Présentation du champ d'enquête
L'enquête de terrain qui a servi de base à
l'élaboration de ce travail s'est effectuée à Bujumbura.
Ce choix a été motivé par une raison majeure. En effet,
Bujumbura est la capitale politique et économique du Burundi. A ce
titre, elle constitue le lieu d'établissement des sièges des
différentes ONG internationales opérant au Burundi. Bien que
leurs activités couvrent l'ensemble du territoire national, c'est dans
la capitale que se trouve concentrée l'intégralité des
responsables et la majeure partie des employés des ONG internationales,
comparativement aux autres villes. Nous avons ainsi pu facilement rencontrer
les enquêtés en les trouvant directement sur leurs lieux de
travail.
Par ailleurs, on rencontre à Bujumbura les
ressortissants de toutes les provinces du pays et de toutes les ethnies. Cette
dimension nous a permis de nous faire une idée sur l'impact des
représentations ethniques dominant dans le milieu de vie sur les
comportements individuels des employés des ONG internationales,
notamment en matière de relations de travail.
Notre enquête s'est déroulée en grande
partie dans la commune urbaine de Rohero et dans la partie Nord de la commune
urbaine de Kinindo, lieux où sont situés la plupart des
sièges des ONG et autres organismes internationaux. Cette partie de la
ville de Bujumbura constituait, au moment de l'enquête, la zone
située à l'intérieur de la « ceinture de
sécurité ». Il s'agissait d'une zone à
l'intérieur de laquelle les forces de sécurité de l'ONU
alors installées à Bujumbura dans le cadre de l'ONUB34
avaient mandat d'intervenir pour protéger les ressortissants
étrangers travaillant pour les organisations et organismes
internationaux. Toutefois, nous avons pu élargir notre investigation
à d'autres communes ou quartiers en fonction des besoins.
Méthodologie de recherche
Cette étude s'est effectuée sur la base d'une
enquête de terrain à Bujumbura et d'une recherche documentaire. La
descente sur le terrain s'est faite durant la période allant de juillet
à octobre 2006. Elle a été réalisée dans le
cadre d'un stage de recherche que nous avons effectué au sein de l'ONG
JRS-Burundi. Lors de ce stage, il ne s'agissait pas pour nous d'effectuer
uniquement les tâches pour l'organisation. Au moment de la
négociation du stage, nous nous étions convenus des conditions de
notre séjour au sein de l'ONG. JRS-Burundi était en
réalité notre porte d'entrée dans le milieu des ONG et des
organismes internationaux. Le directeur national de cette organisation
s'était proposé de nous faciliter le contact avec les autres
responsables d'ONG internationales et avait mis à notre disposition une
liste détaillée des adresses et contacts de ceux d'entre eux que
nous voulions rencontrer. Au sein de JRS-Burundi, vu la sensibilité de
notre sujet de recherche, nous étions, avec le Directeur, les seuls
à savoir les réelles raisons de notre séjour dans
l'organisation.
Pour rencontrer nos enquêtés, nous avons
utilisé la méthode du phoning. Cela consistait à
contacter les sujets par téléphone pour négocier un
rendez-vous en vue d'une interview, sous couvert du Directeur National de
JRS-Burundi. Cette méthode nous a permis d'entrer directement en contact
avec les personnes ressources et de « briser la glace », ce qui a
rendu les entretiens moins formels. Les interviews se déroulaient
généralement dans les bureaux des enquêtés, les
portes closes, à l'abri des oreilles indiscrètes. Les
enquêtés parlaient à voix basse comme s'ils craignaient
34 Opération des Nations Unies pour le
Burundi
d'être entendus. Nous avons utilisé un guide
d'entretien et nous enregistrions les conversations à l'aide d'un
magnétophone lorsque les sujets étaient consentants. Les
entretiens étaient semi-directifs.
Nous avons opté pour le guide d'entretien parce que
nous recherchions une information qualitative auprès de ceux qui sont
chargés de la définition et de l'application des politiques de
ressources humaines au quotidien dans les ONG internationales opérant au
Burundi. Par ailleurs, le nombre limité de notre population cible nous
permettait de faire l'usage d'un guide d'entretien tout en respectant le
critère de représentativité de l'échantillon. Il
nous était également extrêmement important d'avoir un
contact direct avec nos interlocuteurs. En effet, vu la nature sensible du
thème traité, nous avions remarqué au début de
notre enquête que, plus le climat était détendu, plus les
enquêtés s'exprimaient avec aisance, sans crispation. Ainsi, ils
nous donnaient par là des réponses moins formalisées et
avaient moins recours à la langue de bois.
Comme nous avions été recommandés par le
directeur d'une ONG internationale qui était de nationalité
française, il nous était relativement facile d'entrer en contact
avec ses collègues cadres internationaux. Par contre, il était
beaucoup moins aisé de nous entretenir avec les sujets de
nationalité burundaise sur la question des identités ethniques.
Plusieurs raisons expliquent cette difficulté. Au moment de
l'enquête, le climat politique était particulièrement
lourd. Les services de renseignement venaient d'annoncer avoir
déjoué une tentative de coup d'Etat. C'est ainsi qu'un certain
nombre d'individus avaient été arrêtés dont un
ancien président de la République et un ancien
vice-président. Certaines des personnes emprisonnées avaient
été arrêtées par des agents des services secrets se
faisant passer pour des journalistes. Il y avait alors une psychose au sein de
la population qui faisait que toute personne posant des questions inhabituelles
pouvait être assimilée à un agent des services de
renseignement. C'est dans de pareilles circonstances qu'un journaliste d'une
radio privée locale avait été roué de coups dans un
bistrot par des populations, l'accusant de vouloir les « vendre
»35 aux services de la Documentation Nationale36. Il
était donc impératif pour nous d'établir
préalablement un climat de confiance entre nous et
35 Traduction littérale du verbe en kirundi
kugurisha qui signifie littéralement « vendre » mais
qui est aussi couramment utilisé pour exprimer le fait de trahir,
à l'instar de Juda trahissant Jésus.
36 Agence nationale de renseignement du Burundi
les sujets. Nous élaborions alors des stratégies
pour nous rapprocher d'eux au maximum. Parfois nous allions jusqu'à les
inviter au snack bar après le travail et nous en profitions pour lancer
un débat sur la question qui nous intéressait sans leur mettre la
puce à l'oreille.
La recherche documentaire a consisté en une lecture
d'ouvrages, d'articles, de rapports, de déclarations et autres documents
concernant le sujet d'étude. Cette recherche s'est faite principalement
dans les bibliothèques de l'UCAC37 et dans les archives du
Ministère de l'Intérieur et de la Sécurité Publique
de la République du Burundi à Bujumbura. Nous avons
également utilisé nos propres documents ainsi que des documents
empruntés à des amis et des collègues. L'outil Internet
nous a par ailleurs été d'une grande utilité.
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