2. Portée christologique de Jn 11, 1-44
A côté de plusieurs titres christologiques comme
le Christ, l'ami véritable pour le croyant confronté à la
réalité de la souffrance, Jésus le Fils de Dieu, le Messie
ou le Sauveur, nous avons dans notre texte la révélation du
Christ comme notre vie et notre résurrection121.
2.1. Jésus, l'ami véritable
Le thème de l'amitié traverse tout le
récit de la résurrection de Lazare. L'évangéliste
insiste dès le début du récit sur ce thème. Les
soeurs envoient dire à Jésus « celui que tu aimes
(ipLXEL~ g) est malade » (v.3). A côté du
thème de la fraternité très fortement marquée
aussi, l'amitié de Jésus avec Lazare et avec ses soeurs est
donnée comme paradigme de la relation du croyant avec le Christ.
Jésus aime chacun de ses fidèles comme il aimait Lazare, Marthe
et Marie (v.5). La réciprocité des sentiments est aussi
avérée. Marie est celle qui versa du parfum sur le Seigneur et
lui essuya les pieds avec ses cheveux (v.2). Au-delà de la connotation
que Jésus lui-même donne à ce geste, il faut y voir un
signe de profonde amitié sinon un amour sublimé. Alain Marchadour
l'interprète également dans ce sens122. C'est encore
elle que nous voyons se jeter aux pieds de Jésus en pleurant (v.32) ce
qui ne manqua pas d'émouvoir le Maître (v.35). Et aux
réactions de Jésus devant cette souffrance morale de ses amis,
les témoins juifs ne manquèrent pas de remarquer : « voyez
comme il l'aimait ! » (v.36). Le thème de l'amitié chez
Saint Jean est d'ailleurs récurrent123. Il suffit de penser
au disciple que Jésus aimait (Jn 13, 23), à l'ami de
l'époux qui se tient à ses côtés (Jn 3, 29) et au
discours d'adieu affectueux que Jésus adressa à ceux qu'il
appelle désormais ses amis (Jn 15, 14).
Dans le contexte de la résurrection de Lazare,
Jésus est non seulement l'ami véritable de toute la famille de
Lazare, mais aussi l'ami du malade, de l'éprouvé, de celui qui
est sur le point de mourir : « Seigneur, ton ami est malade » (Jn
11,3). Jésus l'ami se révèle ainsi pleinement Homme et
proche des hommes.
2.2. L'homme Jésus dans le
récit
Le récit de Lazare est également de ceux qui
expriment le mieux la pleine humanité du Fils du Dieu vivant. En effet,
l'évangéliste se plaît à souligner à divers
moments les
(P. POUCOUTA, op. cit., p. 168). Mais il est certain que
symbole et histoire sont liés chez St Jean. Une histoire vraie
peut-être plus simple a dû servir de support littéraire
à la théologie johannique.
121 Cf. X. LEON-DUFOUR, op. cit., pp. 403-437.
122 Cf. A. MARCHADOUR, op. cit., note 26 de la page
125.
123 Cf. M. QUESNEL et P. GRUSON (sous la dir.), La Bible et
sa culture. Jésus et le Nouveau Testament, Paris, Desclée de
Brouwer, 2000, pp. 421-423.
sentiments de Jésus. Il insiste sur son affection pour
Lazare et ses deux soeurs (v.5). Son trouble et ses pleurs montrent de
manière particulière son humanité. Il se laisse
émouvoir par les pleurs de ses amis. En communiant à la peine de
ses amis, il verse des larmes. Il sait compatir à la souffrance des
hommes. Il se trouble devant la mort de Lazare qui est en fait une
préfiguration de sa propre mort (cf. Jn 12,27).
Il partage ainsi la fragilité humaine,
particulièrement face à la douleur, face à la mort (vv.
33-35). Jésus pleure avec ceux qui pleurent. Il verse des larmes
sincères pour manifester son amitié avec celui qui gît dans
la mort124. Sa mort lui cause réellement de la peine. Mais,
éclairée par la parole d'espérance dite à Marthe
(vv. 25-26) et celle qui va sortir Lazare du tombeau (vv.43-44), la douleur de
Jésus face à la mort cesse d'être accablement pour devenir
un lieu d'espérance et de vie125.
