PREMIÈRE
PARTIE :
L'IMMIGRATION DANS L'HISTOIRE DE FRANCE
:
NÉCESSITÉS ÉCONOMIQUES ?
Si une grande partie des immigrés sont venus en France
pour des raisons d'ordre économique, il est intéressant de se
demander si les politiques visant à leur
« intégration » n'ont pas été
influencées à leur tour par la toute puissance de
l'économie. L'éventualité d'un retour dans le pays
d'origine ou au contraire la nécessité d'une cohésion
entre immigrés et Français a souvent joué sur la
manière de penser des politiques.
Le fait que des individus viennent en France pour trouver du
travail ou fuir un régime autoritaire prouve que les immigrés
n'ont pas réellement choisi leur situation. Dans ce cas, immigrer, c'est
avant tout une manière de survivre. Si la volonté de venir en
France n'est pas là, comment demander aux immigrés de s'adapter
au pays ?
I L'IMMIGRATION DURANT LA
DEUXIÈME MOITIÉ DU XIXème SIÈCLE :
c'est à cette période que les
premières études sur les flux migratoires vers la France sont
réalisées ; on s'aperçoit que les immigrés
européens sont majoritaires.
La mesure du nombre d'immigrés en France est toujours
très difficile à effectuer. Selon les paramètres pris en
compte et la définition donnée au terme
« immigré », les chiffres diffèrent
sensiblement. Les chiffres présentés tout le long des trois
parties qui suivent sont ceux figurant sur le site internet :
mondialisme.org4(*).
L'immigré est celui qui est né à l'étranger et qui
est venu en France. Il a pu acquérir la nationalité
française. Alors qu'un étranger est quelqu'un qui vit en France
avec un passeport d'un autre pays.
Chaque pays a connu, selon les périodes, une
immigration, plus ou moins intense (le déplacement des populations a
toujours existé).
En France, c'est lors du recensement de 1851 que les
étrangers sont pris en compte pour la première fois dans la
population française. Ils représentent 1 % sur les
36 millions d'habitants. En 1911, ils sont 3 %. Les migrants viennent
surtout de Belgique, d'Italie et d'Espagne.
L'époque est caractérisée par la
révolution industrielle. L'essor du machinisme permet à chacun de
trouver du travail. Alors que la fécondité des familles
françaises a fortement chuté ces dernières
années5(*), les
immigrés sont les bienvenus.
II. II L'IMMIGRATION AU
XXème SIÈCLE : vers un changement des flux migratoires.
Dès 1914, l'armée française fait venir
des Africains du nord (ceux-ci sont à l'époque Français)
pour qu'ils combattent aux côtés des Français de la
métropole. Plus l'armée est nombreuse, plus elle est forte.
Après la première guerre mondiale, le pays est
sinistré, tant sur le plan matériel qu'humain. Les
frontières sont laissées ouvertes pour compenser le
déficit démographique. Ce sont majoritairement des Polonais
(environ 600 000), des Espagnols (environ 500 000) et des Italiens
qui rejoignent le sol français. Le pourcentage d'immigrés en
France passe de 3 à 6,6 % pour l'année 1918.
En mai 1924 est créée la Société
Générale d'Immigration, elle a pour but de recruter les
travailleurs dans leur pays d'origine.
Durant cette période, on recense aussi des
Arméniens, des Juifs d'Europe centrale et des Roumains, des Russes ainsi
que des Polonais fuyant le régime de Staline.
En 1929, une crise économique mondiale éclate.
Se prolifèrent des idées xénophobes6(*). Les immigrés sont
malvenus. Mais dès 1936, le Front Populaire7(*) favorise à nouveau une
immigration forte.
Lors de la seconde guerre mondiale, le pouvoir français
reproduit le même schéma : des convois d'étrangers
s'organisent, ces derniers sont obligés de venir en France sous la
contrainte. Mais lorsque la France perd la guerre, les Nord-Africains, et
notamment les Algériens, s'aperçoivent qu'ils peuvent
résister à la domination coloniale. Les intellectuels retournent
dans leur pays pour y contester la France.
