Chapitre II : Stratégie de lutte contre
la pauvreté
L'analyse des causes, déterminants, manifestations
et vécu de la pauvreté au Sénégal montre que la
forte croissance nécessaire pour réduire de manière
durable la pauvreté nécessite au préalable un cadre
macroéconomique sain et une gestion saine et transparente des ressources
publiques qui passe par une bonne gouvernance économique et judiciaire.
Cette croissance n'est cependant pas suffisante pour atteindre les objectifs,
si elle ne s'accompagne pas d'une réduction des inégalités
de revenus et des discriminations dans l'accès aux services sociaux
entre milieu rural et urbain, le renforcement du capital humain, le
renforcement de la décentralisation et la participation des acteurs dans
la formulation et la mise en oeuvre des politiques et stratégies. Par
ailleurs, les événements vécus ces dernières
années ont montré que les acquis en matière de croissance
et de renforcement du capital humain sont souvent remis en cause du fat de
l'occurrence de chocs de diverses natures (catastrophes, accidents) et
d'absence de protection contre les risques sociaux.
Pour prendre en charge de manière harmonieuse et
cohérente ces différents défis, le Sénégal a
retenu une stratégie axée sur quatre leviers
fondamentaux :
1- la création de richesse
2- l'accélération de la promotion de
l'accès aux services sociaux de base
3- la protection sociale et prévention et gestion des
risques et catastrophes
4- la gouvernance et le développement
décentralisé et participatif.
En ce qui concerne la création de richesse,
différentes études statistiques révèlent une forte
corrélation entre le revenu national par tête et les indicateurs
de pauvreté, qu'ils soient monétaires ou non monétaires.
Au Sénégal, les analyses faites sur les
déterminants de la pauvreté montrent bien l'importance du facteur
« insuffisance de revenus » et justifient amplement que la
promotion de la création de richesses dans un cadre
macro-économique sain et stable, constitue encore le premier pilier dans
le but de favoriser l'émergence et le renforcement de l'emploi
productif. L'analyse des indicateurs du cadre macroéconomique et des
contraintes à la croissance montre que le Sénégal doit
relever les défis suivants : comment augmenter les exportations de
manière durable en appuyant des secteurs à forte valeur
ajoutée où le Sénégal dispose d'avantages
comparatifs sur le marché ? Comment répondre à la
demande intérieure en biens et services par la production
intérieure en vue de garantir la sécurité
alimentaire ?
Pour relever ces défis, le Sénégal mettra
simultanément en oeuvre une stratégie de croissance
accélérée, une stratégie d'appui aux secteurs
productifs de substitution à l'importation en particulier dans le
domaine agricole pour garantir la sécurité alimentaire.
Le Sénégal a retenu l'accélération
de la promotion de l'accès aux services sociaux de base comme second
pilier de sa stratégie en vue notamment de relever le stock de capital
humain, base d'une croissance durable, répondre à la demande
sociale et favoriser l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le
développement (OMD).
Les ménages, aussi bien en milieu rural qu'en milieu
urbain, sont exposés à une variété de chocs
(sécheresse, inondations, accidents, maladies, fluctuation des prix de
produits de base...) qui les empêchent d'accumuler les biens et le
capital humain susceptibles de les aider à sortir de la pauvreté.
C'est pourquoi le Sénégal met l'accent sur la
nécessité de faire de la protection sociale, en particulier des
groupes vulnérables, un des piliers de sa stratégie pour assurer
une réduction durable de la pauvreté.
Enfin, un des enjeux principaux de la lutte contre la
pauvreté est la nécessité de toucher toute la population
sénégalaise ciblée en répondant à ses
besoins spécifiques et en assurant la célérité et
la transparence dans la formulation, le pilotage, l'exécution et le
suivi évaluation des politiques publiques et des programmes de
développement.
A cet effet, le Sénégal a inscrit la bonne
gouvernance et la décentralisation dans les priorités de lutte
contre la pauvreté, confirmant le consensus, exprimé par les
acteurs de la vie socio-économique, sur le rôle important du
capital dans la croissance à long terme.
Cependant, nous articuleront ce chapitre autour de quatre
sections à savoir : la création de richesse,
l'accélération de la promotion de l'accès aux services
sociaux de base, la protection sociale et la bonne gouvernance.
Section 1 : La création de
richesse
A partir de données des deux enquêtes
sénégalaises auprès des ménages (ESAM I et II), le
Centre de Recherches Economiques Appliquées (CREA) de
l'université Cheikh Anta DIOP de Dakar a établi que
l'élasticité de l'incidence de la pauvreté par rapport au
taux de croissance du revenu réel par tête, sous
l'hypothèse que l'inégalité des revenus ne change pas,
était de -1,38. Une croissance robuste et mieux
répartie est donc un pré requis fondamental pour une
réduction significative de la pauvreté.
La stratégie de création de richesse reposera
sur une croissance économique forte, suffisante pour avoir un impact
quantitatif substantiel sur la prévalence nationale et régionale
de la pauvreté. Il sera ainsi recherché :
1-une croissance soutenue par des secteurs qui ont un impact
important et durable sur l'amélioration des revenus en milieu rural et
urbain
2-une croissance génératrice d'emploi,
portée par l'investissement et les exportations.
