Les limites du système de connaissance et de
raisonnement wéberien au regard du statut de la connaissance en sciences
humaines
1. Le passage de la notion de connexion causale à
la notion de point de vue
Lorsque Weber analyse les comportements humains, il observe
qu'ils sont la conséquence d'une « connexion de causalité
».
En suivant pas à pas le récit de Weber, on
observe qu'il passe subrepticement du constat de la « connexion causale
à multiples facteurs » à l'idée selon laquelle le
chercheur ou l'observateur est déterminé par un « point de
vue ». Le seul élément de lien qu'on peut retenir dans le
passage de la notion causale à la notion de point de vue, semble relever
d'une logique analogique autorisé par un glissement
répété de l'adjectif « multiples »,
associé une première fois aux liens de causalité, puis
sans lien logique explicite, dans la conclusion de la démonstration, aux
points de vue des chercheurs
Le lien logique de ce passage n'étant pas explicite,
seule une croyance a priori en la subjectivité des connaissances en
sciences humaines peut autoriser un tel saut et déduire qu'il ne peut
pas y avoir d'observation en dehors d'un « point de vue » a priori.
En effet, s'il existe plusieurs causes, qu'est-ce qui empêche le
chercheur de combiner les observations réalisées sous les
différents angles pour en abstraire une représentation
indépendante de ses a priori.5 C'est le propre de la
pensée logique, tel que le montre Piaget (1923).
Par effet de circularité, la notion de « point de
vue » s'articulant à celle de subjectivité vient donner
à la subjectivité de la connaissance une forme d'évidence
pragmatique. Si bien que pour Weber l'évidence était telle qu'il
pensait impossible d'en montrer son inexactitude. Pour lui, « tenter
d'en montrer les limites serait la conséquence d'une illusion naïve
du savant qui ne se rendrait pas compte de ses déterminants de valeurs
qui seuls lui importent inconsciemment ».
Afin d'éprouver cette affirmation, nous avons d'abord
évalué son impact auprès de nos contemporains avant d'en
démontrer les incohérences.
2 La subjectivité de la connaissance : une
évidence a priori.
Dans ce but, nous avons proposé à 325 sujets
(étudiants en école de commerce bac+4 et des managers en
entreprise) l'énoncé du résumé de la conjecture de
Weber. On leur demande de porter un jugement concernant son exactitude
Les sujets sont dans la même situation cognitive
à la première lecture : tous l'évaluent comme exacte.
La découverte des lois régissant la
lumière (présentant des phénomènes propres aux
caractéristiques des particules, telle que la réflexion, et des
phénomènes spécifiques aux caractéristiques
ondulatoires tels que diffraction et réfraction) est un exemple de prise
en compte de deux points de vue en les associant. Les deux types de
phénomènes s'excluaient, tant que les chercheurs pensaient que
leur point de vue était l'unique valable. C'est par la mise en place
d'un autre référentiel de connaissances (la théorie
quantique de la lumière, dont l'un des intérêts renvoie
à l'articulation de la théorie ondulatoire et de la
théorie des particules) que Planck peut rendre compte des
différents phénomènes.
Après la mise en évidence de la contradiction
inhérente à la conjecture (ci-dessous
énoncée), 174 acceptent la démonstration du
caractère aporétique et 151 ne perçoivent toujours pas la
contradiction intrinsèque et restent avec leur croyance.
Nous validions ainsi les deux hypothèses suivantes :
1 « La connaissance humaine est subjective » est
une représentation communément partagée en occident.
2 Tout sujet, activant cette représentation, est
incapable, en première lecture, de percevoir le problème logique
de la conjecture de Weber.
3 La représentation sociale résiste à la
démonstration jusqu'à l'accusation d'imposture.
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