Section 3: La démarche théorique de
l'évaluation de la formation
L'objectif de cette partie n'est certainement pas de
reprendre les niveaux d'évaluation déjà
présentés dans le modèle de Kirkpatrick, mais plutôt
de construire une synthèse des démarches d'évaluation de
la formation puisées de la littérature.
Il s'agit d'une réflexion sur les niveaux
d'évaluation ; objectifs et processus de chacun, les acteurs
intervenants, et les outils utilisés, ceci, dans le but de
présenter une démarche cohérente ni trop complexe ni trop
simpliste.
Nous rejoindrons, ainsi, l'idée de Jouvenel
et Masingue (1995), selon laquelle « l'évaluation de
la formation ne commence pas après la formation, elle
commence avant et elle se déroule en
continu tout au long de l'action pour s'achever quelquefois
longtemps après la fin d'une
action ».
1. Le premier niveau : évaluation avant la
formation :
Dénommé aussi
« évaluation générique », ce niveau
comprend l'établissement de la stratégie d'évaluation.
Cette stratégie consiste à
définir, à posteriori de l'action de formation, les objectifs
visés afin de vérifier par la suite s'ils ont été
réalisés.
En effet, à ce stade, l'attention devrait être
mise, en amont, sur ce qu'on veut d'une action de formation en vu de
déterminer, en aval, le degré de conformité des
résultats observés avec les objectifs prévus.
a) Objectifs :
Cette première étape a pour objectif de
définir, de façon formelle, les résultats attendus et de
déterminer les conditions nécessaires qui assurent
l'efficacité de la formation en indiquant qui en sont les
fournisseurs et les responsables, quelles sont les modalités, quelles
sont les ressources disponibles à l'entreprise et quelles sont les
contraintes dont il faut faire face.
Ce niveau d'évaluation consiste également
à déterminer le niveau des compétences actuelles et
nécessaires pour bénéficier de l'action de formation et
ceci, dans le but d'élaborer le plan de formation et le cahier de
charges.
b) Processus :
L'évaluation générique
débute avec la décision de réaliser une action de
formation et elle comporte deux phases.
La première phase consiste à tracer le
portrait de la situation actuelle et la situation désirée,
à négocier et lier les objectifs de la formation avec les
objectifs organisationnels en définissant les besoins en formation et
en discutant les conditions nécessaires au bon déroulement et
à la réussite de la formation (moyens, modalités,
ressources).
La deuxième phase consiste à
concrétiser les efforts entrepris dans la première phase en
élaborant le plan de formation et le cahier de charges.
c) Responsables :
La responsabilité, dans cette première phase
d'évaluation, est assumée par les prescripteurs de l'action,
les supérieurs hiérarchiques des futurs participants, le
formateur et le responsable formation.
Ce tableau définit la contribution de chaque
responsable à ce stade d'évaluation :
La responsabilité des acteurs dans le cadre de
l'évaluation
(Jouvenel et Masingue, 1995)
Qui est responsable ?
De quoi ?
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Prescripteur
de l'action
|
Hiérarchie
directe
de participants
|
Formateur
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Responsable de formation
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Dire les objectifs d'évolution
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*
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*
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Préciser les résultats attendus
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*
|
*
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Définir et fournir les moyens mobilisables pour la
formation
|
*
|
*
|
|
*
|
Décider des moyens d'accompagnement
nécessaires
|
*
|
|
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|
Identifier les prérequis des participants
|
|
*
|
*
|
*
|
Relever les demandes et estimer les intérêts des
participants à se former
|
|
*
|
*
|
*
|
Déterminer les conditions et moyens de mise en oeuvre
des acquis
|
*
|
*
|
|
|
d) Outils :
Il s'agit des outils qui aident à identifier et
analyser les besoins en formation ainsi qu'à connaître le contexte
du travail. Parmi ces outils on cite l'entretien, le questionnaire,
l'observation et les discussions dans le cadre de situation formelle ou
informelle permettant la production d'information
2. Le deuxième niveau : évaluation
pendant la formation :
Cette étape d'évaluation est
décortiquée en trois sous étapes à savoir ; au
début de l'action de formation, pendant l'action de formation et
à la fin de l'action de formation.
A. Au début de l'action de
formation :
Ayant comme nom « évaluation
préventive », cette étape intervient au moment de
démarrage de la formation.
Il s'agit d'observer l'écart entre ce qui est
attendu et ce qui a été réalisé dans les premiers
jours de la formation. Cet écart devient plus important si le premier
niveau d'évaluation était négligé
c'est-à-dire que l'absence des objectifs et le manque de
préparation, en amont, fait étendre l'écart entre le
programme planifié et la réalité.
Cette évaluation permet d'apprécier le
climat d'entente entre le formateur et les personnes en formation et de
discuter le processus planifié de la formation afin de prendre des
mesures correctives.
Comme le dit l'adage populaire :
« prévenir mieux que guérir ».
a) Objectifs :
Ce niveau permet, grâce à la
présentation du programme de la formation aux participants, d'extraire
leurs attentes.