De plus, comme homme, Jésus est le *-ctj3j3i, le
maître, le ôiôct~cmctXog, l'enseignant dont la parole a
autorité. Cette parole incarnée a toute la puissance divine car
elle vient de Dieu.
2.3. Jésus le Seigneur, le Messie, le Fils de
Dieu
Plusieurs fois dans notre texte, Jésus est
désigné comme K~~piog, Seigneur (v. 3.12.21.27.32.34.39). Ce
titre christologique, tout comme le o" xpL~t c o" uL"èc toi eEoc o"
EL'c
pxóItETIoc du v.27, ne peut être qu'une confession
de foi pascale. Marthe
~
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oItoTI E'
confesse la messianité de Jésus qui
dépasse toute l'attente juive du fait du lien avec le Père
explicitement souligné. Elle récapitule la conception juive du
Messie et la compréhension chrétienne du Fils de Dieu. Elle voit
en Jésus l'irruption eschatologique de Dieu dans l'histoire des
hommes126.
Ces titres christologiques sont au service d'une eschatologie
chrétienne puisqu'ils sont attribués à celui qui vient
d'au-delà de ce monde127. Le Christ auquel les soeurs adresse
leur prière de demande à peine clarifiée en faveur de leur
frère malade, dès le début du récit
déjà, est le Seigneur, l'Oint de Dieu, cet Envoyé de Dieu,
le Fils de Dieu, Celui qui doit venir pour le salut de l'homme en
difficulté. Ce Christ vient pour manifester la ôo~ct de
Dieu, cette gloire qui est évoquée dans la prière de
Jésus (v.41-42). Et Dieu exauce la prière de son Christ afin que
le monde croie qu'il a été envoyé (v.42). C'est la
révélation principale de l'évangéliste Jean qui
centre son oeuvre sur la personne même du Christ, l'envoyé et
l'exégète
124 Cf. F. LIBERMANN, Commentaire de Saint Jean, Paris,
Nouvelle Cité, 1990, pp. 665-673.
125 Cf. P. POUCOUTA, op. cit., p. 169.
126 Cf. M. GOURGUES, op. cit., p. 120.
127 Cf. Idem.
du Père (cf. Jn 1, 1-18)128. Et le signe que
Jésus opère nous montre bien qu'il vient de la sphère
divine, qu'il est le sauveur, le libérateur de l'homme plongé
dans les liens de la mort.
Jésus manifeste bien sa divinité par la
prescience dont il fait montre dès le début du récit.
C'est lui-même qui annonce la mort de Lazare. Le thème de la
gloire de Dieu évoqué au début (v. 4) et à la fin
du récit (v. 40) manifeste sa souveraineté. Le miracle qu'il
accomplit avec autorité montre qu'il est l'envoyé de Dieu (vv.
27.42). Mais c'est en développant le thème de la foi que
l'évangéliste révèle le caractère divin de
Jésus. Le *Eyth EL'LL de révélation
est à comprendre dans ce sens. Jésus se révèle
comme celui qui donne la vie, mieux celui qui redonne vie à ce qui est
mort. C'est lui la résurrection et la vie, qui ne peuvent être que
des dons spécifiquement divins129. En cela, Jésus se
révèle comme l'égal du Père qui ne lui refuse rien
(v. 41). Mais par son humilité et sa prière toute orientée
vers Dieu le transcendant, Jésus se présente comme modèle
à imiter. C'est à sa suite que le disciple voit la gloire de Dieu
qui est vie pour son peuple.
2.4. Jésus, notre Vie
Le signe de la résurrection de Lazare
révèle surtout Jésus comme notre vie au-delà de la
mort, celui qui ouvre nos tombeaux. Si le vocabulaire de la vie est dans le
quatrième évangile aussi important que celui du royaume ou du
règne de Dieu dans les synoptiques, c'est le signe de la
résurrection de Lazare qui le montre le mieux130.
