III LA SIGNIFICATION
ÉMOTIONNELLE AU GROUPE D'APPARTENANCE : les jugements de valeurs que
l'être humain porte sur les groupes culturels dépendent de son
expérience.
La critique de la différence résiderait en une
dimension émotionnelle. Cette dimension a été
mesurée par divers chercheurs en psychologie en termes de sentiments de
bien-être ou même de fierté par rapport au groupe
d'appartenance.
Lorsque l'enfant appartient à un groupe de statut
élevé dans la société, alors il a une bonne estime
de soi.
Parallèlement, l'homme se construit un avis critique en
fonction des expériences personnelles qu'il fait, des valeurs qui lui
sont transmises dans la vie quotidienne, des pressions de son environnement
socioculturel.
Cette construction se simplifie dans le temps et peut conduire
à la naissance de préjugés. Un préjugé se
forme toujours sur un stéréotype. Le stéréotype est
une image figée, de l'ordre des croyances et des simplifications de la
réalité. Le préjugé est un jugement, il correspond
à la formulation orale du stéréotype. Par exemple :
« les arabes sont fainéants ! »
« L'exposition aux stéréotypes
(raciaux) commence très tôt et persiste au long du cycle de la vie
dans tous les domaines de la société. La culture transmet les
stéréotypes raciaux aux individus par plusieurs véhicules
tels les livres d'histoire, la présentation des exo groupes par les
médias, les réseaux familiaux, les organisations communautaires
et autres interactions quotidiennes » (Opérario et
Fiske27(*))
IV UNE CONSTRUCTION
D'IDENTITÉ CONFLICTUELLE : l'immigré doit
intégrer28(*) la culture du
pays d'accueil (alors qu'il possède déjà sa propre
culture).
Pour l'immigré, intégrer une culture fait
l'objet de conflits cognitifs. D'un côté, l'immigré ressent
comme utile ou nécessaire à son intégration de se
soumettre aux traits culturels de la société d'accueil ;
d'un autre coté, il considère comme important, voire vital, de
faire en sorte de ne pas perdre sa culture d'origine. Se construire une
identité devient donc sujet à de nombreuses souffrances.
Pour Jean-Pierre POURTOIS, Benoit DEMONTY et Delphine
JOURET29(*), ces
souffrances résultent de trois concepts : la désaffiliation,
l'indisponibilité cognitive et la disqualification sociale.
· La désaffiliation : le migrant se
détache de son groupe culturel.
Elle touche d'abord la sphère familiale :
l'attachement parents-enfants est mis en péril par la migration. Les
parents dont les enfants sont nés dans le pays d'accueil ou y sont
arrivés très jeunes, peuvent éprouver des
difficultés à reconnaitre leurs enfants, à se reconnaitre
dans ceux-ci. Le sentiment de différence, de non identification peut
avoir d'importantes répercussions. Cacou30(*) (citée par Ezembé31(*), 1996) a en effet
démontré qu'il pouvait être source de violences sur les
enfants.
La violence est communément reconnue comme l'un des
mécanismes de défense des immigrés vis-à-vis d'une
société qu'ils jugent hostile. Les « révoltes
dans les banlieues » en sont un autre exemple.
La désaffiliation affecte également la
« communauté ». Les immigrés qui choisissent
de revendiquer leur culture d'origine se heurtent à ceux qui
assimilent la culture d'accueil.
· L'indisponibilité cognitive :
l'épuisement moral du migrant entraine son épuisement
intellectuel, il ne sait pas comment agir face à des situations du
quotidien.
Dans la relation parents-enfants, on remarquera que les
parents expriment un profond sentiment d'impuissance face aux comportements
négatifs de leurs enfants. Ainsi, pour des raisons économiques,
sociales ou culturelles, ils ne parviennent pas à stimuler le
développement des compétences de leurs enfants. Certains
craignent d'aborder des sujets « tabous » (les relations
sexuelles, les drogues...) de peur de précipiter l'enfant vers le
passage à l'acte.
· La disqualification sociale : le migrant perd
son statut.
Ce sont le manque de communication et de considération
qui conduisent à la disqualification sociale.
Les acteurs sociaux ne suffisent pas toujours ou connaissent
trop peu les problématiques des migrants pour répondre à
leurs attentes. Par ailleurs, les migrants ne sont pas toujours à
même de comprendre les acteurs sociaux prêts à les aider.
Dans le pays d'accueil, les enfants possèdent
généralement des compétences linguistiques
supérieures à celles de leurs parents. Ils deviennent les
interprètes familiaux et ont donc accès, parfois très
jeunes, à des préoccupations d'adultes. L'image
idéalisée du parent -en particulier du père- s'effondre.
Au contraire, le statut de l'enfant s'élève mais crée chez
lui une angoisse. L'enfant est conduit à prendre des décisions,
il en profite parfois : il teste, provoque, attend une sanction de ses
parents qui n'en donnent pas.
* 27 Opérario et Fiske
sont chercheurs en psychologie sociale.
* 28 Ici, il faut bien faire
une différence entre « intégrer » et
« assimiler ». En sociologie, selon
Parson, l'intégration constitue une des fonctions du système
social, assurant la coordination des diverses fractions de celui-ci, pour
assurer le bon fonctionnement de l'ensemble. L'assimilation est le processus
par lequel un ensemble d'individus se fond dans un nouveau cadre social plus
large. Le meilleur indice d'assimilation est la disparition totale des
spécificités des assimilés, ce qui implique leur
renonciation à leur culture d'origine, la mise au pas de leur
personnalité et leur atomisation au sein de la société qui
les absorbe.
* 29 POURTOIS Jean-Pierre,
DEMONTY Benoit et JOURET Delphine, « Souffrances affectives,
cognitives et sociales des parents en exil », éditions De
Boeck Université, 2004, page 51 à 60. [en ligne]. Disponible
sur :
www.cairn.info/resumze_p.php?ID_ARTICLE=PP_008_0051
* 30 Marie-Chantale Cacou a
écrit L'entretien clinique dans la consultation de l'enfant en
côte d'ivoire dans la Revue psycho-pathologique africaine,
année 95/96.
* 31 Ferdinand Ezembé
est docteur en psychologie, directeur d'Afrique Conseil.
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