Cette stratégie repose sur un scénario de
croissance qui augmente les revenus des pauvres, c'est-à-dire une
croissance qui favorise les secteurs et les régions où les
pauvres vivent et utilisent les facteurs de production qu'ils possèdent.
Jusqu'à présent, la majorité des pauvres sont
localisés en milieu rural et dépendent en majeure partie
directement de l'agriculture et les facteurs de production qu'ils
possèdent et qu'ils utilisent le plus se résument à la
terre, au travail et très rarement au capital. Une croissance favorable
aux pauvres (croissance pro pauvre) devra mettre l'accent sur les zones
rurales, la hausse de la productivité et des revenus de l'agriculture et
être très intensive en travail.
Dans l'optique de renforcer le caractère inclusif de la
croissance, le gouvernement a identifié des activités ou domaines
d'activités prioritaires dans les secteurs suivants :
1- secteur primaire (agriculture, élevage, pêche,
foresterie) dans une dynamique intersectorielle, avec tous les autres
susceptibles de contribuer à son essor : industrie, hydraulique,
transport, artisanat
2- micro finance et entreprenariat féminin
3- PME/PMI et agro-industrie
4- toute opportunité de développement des
initiatives privées génératrices d'emplois dans les autres
secteurs économiques (mines, énergies, bâtiments et travaux
publiques, TIC) qui peuvent être réalisées aussi bien en
milieu urbain qu'en milieu rural.
Du fait des interactions sectorielles et de la
répartition spatiale de la population active et de la pauvreté,
le Sénégal doit axer sa stratégie de croissance et de
réduction de la pauvreté et des inégalités, en
priorité, sur le relèvement de la productivité de
l'agriculture notamment à travers les produits à demande
intérieure et internationale croissance. Aussi, toutes les dispositions
(mesures fiscales, institutionnelles, infrastructures physiques, encadrement et
formation, systèmes d'information sur les marchés nationaux et
internationaux) seront prises pour favoriser le développement
d'unités de transformation et de conservation des produits agricoles.
Parallèlement, l'accent sera mis sur les autres
secteurs porteurs de croissance, mais également sur les facteurs de
croissance à long terme comme le capital humain et les infrastructures
de base.
En somme, l'axe création de richesses sera basé
sur un cadrage macroéconomique pour la période 2006-2010 et
axé autour de la mise en oeuvre de la Stratégie de Croissance
Accélérée (SCA) et de différentes politiques
sectorielles orientées vers la réduction de la
pauvreté.
A- Cadre macroéconomique
Après une croissance de 5,5%
enregistrée en 2005, les premières tendances de
l'économie en 2006 sont marquées par la persistance de la hausse
des prix du baril de pétrole et les difficultés des Industries
Chimiques du Sénégal (ICS), laissant augurer une croissance du
PIB de 4,0%. Ce résultat s'explique par le
ralentissement de l'activité du secteur industriel qui est passée
d'une croissance de plus de 8% et une baisse de
0,9%.
Le redressement du secteur primaire (6,8%)
et le dynamisme du secteur tertiaire (5,1%)
permettraient d'atténuer l'impact des difficultés du
secteur secondaire.
Au niveau du secteur primaire, la croissance était en
2006 à 6,8% contre 9,4% en 2005, en
raison du ralentissement de tous les sous-secteurs.
S'agissant du secteur secondaire, la poursuite de la hausse
des prix du pétrole, ainsi que les difficultés des ICS ont
fortement impacté l'évolution de l'activité industrielle.
En dehors des effets directs de la hausse des prix des produits
pétroliers sur les sous-secteurs du raffinage de pétrole, les
effets induits ont été notés également dans les
autres industries. A ces difficultés s'ajoutent les contre performances
des industries chimiques qui se sont traduites par un arrêt de la
production d'engrais et d'acide phosphorique.
Pour ce qui concerne le secteur tertiaire, la croissance de
5,1% reste essentiellement tirée par le sous-secteur
des transports et télécommunications qui enregistrent une
progression de 9,0% en 2006. Le léger repli du rythme
des activités commerciales (2,5% en 2006) est
lié à baisse des marges des produits du secondaire. Toutefois,
les évolutions des autres marges restent positives et sont
respectivement de 3,8% pour les produits primaires et de
5,9% pour celles sur les produits importés.
Le niveau général des prix, mesuré par le
déflateur du PIB était de 3% par rapport
à 2005. Cette hausse résulterait essentiellement de la
flambée du prix du baril de pétrole.
B- Stratégie de
croissance accélérée
Dans la perspective d'atteindre les taux de croissance
requis pour la réalisation des objectifs de réduction de la
pauvreté de moitié d'ici à 2015 (OMD1), le gouvernement a
initié le processus d'élaboration d'une SCA pour créer les
conditions de nouveaux gains de productivité afin d'atteindre un taux de
croissance de 7 à 8%.
Cette stratégie qui sera bâti autour de
« l'approche grappe », vise à assurer une forte
croissance des secteurs ciblés avec un effet d'entraînement sur
l'ensemble de l'économie et à renforcer la synergie
intersectorielle. Il s'agira d'accélérer la croissance
économique, en améliorant qualitativement la structure de la
croissance pour la rendre plus efficace dans la lutte contre la pauvreté
et en diversifiant les sources pour la sécuriser et la
pérenniser.
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