De nos références communes à nos différences culturelles( Télécharger le fichier original )par Emmanuelle DECREAU IUT B de Tourcoing (Lille 3) - DUT Carrières Sociales option Animation Sociale et Socio-Culturelle 2008 |
II L'ÉCOLE :diversité des courants et des pratiques. L'école est, elle aussi, considérée comme l'une des principales instances de socialisation. Le courant multiculturel et le courant interculturel y sont diversement représentés selon les pays. L'expression « multiculturelle » à l'école connaît diverses interprétations. Il en va de la simple interrogation par les enseignants de la reconnaissance des coutumes et traditions qui diffèrent de la norme des élèves d'une classe par exemple, à la réelle prise en compte des différences qu'elles soient raciales, ethniques, sexuelles dans et par l'école. Aux Etats-Unis : De nombreuses formations liant études ethniques et éducation multiculturelle sont dispensées dans les universités (University Roosevelt de Chicago, Université National-Louis dans l'Illinois, Université de Washington de Seattle...) Le rôle de l'école dans le cas d'un programme d'éducation multiculturelle (James A. Banks34(*), 1997) est : - de reconnaître et respecter la diversité ethnique et culturelle, - de promouvoir la cohésion sociale sur le principe de la participation des groupes ethniques et culturels - de favoriser l'égalité des chances pour tous les individus et les groupes - de développer et construire la société sur l'égale dignité de tous les individus et sur l'idéal démocratique. Il faudra se référer au guide définissant les grandes lignes d'un programme d'études pour l'éducation multiculturelle, rédigé sous la direction de J. A. Banks, qui a été adopté par le National Council for the Social Studies (NCSS) en 1991 pour en savoir plus, celui-ci comprend 23 points (cf. annexe 2 page 63). C'est sur la base de ces principes que la discrimination positive est permise dans les universités américaines. Elle n'est pas le fruit de décisions prises par les pouvoirs publics, ce sont les autorités universitaires elles-mêmes qui en sont les acteurs. Les étudiants noirs représentent aujourd'hui 6 à 7 % du public des universités les plus prestigieuses (alors que la « minorité noire » compte pour 12 % de la population américaine). S'ils avaient été admis sur la base de leurs seuls résultats scolaires, la proportion tomberait à 2 % - 3 %. C'est également sur ces principes qu'il est permis dans les écoles américaines que chacun affiche sa différence. Les élèves sont autorisés à porter des signes qui relèvent de leur propre groupe social, ethnique, culturel. En France : des réponses à plusieurs niveaux. Une réponse spécifique aux phénomènes des banlieues (chômage, violence...) a été donnée par la création des Zone d'Education Prioritaire (ZEP35(*)). Par ailleurs, l'accès aux grandes écoles a été ouvert à cette partie de la population qui n'y aurait sans doute jamais eu accès : les meilleures élèves de ZEP ont depuis 2000/2001 le droit d'y postuler, par procédure dérogatoire. Ces derniers, contrairement à ceux sortant d'une filière générale n'ont pas à passer de concours, ils sont recrutés sur la seule base de leur dossier et sur entretien. Autre problématique : le phénomène du voile qui n'est pas seulement un phénomène religieux mais aussi un phénomène identitaire. Dans ce cadre, l'histoire de la laïcité36(*) en France a joué un rôle important. La laïcité est devenue une valeur constitutionnelle depuis 1946. Au début, les principes de la laïcité sont assez mal suivis. La question prend un tour polémique en 1989 lorsque, dans la région parisienne, des jeunes filles sont exclues du collège parce qu'elles souhaitaient s'y rendre voilées. Le gouvernement demande alors au Conseil d'Etat de dire le droit sur ces questions. Dans son avis du 27 novembre 1989, en tenant compte du droit international et des ressources juridiques internes (dont la loi d'orientation pour l'école de 1989 qui consacre le principe de libre expression des élèves), le Conseil reconnaît la liberté des élèves de porter des signes religieux dans l'enceinte scolaire à condition qu'ils n'affichent pas un caractère revendicatif et que cela ne porte pas atteinte à la mission de l'école, tant au niveau du contenu des programmes que des obligations d'assiduité. Face à la multiplication des affaires litigieuses, la France a décidé en 2003 d'interdire par voie législative le port de signes religieux distinctifs à l'école. Entre une école où l'on renforce le culte de la différence et une école où c'est l'homogénéité qui prime (laïcité), l'éducation interculturelle se présente comme une alternative. C'est par l'expression « activités interculturelles » que la problématique interculturelle a été introduite à l'école. Dès 1973, le Conseil De la Coopération Culturelle (CDCC), organe de gestion et d'impulsion des travaux du Conseil de l'Europe en matière d'éducation et de culture, a fait de l'éducation interculturelle un point fort et central de ses programmes. · De l'apprentissage des langues La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, adoptée en 1992 au Conseil de l'Europe, souligne dans son préambule la valeur de l'interculturel et du plurilinguisme. Désormais, l'apprentissage des langues a officiellement valeur « interculturelle ». C'est dans cette perspective que des classes d'initiation (CLIN) ont été instituées en France en 1973. Celles-ci consistent à donner aux minorités ethniques des cours de soutien en Français. L'apprentissage des langues vivantes devient un enjeu important à l'heure où d'un point de vue économique, le marché se mondialise. Mais, d'un point de vue interculturel, les langues sont aussi et surtout enseignées comme un outil répondant au souci d'altérité. La connaissance d'une langue ne suffit pas, encore faut-il chercher à se mettre à la place d'autrui pour le comprendre. La manière dont les langues sont enseignées a donc une importance cruciale dans une démarche interculturelle. · Des échanges scolaires Par souci d'interculturalisme, les échanges scolaires se multiplient. Les contacts, les rencontres sont considérés comme d'excellents moyens de lutter contre les préjugés. Ce postulat est largement partagé par les décideurs mais rien ne prouve que l'expérience du contact suffise à enrayer les préjugés. Au contraire, l'expérience sert aussi à renforcer des idées et des représentations fausses au nom du « vécu » (« j'ai vu », « j'y étais »). Pour que l'expérience soit fructueuse, les penseurs de l'interculturalisme s'accordent à dire qu'il faut que l'échange scolaire soit précédé et/ou accompagné d'une réflexion... Les travaux de l'Office Franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ37(*)) vont dans ce sens, ils tentent d'inciter les établissements scolaires et associations diverses à réfléchir sur les tenants et les aboutissants des échanges en proposant des formations. · De la formation des animateurs Le Conseil de l'Europe a mis en place en 1990 un programme intensif de formation interculturelle à destination des animateurs de jeunesse qui travaillent au sein d'organisations locales, régionales, nationales et internationales : rencontrer autrui, ce n'est pas seulement utiliser « ses mots ». Au-delà de la linguistique, il est nécessaire de développer d'autres compétences : aptitude à l'empathie, à la communication, à la relation... * 34 James A. Banks est directeur du centre d'éducation multiculturelle à l'université de Washington. * 35 Zones dans lesquelles sont situés des établissements scolaires (écoles ou collèges) dotés de moyens supplémentaires et d'une plus grande autonomie pour faire face à des difficultés d'ordre scolaires et sociales. * 36 La laïcité désigne la séparation du civil et du religieux. * 37 L'OFAJ est une institution favorisant l'échange entre jeunes résidant en France et en Allemagne depuis 1963. |
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