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Jésus-Christ, Résurrection et Vie pour le croyant Lobi en route pour l'au-delà. Lecture africaine de Jn 11,1-44.

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par Sansan Hervé POODA
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest (U.C.A.O.), Unité Universitaire d'Abidjan (U.U.A.) - Licence Canonique (Maîtrise académique) en Théologie Biblique 2007
  

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1.2.2.5. La perspective de la mort de Jésus évoquée

Avant que les disciples ne disparaissent du récit, après avoir joué leur rôle dans le dialogue introductif (comme au chapitre 9), Jean donne encore la parole à l'un d'eux, qui reviendra nommément en Jn 14, 5 ; 20, 24 et 21, 2 : « Thomas donc appelé Didyme (qui signifie jumeau) dit à ses condisciples : allons, nous aussi, pour mourir avec lui ! » (v. 16). Thomas ne semble guère avoir cherché à pénétrer le sens du propos très paradoxal qu'il vient d'entendre86. Il se fait ainsi le porte-parole du groupe. Mais les faits contrediront cet élan des disciples87. En attendant, c'est le thème de la mort de Jésus qui résonne, en contraste avec le réveil qu'il a annoncé comme certain pour son ami.

Au terme de cette section, le lecteur comprend bien que le miracle aura lieu non seulement en raison de l'amour de Jésus pour ses amis, mais pour manifester la gloire de Dieu et susciter la foi en Celui qui affronte la mort : il a le pouvoir de déposer sa vie et le pouvoir de la reprendre pour la communiquer aux hommes. Il le dira autrement d'ailleurs à Marthe.

1.2.3. Jésus et Marthe (v. 17-27)

Nous distinguerons deux niveaux dans l'analyse narrative de cette section : le déplacement des personnages et le dialogue central entre Jésus et Marthe. Avec cette section, nous entrons dans les complications de l'intrigue du récit88.

1.2.3.1. Déplacement des personnages : v. 17-20

« A son arrivée, Jésus trouva Lazare dans le tombeau depuis quatre jours » (v. 17). Cet étonnant raccourci montre bien que le temps du récit ne coïncide pas avec le temps de l'histoire. Nous nous trouvons en présence d'une sorte d'ellipse où un temps déterminé de l'histoire (le temps du déplacement) est totalement escamoté dans le récit89.

Lazare a dû mourir peu après que les soeurs aient lancé leur appel à Jésus et être enseveli le jour même, selon la coutume fréquente en Orient. Ces « quatre jours » à nouveau mentionnés au v. 39 sont une donnée importante dans ce récit, en ce qu'ils marquent la réalité et la radicalité de cette mort. Pour les juifs d'alors, la mort réelle était en effet consommée

quatre jours après le décès, lorsque le corps commence à se décomposer. La résurrection de Lazare ne pourra pas être assimilée à la réanimation d'un corps que le souffle vient de quitter et qui serait un miracle de guérison poussé à l'extrême limite (cf. Ac 20, 1 0)90.

Le v. 18 indique que Béthanie est très proche de Jérusalem, moins de 3 Km, sans doute afin d'expliquer la venue de « nombreux Juifs » auprès de Marthe et de Marie « pour les réconforter au sujet de leur frère » (v. 19). Les deux soeurs, qui, ensemble, ont fait appel au « Seigneur », se comportent de manière opposée face au mystère de la mort91. Marthe accourt aussitôt vers Jésus ; Marie demeure chez elle « assise » comme il convient à une femme en deuil92. Après l'analyse des déplacements des divers personnages de cette section, abordons le dialogue central de ce récit : celui de Jésus et de Marthe.

1.2.3.2. Le dialogue entre Jésus et Marthe : v. 21-27

La scène entre Marthe et Jésus, souvent traitée par les spécialistes de l'exégèse historico-critique comme un ajout tardif93, occupe dans le dispositif narratif actuel une place centrale. Elle est fortement structurée et unifiée autant dans la forme que dans le fond.

1.2.3.2.1. Structure du dialogue entre Jésus et Marthe

En voici les éléments structurants d'après les analyses de A. Marchadour94 :
- Elle partit à sa rencontre (~(tflvrfloEv) : v. 20

Arrivée/dép art :

- Ayant dit cela, elle s'éloigna (àtfl~XOEv) : v. 28.

Elle partit à sa rencontre (20)

A - Marthe lui dit : Seigneur (21)

Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort Séquence I Mais je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu
Dieu te le donnera (22).

B - Jésus lui dit : Ton frère ressuscitera (23)

90 Voir C. L'EPLATTENIER, op. cit., p. 229.

91 Marthe exprime sa confiance puis, magnifiquement, sa foi ; Marie, aux pieds de Jésus, demeure accablée sous le poids de la douleur. L'une affirme l'espérance dans la vie qui ne finit pas, l'autre ne connaît que la séparation advenue. A ces attitudes psychologiques contrastantes correspondent des réactions différentes de Jésus, à travers lesquelles transparaît son propre engagement devant la mort.

