Ethnicité
Eric HOBSBAWN8 avance l'idée qu'on ne peut
pas définir le concept d'ethnicité « en soi ». En
effet, « l'ethnicité ne caractérise pas des groupes humains,
mais la façon dont les groupes humains sont séparés, ou se
démarquent les uns des autres ». Selon cet auteur, le sens le plus
attesté pour cerner l'ethnicité (la présomption d'une
ascendance commune et des liens de sang entre les membres du groupe) est pour
le moins arbitraire quand ce n'est pas une pure fiction.
Maurice KAMTO quant à lui l'identifie, de même
que la tribalité, « au sentiment légitime d'une
irréductible appartenance à une communauté
socio-culturelle historiquement constituée »9. On parle
souvent à ce sujet de « tribalisme primaire ou primitif »,
entendant par-là un phénomène de solidarité autour
d'un certain nombre de valeurs caractéristiques du terroir dont on est
issu.
Mais il ne faut pas confondre l'ethnicité et
l'ethnisme. Pour KAMTO, l'ethnisme ou le tribalisme naîtrait, soit d'une
volonté d'affirmation conquérante par la négation des
autres, soit d'une volonté de se sauver de l'anéantissement par
une réaction de défense qui elle-même peut se muer en une
volonté de conquête. Il est une
8 HOBSBAWN, « Qu'est ce qu'un conflit ethnique ?
», in Actes de la Recherche en Sciences Sociales, décembre
1993.
9 KAMTO, op. cit.
conscience aiguë d'une identité exaltée ou
d'une existence contestée. Comme le montre cet auteur, l'ethnisme se
manifeste généralement, à l'échelle des pays
africains, comme « la réaction d'une communauté
socio-culturelle contre l'hostilité affichée d'une autre
communauté ethnique, contre une volonté exprimée ou une
tentative manifeste d'anéantissement par un pouvoir d'obédience
ethnique ».
En réalité, avant de parler de
l'ethnicité, il aurait fallu partir de la définition de l'ethnie.
J.- W. LAPIERRE10 (1977) définit l'ethnie à partir des concepts
d'identité et de différence : « Nous entendons ici une
population qui reconnaît avoir le même système culturel
(moeurs, coutumes, croyances, connaissances, les mêmes « codes
») et considère comme différents du sien les systèmes
culturels des populations voisines ». Emmanuel KAMDEM
énumère les critères dominants à la base de
l'identification d'une communauté ethnique. Il cite, parmi ceux que l'on
rencontre le plus fréquemment selon lui, l'origine historique,
l'occupation territoriale, la tradition et les moeurs, la langue, la religion,
la morphologie, etc.
Mais dans le contexte burundais, il est difficile de
déterminer sur quelles bases se fondent les individus pour s'identifier
ethniquement car le concept d'ethnie est manipulé et dilué selon
les enjeux du moment. Les individus se créent des liens plus ou moins
artificiels qui ne sont pas forcement parentaux mais qui sont porteurs de sens,
et sont vecteurs de logiques parfois meurtrières.
|