CHAPITRE 6 :
Implications pastorales d'une inculturation de la
théologie de la mort et de la vie dans l'au-delà des Lobi
à partir de la lecture de Jn 11,1-44
Introduction
Dans ce dernier chapitre de notre parcours
exégétique et théologique, nous voulons indiquer des
pistes d'application de la Parole de Dieu afin de contribuer à
l'évangélisation des Lobi. Il s'agira de tirer les implications
pastorales du dialogue initié entre la culture de la Bible et la culture
des Lobi. Cela répond donc à un souci de pragmatisme et
d'inculturation de notre étude
exégético-théologique à l'heure où nos
églises locales sont encore en chantier. L'épisode de la
résurrection de Lazare peut aider les chrétiens Lobi à
vivre une pastorale des malades et une pastorale des funérailles sous la
lumière de la foi véritable318. Le Christ vient
répondre encore à l'appel de tous ses amis pour les
libérer des liens de la mort. Les chrétiens ont ce devoir de le
rendre encore présent sacramentellement dans les épreuves de
deuil de leurs familles et de se laisser enseigner par celui qui continue de se
révéler à eux comme la résurrection et la vie.
1 - Pour une pastorale renouvelée en faveur des
malades
Une critique objective de la pastorale actuelle des malades en
contexte chrétien lobi nous permettra de saisir l'urgence d'un renouveau
en la matière pour une évangélisation en profondeur.
1.1. Nécessité d'une pastorale soutenue en
faveur des malades chrétiens lobi
Notre expérience pastorale en milieu chrétien
lobi au Burkina Faso et nos enquêtes auprès des pasteurs du milieu
lobi en Côte d'Ivoire, nous ont permis de toucher du doigt la
réalité pastorale en ce qui concerne la plupart des
églises paroissiales où vivent les Lobi. En
318 Maladie et mort ont bien été des thèmes
majeurs abordés dans l'étude exégétique de Jn 11,
1-44 (cf. Supra, pp. 9-64) et dans notre étude socio-anthropologique
(cf. Supra, pp. 65-100). C'est dans ce sens que nous developperons dans ce
chapitre, surtout la pastorale des malades et des personnes
éprouvées par la mort.
matière de pastorale des malades, nous pouvons
constater un manque général d'organisation en la matière.
Il n'y a rien de systématique dans l'accompagnement des malades. Dans
l'une ou l'autre paroisse, une timide association dénommée
famille camillienne laïque commence à voir le jour avec pour
vocation le souci des malades. Mais cela demeure embryonnaire. Certes,
plusieurs C.C.B. ou C.E.B. 319 ont le souci de visiter les malades
de leurs communautés. Mais les pasteurs n'ont plus beaucoup de temps
pour accompagner ces chrétiens dans cette pastorale des malades. Des
hôpitaux et des centres de santé sont sans aumônier
désigné. Des malades attendent vainement la visite de l'homme de
Dieu320. Et cela est une situation pastorale qui nous interpelle
chaque jour. Des chrétiens sont découragés parce que leurs
pasteurs n'ont plus le temps de porter la sainte communion aux malades, en
famille ou au dispensaire. On voit rarement des chrétiens s'organiser
pour se rendre au chevet d'un malade pour prier pour lui. Des chrétiens
lobi malades qui ont recouvré leur santé ont quitté
l'Eglise, parce qu'ils se disent avoir été abandonnés au
milieu de leurs épreuves de santé. C'est pour cela qu'il est
urgent de mettre sur pied une véritable pastorale des malades qui puisse
rendre concrète la sollicitude du Christ pour les personnes malades.
1.2. Proposition de pastorale renouvelée envers
les malades
Les malades chrétiens ont besoin d'expérimenter
vraiment l'amitié de Jésus qui accourt vers eux à leur
appel. Ils ne peuvent qu'être découragés tout comme Marthe
et Marie, quand il doit toujours venir tardivement. Notre proposition
concrète est d'organiser un mécanisme ecclésial afin que
les malades ne soient pas touj ours ignorés dans notre pastorale
chrétienne. Ils ont besoin de visite et d'accompagnement spirituel ou
matériel.