92 Cf. l'Excursus que nous avons fait sur la mort et le deuil dans la société juive, à la fin du premier chapitre.

93 C'est par exemple l'opinion de M. E. BOISMARD et A. LAMOUILLE, op. cit., p. 282.

94 A. MARCHADOUR, op. cit., pp. 83-84.

A - Marthe lui dit :

Je sais qu'il ressuscitera

à la résurrection au dernier jour.

B - Jésus lui dit :

JE SUIS la Résurrection et la Vie.

Celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra (25) Et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais

A - Elle lui dit (27)

Oui, Seigneur

Séquence II Je crois

que tu es le Christ,

Le Fils de Dieu

Celui qui vient dans le monde (27).

Ayant dit cela elle s 'éloigna (28).

Cette conjonction/disjonction où les éléments narratifs l'emportent encadre un échange théologique très dense et bien construit formellement comme il apparaît sur le schéma95. Deux principaux verbes de mouvements (i(3tflvrfloEv, à3tfl~XOEv) encadrent cette double séquence. Les verbes de déclaration (dire, savoir, croire) structurent le dialogue. Le message central est donné avec solennité « Je suis la résurrection et la vie ». C'est une autorévélation de grande portée. A la révélation centrale de Jésus répond la confession de foi de Marthe. Croire, mourir, vivre, sont évoqués dans un rapport dialectique. Il s'agit surtout de croire en Celui qui vient de se révéler. Le thème principal est donc la foi (croire) qui est l'aboutissement du dialogue entre Jésus et Marthe. Celle-ci part de la connaissance théorique

(Je sais, je sais, à je crois au JE SUIS) à l'adhésion totale dans la foi. Analysons maintenant ces divers éléments du dialogue entre Jésus et Marthe.

1.2.3.2.2. Les éléments du dialogue entre Jésus et Marthe

Le dialogue entre Jésus et Marthe se développe en effet sur une double étape. La première étape est caractérisée par une double affirmation de Marthe (avec la reprise du «Oi~~, je sais ») encadrant une sentence générale de Jésus. Ce qui caractérise cette séquence est bien l'effacement de Jésus au profit de Dieu. Lazare reste l'objet central de la demande de Marthe et de la réponse de Jésus :

Mon frère ne serait pas mort

Ton frère ressuscitera.

Ce dialogue met en jeu une fois encore le procédé du malentendu, à partir d'une parole à double sens96. Jésus annonce à Marthe : c'yc0ti'0EtcL o" c'öE?46c 0oD (v. 23) dans un futur

indéterminé et elle répond : oL!öc o-t L c'yc0ti'0Etc LE'yti) $ c'yc0tc'0E LE'yti)$ E'0xc'tj i"ILE'pc (v.

24). Ce disant, elle s'inscrit dans la ligne du judaïsme orthodoxe. Ce n'est point de sa part un simple acquiescement à ce que le Maître dit, mais l'affirmation d'une certitude. Cela concerne une lointaine perspective eschatologique, qui ne peut guère soulager la douleur présente de la perte de son frère. On peut sentir dans cette réplique même une nouvelle déception.

La seconde étape voit un déplacement du dialogue : Jésus passe au premier plan sous la forme d'un «*Eyth EL'LL ». Le grec hellénistique tend à banaliser ces formes redondantes « moi, je » ; mais il reste que dans l'ensemble du récit, ce passage est celui qui inclut un discours autorévélant de Jésus, souligné d'ailleurs par l'importance des anaphoriques97 : *Eyth (plus le verbe à la première personne au v. 25) EL'c E'ILE (vv. 25.26). Du registre du savoir et du futur de la première phrase, on passe au discours de la foi (le verbe croire est repris 2 fois, sous la forme d'une sentence générale, puis d'une interpellation directe : 1TL0tED'EL toD)to; (crois-tu cela ? v. 26). La réponse de Marthe épousera le même registre du présent de l'engagement : elle reprend la formule redondante « *Eyth » suivie du verbe croire au parfait ce qui marque la permanence de l'adhésion à Jésus triplement confessé : NcL~ KD'p LE, E''~~

ç toD )eEoD) o" EL'c to~y Kó0ILoyE'pxóILEyoc. On constate

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ici que le discours s'est centré sur Jésus et Marthe, Lazare s'effaçant après avoir été au centre de la première partie du dialogue. On peut noter aussi au passage la dimension

interpersonnelle (le jeu du « je-tu »), l'épaisseur théologique de l'entretien et une certaine antinarrativité même qui brise le suspense par d'importants ensembles kérygmatiques insérés dans cette séquence. Cela est typique à l'évangéliste Jean qui n'hésite pas à mélanger les genres comme le remarque bien A. Marchadour : « cette cohabitation d'une intrigue narrative dramatique et d'une Parole transcendante venue de Dieu est la marque du récit évangélique et éminemment de Jean 98 ».

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo