QUATRIÈME
PARTIE :
LES DIFFÉRENTS MODES DE
SOCIALISATION :
QUELLES PRISES EN COMPTE DES DIFFÉRENCES
CULTURELLES SONT NÉCESSAIRES (OU POSSIBLES) PAR LES INSTANCES DE
SOCIALISATION ?
Les instances de socialisation permettent un
apprentissage
progressif du
modèle culturel
de la
société
dans laquelle l'individu vit et agit. Au travers du travail, de l'école,
de la famille et des associations, les stratégies ayant pour but cet
apprentissage sont toutes différentes.
I LE TRAVAIL : la
discrimination positive semble être l'axe privilégié des
entreprises.
« Aujourd'hui, il ne fait aucun doute que ce soit
par l'emploi que l'on s'intègre vraiment dans la vie sociale »
affirme le sociologue Renaud Sainsaulieu dans son livre L'identité
au travail (1977). Le travail aurait donc une fonction
intégrative.
Selon Durkheim32(*), le rôle de la division du travail n'est pas en
premier lieu d'augmenter le rendement du travail mais de rendre effectivement
solidaire chacun des individus au sein de cette division, de faire lien,
d'assurer l'unité du corps social. L'individu est inscrit dans une
logique productive et lui donne le sentiment d'être utile. Par ailleurs,
le travail permet d'apprendre la vie avec les autres, les contraintes, les
conflits, la négociation. Enfin, être reconnu comme
« actif » permet l'obtention de droits.
Contrairement à Durkhein, le sociologue Claude
Dubar33(*) estime que le
travail conserve de moins en moins sa fonction intégrative aujourd'hui,
notamment à cause de la montée du chômage et la
libéralisation de l'économie de ces dernières
années. D'après des statistiques de l'Institut National de la
Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) en 2005, la part des
immigrés actifs au chômage est de 18 % alors que la part des non
immigrés actifs au chômage est bien moindre, soit de 9 %.
Les emplois précaires généralisés,
d'autre part, tendent à aller à l'encontre de
l'épanouissement de l'individu dans son rapport au travail. Il
s'avérerait, selon les mêmes statistiques de l'INSEE, que les
immigrés actifs cumulent davantage les Contrats à Durée
Déterminée que les non immigrés.
Les immigrés sans papiers, eux, vivent une toute autre
réalité. Les seuls postes qu'ils peuvent occuper dans le monde du
travail sont des postes non reconnus par le droit français, dit
« au noir ».
Aujourd'hui, les politiques actuelles laissent donc entendre
que le principe de discrimination positive pourrait être un atout en
France comme aux États-Unis pour permettre l'accession du travail aux
immigrés.
Matérialiser l'engagement des entreprises dans la lutte
contre les discriminations, tel est l'objectif de la Charte de la
diversité (cf. annexe 1 page 59). Créée en 2004 par Claude
Bébéar, président du conseil de surveillance d'AXA et de
Yazid Sabeg, patron de Communication & Systèmes, la charte se veut
être un outil pour encourager les entreprises à refléter
dans leur effectif les diverses composantes de la société
française, et à faire de la non discrimination et de la
diversité un axe stratégique. Lors de son lancement, le texte a
suscité l'adhésion de 33 premiers signataires. Aujourd'hui, ils
sont 1680.
En acte, la charte se traduit de différentes
manières. Depuis janvier 2005, AXA France recrute ses commerciaux selon
la méthode des CV anonymes. Au même moment, la SNCF
organisait des forums intitulés « Rendez-vous égalité
et compétences » qui ont permis à 1000 personnes issues
des quartiers populaires de trouver un emploi. Aujourd'hui, Regus recrute
volontairement des candidats de différentes origines. Au siège,
sur 60 salariés, 17 origines sont représentées. Chez
FedEx, on comptabilise 51 nationalités au sein des 1 600
salariés du centre de tri de Roissy...
Malgré ces initiatives, il reste difficile
d'évaluer le changement. Une enquête CSA-Halde,
réalisée en janvier 2008 sur 603 personnes, donne les premiers
résultats : dans les entreprises de plus de 5000 salariés
où la charte n'a pas été signée, 31 % des
salariés déclarent avoir été victimes d'au moins
une discrimination à l'emploi alors que dans celles ayant signé
la charte, ils ne sont plus que 17 %.
La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations
et pour l'Egalité (HALDE) a été créée en
mars 2005. L'institution recueille et traite les réclamations des
personnes qui s'estiment victimes de discrimination. Plus de la moitié
de ces réclamations concerne l'emploi.
En juin 2008, le ministère de l'immigration lance le
label « Diversité ». Selon l'Association Nationale
des Directeurs et Cadres de la fonction Personnel (ANDCP), à
l'initiative du projet, le but est d'inciter les entreprises à
développer leurs bonnes pratiques en matière de diversité,
par l'obtention du label, placé sous l'égide du Ministère
concerné.
Parallèlement à la discrimination positive, les
associations tentent de former à l'interculturalité au quotidien,
dans le monde de l'entreprise comme en dehors : autre forme de solution
préconisée pour permettre l'accession des immigrés au
travail. Le but est de permettre une réelle compréhension des
différences culturelles et d'enrayer les préjugés. La
formation interculturelle est donc tournée à la fois vers les
chefs d'entreprises mais aussi vers les salariés, pour que chacun trouve
au mieux sa place dans le monde du travail.
Pour les « spécialistes » de
l'interculturalité, les formations interculturelles sont essentielles
pour considérer que le travail est un lieu d'intégration. La
discrimination positive en soit n'est pas une solution, elle n'est qu'un
palliatif.
* 32 David Émile
Durkheim (
15 avril
1858,
Épinal -
15
novembre
1917,
Paris) est un
sociologue
français et l'un des
fondateurs de la
sociologie moderne.
* 33 Claude Dubar est un
sociologue
français, actuellement professeur de sociologie à l'
UVSQ (Université de
Versailles Saint-Quentin).
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