Les frontières restent cependant ouvertes. La France a
besoin d'une main-d'oeuvre capable de reconstruire le pays, les tâches
les plus ingrates sont alors confiées aux immigrés. La France a
aussi besoin d'intellectuels capables de penser l'avenir.
Sous l'influence de De Gaulle, l'Office National de
l'Immigration sera créé le 2 novembre 1945. « Pour que
la France ne soit pas une lumière qui s'éteint, il faut une
immigration utile » soutiendra-t-il alors.
Les immigrés auraient construit 90 % des autoroutes
français et un logement sur deux depuis la fin de la guerre
jusqu'à aujourd'hui. L'époque est prospère, il n'y a
quasiment pas de chômage.
Avec la fin des Trente Glorieuses, le prix de l'énergie
augmente, le travail se fait de plus en plus rare. Après la
décision de fermer les frontières en 1974, ce sont les
regroupements familiaux8(*)--qui permettent aux immigrés de faire venir en
France, sous certaines conditions, les membres de leurs familles proches --et,
dans une moindre mesure, les demandeurs d'asile9(*) qui constituent les principales raisons de
l'immigration.
Pour Valery Giscard d'Estaing10(*), ceux qui ont aidé à la reconstruction
de la France doivent être reconnus, ceux qui ne font qu'arriver en France
n'ont pas à y venir.
Puisque le pays entre dans une phase de chômage accrue,
les immigrés sont pointés du doigt. On les taxe d'envahisseurs,
certains soutiennent qu'ils prennent le travail des Français.
III L'IMMIGRATION AUJOURD'HUI
: les Africains deviennent les plus nombreux à venir en France mais
leur acceptation sur le sol français est soumise à des
contraintes de plus en plus spécifiques.
Le pourcentage d'immigrés ces 30 dernières
années n'a guère évolué : aujourd'hui, les
immigrés représenteraient 7,4 % de la population
française.
Les immigrés d'origine non européenne sont
majoritairement les Algériens (600 000), les Marocains (600 000),
les Tunisiens (200 000), les Turcs (200 000) et les personnes venant des
différents Etats d'Afrique centrale (150 000).
Les immigrés d'origine européenne sont
majoritairement les Portugais (600 000), les Italiens (200 000) et les
Espagnols (200 000).
Si l'on comptabilise donc tous ces immigrés, les
« non européens » représenteraient environ 55
% et les Européens 45 % de l'immigration. Depuis 1990, la tendance a
donc changé: désormais ce sont les
« non-européens » qui sont majoritaires.
A ces immigrés, il faut ajouter ceux qui sont
Français de naissance mais qui viennent des Départements et
Territoire d'Outre Mer (DOM-TOM11(*)) : Guadeloupe, Martinique, Polynésie,
Nouvelle-Calédonie.
Pour que les immigrés ne soient pas trop nombreux sur
le territoire français, des conditions s'imposent à leur venue.
Les contraintes d'acquisition d'un titre de séjour ou de la
nationalité française se multiplient.
Un titre de séjour permet de rester en France plus de 3
mois. Le titre de séjour doit être demandé dans les deux
mois à compter de la date d'entrée en France. Au-delà de
ce délai, l'immigré est en situation irrégulière et
encoure des sanctions. Pour autant, l'immigré en situation
irrégulière a la possibilité de constituer un dossier pour
demander un titre de séjour.
Différents titres de séjour existent, ils
diffèrent selon le pays et la situation personnelle et familiale de
l'individu. De manière simplifiée, voici donc une liste des
différents titres de séjours possibles :
- une autorisation provisoire de séjour excédant
rarement 6 mois, renouvelable.
- un titre de séjour mention
« retraité » ou une carte de séjour
« retraité ».
- une carte de séjour temporaire ou un certificat de
résident d'un an renouvelable portant des mentions
« salarié », « visiteur »,
« étudiant »... selon les cas.