Elle permet, également, d'estimer l'écart
entre ce programme et les attentes exprimées, ceci dans le but de
négocier et finaliser l'ensemble des objectifs pédagogiques.
Indirectement, cette évaluation
développe chez les bénéficiaires un esprit de
co-responsabilité et de co-construction de la formation. Ainsi, les
inquiétudes, les malentendus et les résistances se dissipent.
b) Processus :
Dans le but d'ajuster les objectifs de la formation
avec les attentes des futurs bénéficiaires, le formateur
présente l'action de formation à ces derniers. Cette
présentation se déroule en trois moments.
Tout d'abord, il s'agit de présenter le pourquoi
de la formation ; le contexte, l'intérêt de la formation et
les prérequis.
Ensuite, vient la présentation de la formation
d'une manière formelle ainsi que les objectifs pédagogiques.
En dernier lieu, les stagiaires se présentent et
présentent leurs attentes.
c) Responsables :
Á ce stade d'évaluation, interviennent
deux acteurs principaux :
- Le formateur : il intervient pour vérifier si
les conditions de formation sont remplit
- Les bénéficiaires : ils manifestent leur
co-responsabilité en exprimant leurs attentes et les difficultés
qu'ils rencontrent.
Il est à noter que la hiérarchie et le
responsable de formation peuvent également intervenir s'il est
nécessaire.
d) Outils :
Parmi les outils les plus utilisés à ce
niveau, on peut citer les tests de savoir et de savoir faire, le travail
de groupe et l'entretien semi directif.
B. Pendant l'action de formation :
Cette sous étape peut prendre le nom
d' « évaluation formative ». Elle se
réalise pendant l'action de formation. Il s'agit d'évaluer
progressivement le degré de satisfaction des personnes formées
par rapport au formateur et à l'ambiance de la formation ainsi que
l'évaluation de leurs acquisitions, leurs connaissances et leurs
habiletés.
En effet, cette sous étape émane
principalement du souci d'évaluer et de faire le point sur les
différents éléments de la formation ; horaire,
animation, activités proposées, progressivité de
l'apprentissage et relation formateur /formés, qui contribuent
à la production de fruits de bonne qualité (acquisition,
connaissance, habileté, comportement).
a) Objectifs :
Les principaux objectifs visés par le recours
à ce niveau sont le contrôle, l'ajustement et l'adaptation.
Il s'agit de vérifier si les apprentissages
entrepris suivent les objectifs tracés précédemment et de
contrôler la qualité des dispositifs d'apprentissage, d'ajuster de
manière continue les objectifs et d'adopter les mesures correctives
nécessaires.
b) Processus :
L'évaluation pendant l'action de formation prend
cours à l'issu de chaque séquence importante de formation ou
bien lorsque le formateur ou les bénéficiaires manifestent un
besoin d'évaluation.
c) Responsables :
Ce stade d'évaluation entraîne la
responsabilité de deux acteurs principaux d'une part, le formateur et
d'autre part les formés.
Cependant, l'intervention du responsable de formation
s'avère nécessaire s'il est appelé à jouer le
rôle de médiateur ou de régulateur.
d) Outils :
Il est possible de distinguer des outils pour
l'évaluation des résultats (tels que les tests, exercices,
études de cas, le recueil d'opinions et la synthèse ou la
reformulation par les bénéficiaires d'une séquence de
formation) et des outils pour l'évaluation du fonctionnement (tels
que la fiche de suivi de présence, le questionnaire d'évaluation,
le débat formel et informel et l'observation des degrés de
participation, des attitudes et des comportements).
C. Á la fin de la formation :
Qualifié aussi « l'évaluation
sommative », ce stade vise la globalité de ce qui a
été réalisé. Ils'agit de mesurer l'écart
entre la situation au début et en fin de formation et d'avoir les
informations et les indices indispensables pour apprécier
l'efficacité de l'action de formation.
a) Objectifs :
L'évaluation sommative consiste à
recueillir les indices qui expriment la réaction des participants et
leurs satisfactions en regard de la formation.
Elle permet aussi de mesurer leur niveau d'acquisition
par rapport aux objectifs fixés et par conséquent
d'apprécier, d'une part, le programme en relation avec le cahier des
charges et d'autre part, la qualité du dispositif pédagogique
global.
Tous ces indices vont permettre d'analyser,
d'interpréter et d'expliquer le pourquoi des résultats obtenus
afin de prévoir l'applicabilité des acquis en situation de
travail.
b) Processus :
La qualité de l'évaluation finale est
liée à la qualité des informations collectées
(Jouvenel et Masingue, 1995). Pour ce faire trois phases peuvent être
distinguées.
La première phase consiste à collecter des
données auprès de chaque participant portant sur sa
réaction et ses acquisitions et sur la qualité du
déroulement de la formation. Puis, il s'agit d'établir une
synthèse des informations fournies auprès des participants. Un
débat collectif permettant d'enrichir cette synthèse vient
conclure l'action de formation.
c) Responsables :
A ce niveau, on peut dire que le responsable de
formation est le principal acteur chargé de mener et piloter
l'évaluation en fin de l'action de formation. Mais il peut, concernant
l'évaluation des acquisitions, déléguer cette mission au
formateur ou à des experts internes ou externes.