Bien souvent, les chrétiens ne signalent aux pasteurs
leurs malades que tardivement, souvent lorsqu'ils sont dans le coma ou en
situation critique. Ils ont ainsi développé cette
mentalité, à propos du sacrement des malades ou de la visite du
prêtre, comme ultime recours en cas de maladie. Il nous faut corriger une
telle mentalité dans nos communautés ecclésiales.
319 C.C.B. : Communauté Chrétienne de Base
(Burkina-Faso) ; C.E.B. : Communauté Ecclésiale de Base
(Côte d'Ivoire). C.C.B. et C.E.B. désignent donc la même
réalité ecclésiale. Il s'agit de communauté
chrétienne, à taille humaine, formée pour mieux permettre
la vie de la communion et de l'unité entre les membres. L'exhortation
post-synodale EIA n°89 dit en effet « L'Eglise-famille ne pourra
donner sa pleine mesure d'Eglise que si elle se ramifie en communautés
suffisamment petites pour permettre des relations humaines étroites
». L'Encyclique du pape JEAN-PAUL II, Redemptoris Missio,
Cité du Vatican, Liberia Editrice Vaticana, 1990, n°5 1
précise que « la communauté ecclésiale de base est
constituée d'un groupe de chrétiens qui se réunit pour la
prière, la lecture de l'Ecriture, la catéchèse, ainsi que
le partage des problèmes humains et ecclésiaux, en vue d'un
engagement commun (...). Décentralisant la communauté paroissiale
à laquelle elle reste unie, elle est ferment de vie chrétienne,
construisant une nouvelle société fondée sur la
civilisation de l'amour, et engageant ses membres pour la transformation de la
société ».
320 Le synode du DIOCESE DE DIEBOUGOU, op. cit., p. 63,
attire l'attention des agents pastoraux dans ce sens d'ailleurs !
Depuis Vatican II, nous avons dépassé la
conception du sacrement pour les malades comme extrême-onction ou simple
viatique321. Le sacrement des malades doit être vécu
comme un sacrement de la vie et non comme un sacrement de la mort. Pour ce
faire, nous encourageons dans chaque C.C.B. ou C.E.B. la mise en place d'un
responsable et même d'une cellule de prière pour les malades.
Comme le dit Pierre Jounel, il est souhaitable que dans chaque paroisse «
il y ait un service des malades et des personnes âgées,
chargé de coordonner les initiatives individuelles. Le rôle des
femmes y est capital »322. Nous
suggérons que chaque C.C.B. organise ce ministère, afin que ce
service soit efficace et proche de tous les chrétiens si possible.
De plus, nous ne pouvons qu'encourager la formation des
associations et mouvements dont la vocation serait spécifiquement la
visite et le soin des malades. Ces associations peuvent se mettre sous le
patronage de divers saints de l'Eglise qui se sont illustrés dans cette
pastorale envers les malades et les personnes souffrantes. Nous pensons aux
associations camilliennes ou de Saint Vincent de Paul encore balbutiantes dans
les paroisses lobi du Burkina Faso. Les comités paroissiaux de lutte
contre le SIDA émergent de plus en plus et s'orientent vers la prise en
charge et l'accompagnement de tous les malades sans distinction, afin de ne pas
contribuer à stigmatiser les malades atteints de SIDA pour qui ils
manifestent une grande attention. Tout en encourageant cette pastorale, nous
sommes cependant inquiet du fait qu'on parle plus dans ces comités de
prévention et de dépistage du SIDA, au lieu d'une réelle
sollicitude concrète pour les nombreux malades, déjà
victimes de la pandémie. Il nous faut être plus pragmatique que
théorique en la matière323. Nous proposons surtout
qu'une véritable spiritualité anime ces comités de lutt e
contre le SIDA. On peut cultiver en leurs membres l'attention au Christ
présent dans le malade, puisque nous serons jugés au dernier jour
pour avoir visité ou non les malades auxquels le Christ s'identifie (Mt
25, 36.43). Mais surtout, il nous faut aider tous les malades de nos
communautés à bénéficier de la vie sacramentaire au
milieu de leurs épreuves.
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