CONCLUSION GENERALE
Au terme de notre parcours biblique et théologique sur
l'herméneutique africaine lobi de la résurrection de Lazare en Jn
11,1-44, il convient de relever les acquis pastoraux pour une
évangélisation en profondeur des Lobi.
En effet, il est heureux que l'épisode de Lazare soit
toujours bien lu et commenté pour les chrétiens Lobi en
période de deuil. La portée christologique et théologique
qui est au centre de cet épisode ne saurait donc être
occultée. Jésus-Christ demeure le chemin de la
résurrection et de la vie auxquelles aspirent tous les hommes. Il
appelle tout homme éploré à une foi totale en lui. Il
s'agit donc de saisir chaque occasion de deuil en milieu lobi pour annoncer la
Parole de Dieu et plus particulièrement Jésus-Christ,
Résurrection et Vie. Mais il convient de savoir communiquer aux Lobi ce
message hautement pascal et eschatologique. En effet, un langage mal
inculturé peut produire chez les Lobi de véritables blocages
à l'accueil de cette Bonne Nouvelle du Salut. Et la survivance du
syncrétisme chez certains chrétiens lobi peut même
s'expliquer par le fait de la dichotomie encore présente dans leur
tête, entre les deux notions, biblique et lobi, de la mort et de la vie
dans l'au-delà. C'est pourquoi nous avons proposé, à
partir de la dynamique même de l'épisode de la résurrection
de Lazare, une herméneutique de la foi qui part du socle traditionnel
pour s'accomplir dans la Révélation
chrétienne368. Ce fut la pédagogie du Christ avec
Marthe dont la confession de foi est au centre du récit de Lazare que
nous avons étudié369.
Après avoir expliqué comment les Lobi
conçoivent la mort comme voyage vers l'audelà et leur foi en la
vie après la mort370, nous n'avons pas occulté la
difficulté à leur présenter la résurrection de
Lazare comme bonne nouvelle et signe de notre prochaine résurrection en
Jésus-Christ, le premier-né d'entre les morts371. Nous
avons montré aussi comment cette conception traditionnelle lobi de la
mort et de la vie dans l'au-delà peut être exploitée pour
l'annonce de l'Evangile de la Vie372. Si la mort est un voyage de
l'âme vers l'au-delà dans la communion avec le monde des
ancêtres (foi traditionnelle africaine lobi), la résurrection
est
cette nouveauté salvifique apportée par
Jésus pour agréger toute la communion des fidèles
défunts à la communion divine (révélation
évangélique nouvelle)373. Il ne suffit plus de
désirer rejoindre la communion et l'harmonie avec les ancêtres
comme dans l'eschatologie traditionnelle lobi. Il faut croire en
Jésus-Christ et l'accepter dans sa vie, car c'est lui qui nous introduit
dans le `village de Dieu'. Chez Dieu, les Lobi retrouveront en
Jésus-Christ, l'harmonie originelle brisée par la faute des
hommes. Le langage mythique a été exploité pour traduire
ce mystère de foi à inculturer dans la vie des Lobi. Car le mythe
est le moyen par excellence, dans la société lobi, pour
théo-logiser, pour dire Dieu, pour parler des réalités
transcendantales.
Quand le message est incullturé et bien compris, il
ouvre un large champ d'applications pastorales comme nous l'avons vu. Il incite
à soigner notre pastorale ecclésiale auprès des personnes
malades pour leur témoigner de la compassion et de la sollicitude,
à l'exemple du Christ intervenant en faveur de ses amis de
Béthanie. C'est surtout la pastorale des funérailles et des
personnes éplorées qu'il faut renouveler pour une
évangélisation en profondeur des Lobi. Nous avons insisté
sur l'accompagnement pastoral à mener auprès des Lobi
éprouvés pour les amener à vaincre la peur de la mort et
à s'ouvrir à la vie de grâce, dans la foi au Maître
de la vie qu'est le Christ374. Si, à bien des moments, nos
propositions pastorales concernaient surtout les premiers responsables de la
mission d'évangélisation dans le milieu lobi, nous n'avons pas
ménagé les chrétiens lobi qui doivent appeler le Christ au
chevet de leur société malade et moribonde. Nous avons
épinglé même les liens de la mort qui tiennent ces hommes
et ces femmes de la société, à bien des égards,
dans le noir tombeau de l'obscurantisme et du traditionalisme destructeurs.
Nous en sommes arrivé à la confession de foi, comme d'ailleurs
dans l'épisode de Jn 11, 1-44, que Jésus est le Messie, le Fils
de Dieu qui vient dans le monde pour le salut de tous les Lobi comme de tous
les hommes.
Pour terminer, nous ne saurons prétendre avoir
cerné toute la problématique relative au comportement du
chrétien lobi face à l'épreuve de la mort ou du deuil. Ce
sujet, en luimême, est assez vaste. Nous avons essayé de le cerner
surtout du point de vue biblique. Le recours anthropologique fut obligé,
afin d'actualiser notre étude de Jn 11, 1-44 pour une communauté
chrétienne particulière, celle des Lobi. L'actualisation
pastorale s'est limitée seulement au domaine de la pastorale des malades
et des funérailles. D'autres perspectives comme l'amitié, le sens
du sacrifice, et même le thème de la foi, pouvaient être
davantage développées. Mais nous pensons que notre parcours a
été suffisant pour nous permettre de
373 Cf. Supra, 3.2.2. Une foi traditionnelle à porter
à accomplissement, pp. 121-122.
374 Cf. Supra, 2.3. Vaincre la peur de la mort, pp. 13 8-139.
comprendre les difficultés de notre prédication
évangélique chez les Lobi. Il nous a surtout permis de comprendre
les raisons du syncrétisme qui subsiste chez les chrétiens lobi
vivant entre deux cultures jusque là difficilement conciliables.
L'inculturation du message chrétien, au-delà des rites et des
symboles, commence par le discours religieux. Nous prions qu'à chaque
fois, lors des obsèques et des Messes de Requiem où
l'évangile de la résurrection de Lazare sera commenté aux
Lobi, une telle herméneutique africaine, développée dans
ce travail375, soit mise en oeuvre pour aboutir à une
véritable confession de foi en Jésus le Messie et le Maître
de la vie totale avec Dieu et les hommes, sur la terre et au ciel dans
l'au-delà !
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