droit commercial, t. II,
12ème éd. Sous la rédaction de
Réné Roblot, 1990, p.475, n° 2441; IPPOLITO, B, et de
JUGLART, M., Traité de droit commercial, t. VII, Banque et
Bourses, 3ème éd., par L. M. MARTIN, n° 244
p.279, comp. En droit belge; loi du 3 janvier 1958 relative aux cessions et
mise en gage des créances sur l'Etat résultant de travaux et
fournitures, rapportées par T'KINT, Fr., sûretés, op.
cit., n° 235, p.127 cité par F. NTEZIRYAYO.
* 36 F. NTEZIRYAYO, Le
cadre juridique de l'activité bancaire au Rwanda et
l'accessibilité au système de crédit, Kigali,
Janvier, 1998, p.351.
* 37 Ibidem.
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