Jésus lui-même se révèle explicitement comme la vie
: ``Qui croit en moi, même s 'il meurt, vivra; et quiconque
vit et croit en moi ne mourra jamais'' (v. 26). On peut remarquer ici que
dans la sentence, foi et vie sont étroitement reliées et elles
prennent sens l'une par l'autre. La foi en Jésus y est
présentée comme une adhésion qui triomphe de la mort de
façon définitive, malgré les apparences. Les verbes mourir
et vivre sont ambivalents et leur signification dépend du contexte et de
l'instance du discours. La reconnaissance de Jésus et l'adhésion
à son programme et, par delà, à son être même
font passer des apparences (la mort physique) à la réalité
(la vie de croyant).
Mais mort et vie dans leur sens biologique ne sont pas
niées dans ce contexte. La mort est même incontournable, y compris
pour ceux qui sont aimés de Jésus131. Marthe et Marie
l'expriment d'ailleurs à leur façon : « si tu avais
été là, mon frère ne serait pas mort »
(v.21.32). C 'est ce que soulignent les Juifs lorsqu'ils mettent en
parallèle l'amour de Jésus
pour Lazare et son impuissance à l'arracher à la
mort ; enfin c'est ce que traduit la propre détresse de Jésus en
présence de la mort de son ami et du deuil de Marthe et Marie et de
leurs amis. Cette mort physique n'est pas effacée par le discours de
révélation. Elle garde sa puissance et Jésus
lui-même doit subir sa loi : quand Lazare, son ami, tombe malade,
Jésus est infiniment loin et, malgré son amour, il arrive trop
tard, la mort est déjà consommée. Mais audelà de
cette signification première, il y a la révélation
décisive de Jésus sur la vraie vie. Malgré la mort
physique (comme celle qui se manifeste en Lazare), le croyant en Jésus
vivra car sa foi en lui constitue un antidote contre la mort. Ici se
dévoile l'énigme fondamentale de l'homme mortel
éclairée par la révélation du Prince de la
vie132. Jésus est ce révélateur de la vraie vie
qui est aussi résurrection pour ceux qui croient en lui.
2.5. Jésus, notre
résurrection
Jésus ressuscite Lazare. Il donne la vie après
la mort. Si Jésus peut nous sortir de nos tombeaux, s'il peut nous
libérer de la mort, c'est qu'il est notre résurrection. La
réalité de la résurrection s'est imposée peu
à peu à l'expérience juive. La Bible a valorisé
pendant longtemps la vie terrestre qui est don de Dieu et lieu du
salut133. Dans la tradition juive ancienne, à la mort,
l'homme disparaît au shéol, dans les profondeurs de la terre. Il y
mène une vie réduite, incapable de penser, de vouloir, d'aimer et
de louer Dieu (cf. Is 38, 18-20). Certes la vision des ossements
desséchés d'Ezéchiel 37 ouvre une certaine perspective qui
a dû marquer la relecture maccabéenne qui a aboutit à la
foi en la résurrection chez les pharisiens du temps de
Jésus134. C'est de cette espérance traditionnelle que
témoigne Marthe dans le récit (v.24). Mais sa profession de foi
est surtout chrétienne et post-pascale. Jésus est le gage de
notre résurrection future. Et le quiproquo, le malentendu entre
Jésus et Marthe (v.23-26), servira à la révélation
de Jésus, non seulement le gage de notre résurrection à
venir, mais aussi présente. Le jeu des temps du texte va dans le
même sens. On passe du futur qui dit l'eschatologie à venir
(vv.23-24) au présent qui renvoie à l'eschatologie
réalisée (vv.25-26).
Les versets 25-26 peuvent être
caractérisés comme « un condensé de la
christologie et de la sotériologie johanniques, et Marthe devient ici,
elle qui est une femme, la figure exemplaire du disciple, dont la foi est
acquiescement au témoignage global de cet évangile
»135. L'évangéliste exprime ainsi
la tension entre le futur et le présent. La formule
solennelle du *Eyth EL'LL
présente le Christ comme la résurrection et la vie dès
aujourd'hui. Le croyant participe dès à présent à
la vie éternelle de Dieu. Le dernier jour est déjà
là. En ce sens, le chrétien est déjà
ressuscité puisqu'il est habité par le Christ qui est la
résurrection et la vie. En ce sens, la résurrection de Lazare
annonce déjà celle du Christ136. Mais il existe des
différences entre les deux, comme le suggère d'ailleurs certains
détails symboliques. Lazare sort du tombeau pieds et mains liés.