- une carte de séjour « compétences et
talents » pour une durée de 3 ans renouvelable.
Elle peut être accordée à ceux qui sont
susceptibles de participer « de façon significative et durable
au développement économique ou au rayonnement, notamment
intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la
France » 12(*).
- une carte de résidence de 10 ans, renouvelable de
plein droit.
Un titre de séjour ne donne pas forcément le
droit de travailler. Il ne donne pas non plus le droit de voter ; seule
l'obtention de la nationalité française le permet. Enfin, la
possession d'un titre de séjour long ne permet pas d'acquérir
systématiquement la nationalité française. Pour obtenir la
nationalité française, il faut en faire la demande et justifier
alors de son intégration dans le pays. Le fait, pour les
immigrés, d'être marié avec une Française depuis au
moins 4 ans, donne plus de chance à l'acceptation d'une demande.
Les lois des 24 juillet 2006 et 20 novembre 2007, ont
instauré un contrat d'accueil et d'intégration pour tous les
nouveaux arrivants étrangers en France13(*). Par ce contrat, les personnes concernées sont
obligées de suivre une formation civique et, lorsque le besoin en est
établi, linguistique. La formation civique comporte une
présentation des institutions françaises et des valeurs de la
République, notamment l'égalité entre les hommes et les
femmes et la laïcité. La formation linguistique est
sanctionnée par un titre ou un diplôme reconnu par l'Etat. Ces
formations sont dispensées gratuitement. Elles durent deux mois au plus,
au terme desquels l'individu fait l'objet d'une nouvelle évaluation.
Ça n'est qu'après, si l'évaluation est positive, que le
titre de séjour ou la nationalité française est
délivré.
Par ailleurs, le recours aux tests génétiques
pour établir l'état civil est désormais possible. La loi
du 20 novembre 2007 donne en effet la possibilité aux services de l'Etat
d'effectuer à titre expérimental, soit jusqu'au 31
décembre 2009, des tests génétiques afin de s'assurer de
l'identité d'une personne.
Après avoir étudié l'histoire de
l'immigration, j'ai voulu savoir comment la diversité des populations en
France est prise en compte. Pour cela, j'ai étudié deux concepts
principaux : le multiculturalisme et l'interculturalisme dont on
retrouvera leur application dans les instances de socialisation
(quatrième partie de mon mémoire).
* 4 mondialisme.org :
site internet destiné aux revues et aux collectifs de critique politique
et sociale.
* 5 L'important déclin
démographique s'explique par la politique menée par Malthus dans
les années 1850.
* 6 Le mot xénophobie
est composé des
racines grecques
xénos, « étranger » et
phobos, « rejet, peur ». Ce mot définit
donc littéralement, « le rejet de
l'étranger ».
* 7 « Front
Populaire » : cette expression de
Eugen Fried, datant de
1935, caractérise des accords passés entre des partis de gauches
(socialistes, communistes, syndicats, mouvements intellectuels) afin de lutter
contre la montée de l'extrême-droite ou du fascisme, à la
suite des crises provoquées par la
Grande
Dépression de 1929.
* 8 Le regroupement familial
est la possibilité donnée à des membres d'une famille
séparés entre plusieurs pays de se retrouver.
* 9 Le
droit d'asile est
principalement la possibilité, pour un État, de protéger
certains ressortissants étrangers qui peuvent être
inquiétés, dans leurs pays d'origine, pour leurs convictions
politiques ou religieuses.
* 10 Valéry Giscard
d'Estaing, né le
2 février
1926 à
Coblence en
Allemagne, est un
homme
d'État
français,
3e Président de la
Ve
République et 20e
Président
de la République du
27 mai
1974 au
21 mai
1981.
* 11 Les DOM-TOM sont
un ensemble des terres sous souveraineté française situées
hors métropole. Ces terres sont d'anciennes colonies
françaises.
* 12 La citation est issue du
CESEDA (Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit
d'Asile) créé en 2004.
* 13 article L 311-9 du
CESEDA
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