2.2. Critique des sources
La critique des sources se base sur le fait que
l'évangile n'est pas une création ex nihilo. L'épisode
même de la résurrection de Lazare, avant de constituer une partie
intégrale du quatrième évangile, a pu exister de
façon autonome. De plus, si on remonte plus loin dans cette
enquête, on peut imaginer que le récit de Lazare n'a pas touj ours
eu une forme définitive comme celle que nous connaissons aujourd'hui.
Est-il possible de remonter à la constitution de ce récit
à l'étape où elle n'existait qu'en puissance dans ses
composantes ? C'est l'objectif de ce paragraphe sur la critique des sources. En
compagnie de Boismard et de A. Marchadour,38 nous allons esquisser
quelques hypothèses dans ce sens.
2.2.1. L'hypothèse de R. Bultmann
(1941)39
En 1941, Bultmann publie un commentaire sur l'évangile de
Jean fort remarquable. La plupart des spécialistes le considèrent
comme une oeuvre majeure qui a marqué profondément
la recherche et conditionne encore de nombreuses
hypothèses actuelles sur la question des sources du quatrième
évangile.
En effet, Bultmann repère dans tout l'évangile
de Jean actuel trois sources, tout à fait autonomes à l'origine :
la Semeia-quelle, les discours de révélation de type
gnostique et le récit continu de la passion. La Semeia-Quelle,
à laquelle se rattache l'épisode de Lazare, est
formée de sept signes qui devaient, avant d'être coulés
dans le moule narratif propre à Jean, être d'une facture assez
proche de celle des récits de miracles des évangiles
synoptiques.
Dans sa tentative de reconstitution du récit primitif
de l'épisode de Lazare dans la Semeia-Quelle, Bultmann fait
disparaître les versets 9-10 qu'il renvoie aux discours de
révélation (Offenbarungsquelle). Lui aussi
n'hésite pas à supprimer l'essentiel du dialogue entre
Jésus et ses disciples, entre Marthe et Jésus et entre Marie et
Jésus. Il attribue à l'évangéliste lui-même
les éléments trop kérygmatiques comme en Jn, 11, 4. 41-42
et les traits d'énonciation (v. 2. 4. 13). Mais il avoue la
difficulté d'arriver à une reconstitution probante. Il
reconnaît que le style de l'évangéliste ne se distingue pas
nettement de la Source. Il avance même qu'il a dû exister, avant la
Semeia-Quelle, un récit ancien où probablement les deux
soeurs étaient anonymes. Mais ce qu'il retient comme terreau de la
Semeia-Quelle comprend les versets suivants : Jn 11, 1. 3. 5. 6. 11.
12. 14. 15. 17-19. 33-39. 43.44.
L'impact méthodologique de Butlmann continue de nourrir
les recherches de l'exégèse moderne. La plupart de ses
successeurs continuent de défendre l'existence d'une source de miracles
à la base du quatrième évangile même si les
différences subsistent sur les détails et les limites de cette
source dans l'évangile actuel de Jean.
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