Il est encore retenu dans les liens de la mort. Lazare reste au tombeau
jusqu'au quatrième jour, ce qui selon la tradition juive est preuve de
décomposition du cadavre, sans espoir de retour à la vie. Le
corps de Jésus lui ne connaîtra pas la corruption. Il sort du
tombeau le troisième jour. Lazare revivifié retourne à la
vie terrestre pour mourir de nouveau un jour. Jésus, lui, est
ressuscité une fois pour toutes. Il est définitivement vainqueur
de la mort. Avec lui, la résurrection n'est pas simple retour à
la vie terrestre, mais vie pleine et définitive. C'est en cela qu'il est
notre résurrection véritable. Lui seul accomplit notre aspiration
à la pleine vie qui transcende la réalité concrète
de la mort.
3. Portée sotériologique et
dogmatique du texte
Le thème de la foi est sans conteste le thème
dominant de l'épisode de la résurrection de Lazare. C'est le
coeur du message théologique que voudrait faire passer
l'évangéliste. On a souvent mis cette perspective en
parallèle avec la finale même de l'évangile en Jn 20,
30-31. Le miracle a été opéré pour que nous
croyions que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu et qu'en croyant nous
obtenions la vie en lui. Le salut est sous-entendu dans le don de la vie.
3.1. La foi comme reconnaissance de
Jésus
Les récits de Jn 4,1-42 et de Jn 9,1-41 faisaient cas
de cheminements vers la foi. La samaritaine comme l'aveugle-né
cheminaient à partir de rien, en ce sens qu'ils ne connaissaient pas
Jésus auparavant, vers l'adhésion entière à celui
qui se révélait à eux. Cette perspective n'est pas
totalement absente de notre récit de Jn 11, 1-44. Mais
l'expérience que le récit met au premier plan est celle du
cheminement, non pas tant vers la foi, mais surtout dans la foi. C'est
« le passage d'une reconnaissance partielle à une
reconnaissance plus approfondie de Jésus137
». Les disciples de Jésus, en effet, tout comme les deux
soeurs, progressent sur la base d'une reconnaissance déjà
effectuée : « Je me réjouis, dit Jésus à ses
disciples, de n'avoir pas été là, afin que vous
croyiez » (Jn 11,15). Dès le premier signe opéré
par Jésus à Cana en Jn 2,11, « il manifesta sa gloire et ses
disciples crurent en lui ». Le signe
de Béthanie les amènera donc à
intégrer ou à approfondir une donnée qui manque à
leur foi : Jésus est aussi maître de la mort et de la
vie138.
Les deux soeurs feront la même expérience que les
disciples car elles sont aussi des disciples du Christ. En effet, le message
qu'elles font porter à Jésus, la façon dont ensuite elles
l'abordent et surtout le dialogue de Marthe avec lui, témoignent, non
seulement d'une relation d'amitié, mais d'une confiance qui a
déjà le visage de la foi. Marthe affirme dès le
départ sa connaissance de Jésus « Mais maintenant encore
je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te
l'accordera » (Jn 11,22). Elle évolue dans son dialogue avec
Jésus dans le sens de la connaissance des mystères de Dieu «
Je sais, dit Marthe, qu'il ressuscitera à la
résurrection, au dernier jour » (Jn 11, 24). Et à la
révélation de Jésus qui l'interpelle expressement sur sa
foi personnelle (crois-tu cela ? v. 26), Marthe professe : Oui Seigneur, je
crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde
» (Jn 11,27). « On a ici une formulation parfaite de la foi au
Christ, l'une des plus riches que contienne le quatrième
évangile. Cette formulation, avons-nous vu, s 'identifie
déjà à celle des croyants d'après Pâques (Jn
20,31)139 ». C'est un article de foi ou le dogme
de la communauté postpascale qui transparaît ici. Marthe a
visiblement évolué de la connaissance première personnelle
en passant par la connaissance traditionnelle sur la résurrection des
morts à la reconnaissance de Jésus comme le Christ et le Fils de
Dieu celui par qui l'au-delà est déjà là.
Néanmoins la suite de ce récit manifeste que Marthe n'est pas
encore parvenue à la pleine perception du sens de ce qu'elle proclame.