D'une manière ou d'une autre, le responsable
formation reste pour toujours l'évaluateur légitime de la
qualité d'apprentissage.
Les bénéficiaires de la formation vont y
jouer un rôle déterminant à ce stade d'évaluation
par leurs discours et leurs opinions.
Les supérieurs hiérarchiques peuvent
également intervenir en vu de suivre la progression du degré
d'acquisition des formés et prévoir la mise en application de ces
dernières en situation professionnelle.
d) Outils :
Plusieurs outils sont mis à la disposition
de l'évaluateur. Parmi ceux on cite en premier lieu les outils pour
évaluer les acquis comme par exemple les tests, examens en vue
d'évaluer l'acquisition des connaissances, les situations
épreuves, études de cas pour évaluer l'acquisition du
savoir faire et la mise en situation réelle ou simulée afin
d'apprécier le niveau de savoir être.
En second lieu, on cite les outils pour
évaluer la qualité de dispositif de formation tels que le
questionnaire auprès de participants ou formateur et l'entretien
collectif ou individuel.
3. Le troisième niveau : évaluation
après la formation :
Appelé « évaluation
stratégique », ce troisième niveau constitue
« le moment de vérité » (Jouvenel et
Masingue, 1995) dans la mesure où l'évaluation du transfert des
acquis et l'évaluation des impacts organisationnels permettent
d'extraire la réalité qui légitime la formation.
En effet, il s'agit d'apprécier la qualité
globale de la formation, son efficacité et ses répercussions sur
le fonctionnement et les résultats de l'entreprise.
a) Objectifs :
Ce stade d'évaluation a pour objectif de mesurer
l'atteinte ou non des objectifs définis au premier niveau
d'évaluation.
Il permet aussi de fournir des explications quant aux
répercussions prévues ou non de la formation ; ce qu'elle a
produit, ce qu'elle a amélioré ou encore ce qu'elle a
empêché.
De même, il s'agit, à ce niveau,
d'apprécier la qualité globale de l'action et ceci dans le but de
rendre plus crédible et plus légitime le service formation.
b) Processus :
Le processus de l'évaluation stratégique
comprend cinq phases (Jouvenel et Masingue, 1995) :
1. Définir une stratégie d'évaluation en
répondant objectivement aux questions suivantes :
La démarche évaluation s'inscrit-elle dans le
système de gestion de ressources humaines ?
Est-il pertinent d'évaluer l'action ?
Faut-il continuer à évaluer ?
L'évaluation est-elle possible,
réalisable ?
Dispose-t-on des ressources nécessaires en
compétences et en temps ?
Les dépenses du processus d'évaluation est-il
inclut dans une politique budgétaire ?
L'évaluation à froid est-elle
légitime ?
2. Décider du dispositif d'évaluation :
Quels sont les outils de recueil d'informations les plus
efficaces ?
Quel est le système d'exploitation et d'analyse des
données ?
Quelles sont les procédures de restitution qu'on va
utiliser ?
3. Construire et tester les outils du dispositif de
l'évaluation
4. Planifier l'intervention d'évaluation
5. Mettre en oeuvre ce dispositif et le piloter avec les
régulations et les ajustements nécessaires.
c) Responsables :
Les deux responsables de l'évaluation après la
formation sont la hiérarchie des formés et les formés
eux-mêmes.
Cependant, cette évaluation peut être
menée aussi par le responsable de formation ou par une analyse externe
(évaluateur externe).
d) Outils :
Les outils qui peuvent être utilisés à ce
niveau sont les entretiens, l'interview des groupes l'observation formelle
et informelle du travail et le questionnaire.
Conclusion :
La formation est aujourd'hui
considérée comme étant une dimension stratégique
qui contribue à l'efficacité et à la pertinence des
organisations.
Elle est de plus en plus vue sous l'angle d'un
investissement plutôt qu'une simple dépense. Mais, à elle
seule, la formation se limite au perfectionnement et à la
sensibilisation des employés.
Conjuguée à une démarche
d'évaluation de formation, cette dernière intègre son
rôle stratégique et fait ses preuves dans le domaine de
développement des ressources humaines.
Dans le présent chapitre, nous avons
essayé de présenter la démarche d'évaluation de la
formation en élucidant le modèle de Kirkpatrick ; un
modèle de référence, les deux temps forts de
l'évaluation et les différents niveaux qui composent cette
démarche.
Ni trop complexe ni trop simpliste une démarche
d'évaluation de ce genre semble gagner de la place dans l'esprit des
responsables de formation et des professionnels appartenant à ce domaine
qui se rendent compte jours après jours de son utilité et du fait
qu'elle doit accompagner le processus de formation.
Le chapitre suivant présente notre investigation
empirique portant sur l'évaluation de la formation dans le contexte
tunisien. Ainsi, une proposition d'une démarche d'évaluation des
effets de la formation fera notre principale ambition de recherche.
Il s'agit d'examiner la démarche d'évaluation
à froid existante au sein de la SNDP et de proposer une autre
démarche plus efficace.
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