Si l'on veut, sa foi possède un « contenu dogmatique » juste,
dans lequel les croyants de tous les temps continuent de se reconnaître.
Nous avons remarqué l'emploie du parfait E~y~~ 1TE1T~~OtEUKX
littéralement « j 'ai cru et je continue de croire », à
perspective dogmatique140. Mais son attitude devant le tombeau, sa
résistance à son ouverture (Jn 11,39), montre que sa foi est
toujours en devenir. Le signe de Béthanie l'amènera elle aussi
à franchir un seuil décisif. Marthe représente chaque
chrétien en cheminement de foi. On comprend pourquoi l'Eglise catholique
fait méditer ce récit de Lazare dans le cadre du cheminement des
candidats au baptême141. La foi véritable fait
évoluer de la connaissance à la reconnaissance (cf. Jn 4, 1-42).
Mais cette foi est aussi conquête sur le scepticisme raisonnable.
3.2. La foi comme conquête sur le scepticisme
raisonnable
Le récit de Lazare s'attarde à souligner chez
les témoins, tant chez les deux soeurs que chez les Juifs qui ne
connaissent pas encore Jésus, la conscience du caractère
pénible et irrévocable de la mort142.
La mort venue, il n'y a plus rien à faire, pensent les
deux soeurs et les Juifs ; Jésus aurait peut-être pu faire quelque
chose avant, mais maintenant il est trop tard (cf. Jn 11,21.32.37). Pour
Marthe, la mort s'impose carrément comme un mur inexpugnable. Elle
s'oppose à l'ouverture du tombeau (v. 39). Et face à ce seuil
infranchissable, face à cette mort qui vient briser les relations les
plus chères, que reste-t-il comme attitude humaine « naturelle
», sinon celle de pleurer ? C'est ce que font les Juifs qui ne connaissent
pas encore Jésus et les croyants eux-mêmes n'y échappent
pas (v. 33). Et plus frappant encore, Jésus luimême va pleurer (v.
35) alors même qu'il a proclamé que « cette maladie n'est pas
pour la mort » (v. 4).
Comme nous l'avons vu, le récit de Lazare ne nie pas la
terrible réalité de la mort. Jésus éprouve des
sentiments humains de lutte, de crainte, d'indignation mais aussi de compassion
face à cette réalité de la mort. Alors, la foi en un
au-delà dans ce contexte apparaît pour les croyants comme une
véritable conquête sur le scepticisme raisonnable qui
ramène toujours à l'évidence de la mort humaine. Comme
pour dire avec Gabriel Marcel que « le croyant n 'est jamais tout
à fait croyant, et il est impossible qu 'il ne connaisse pas des heures
d'incertitude et d'angoisse, où il rejoint l 'incroyant, et inversement,
celui-ci peut être animé par une croyance qu 'il porte en lui, qui
le soutient, mais dont il est incapable de prendre pleinement conscience
143». Marthe est un paradigme du croyant
chrétien dans ce sens144. Elle vacille entre la foi et la
raison. Le combat pour la foi pleine n'est jamais gagné pour de bon.
Cette foi est toujours en cheminement et en découverte. Elle est
appelée à s'ouvrir toujours à l'inouï.
Conclusion au chapitre
Notre regard s'est porté dans ce chapitre sur le texte
actuel de Jn 11, 1-44 pour en étudier le vocabulaire, le style, les
formes verbales et autres artifices littéraires qui sont au service
d'une logique narrative que nous y avons découverte. Le récit se
prête bien à une
analyse narrative que nous avons menée à travers
le commentaire exégétique de notre texte. Les
éléments de rhétorique ou de sémiotique qui
étaient intéressants pour la compréhension de notre texte
ont été évoqués. Nous n'avons pas voulu à
dessein nous lancer dans l'élaboration d'un carré
sémiotique, l'analyse narrative nous ayant éclairé
suffisamment sur la compréhension du texte. Toutes ces méthodes
synchroniques nous aident à compléter notre maîtrise du
texte que les techniques historico-critiques avaient bien situé en
contexte. Les portées christologiques et théologiques qui se sont
dégagées de cette analyse exégétique nous ont
ramené à l'essentiel du message évangélique dans la
lecture de la péricope johannique étudiée : croire en
Jésus-Christ, maître de la mort et de la vie.
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