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Efficacité politique chez Machiavel

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par BASUNGA Nzinga Antoine
Université St. Pierre Canisius/Kimwenza (RDC) - MEMOIRE présenté en vue de l'obtention du grade de Bachelier en Philosophie 2006
  

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2. Le combat politique.

Aujourd'hui, il n'est pas du tout étonnant de parler du combat politique. En effet, certains auteurs évolutionnistes ont souligné clairement le caractère aussi belliqueux de la vie humaine dans sa dimension sociale. De même que les bêtes s'affrontent, poussées par je ne sais quels instincts, de même les hommes sont doublement dira-t-on en lutte. Ils se retrouvent dans une société où l'on doit non seulement vivre mais aussi s'assurer de toutes sécurités. L'on vit le tragique d'un combat doublement nourri et par la raison et les passions égoïstes qui n'aident pas souvent l'homme à s'émanciper pour aller de l'avant.

Une approche réaliste élucide bien la pertinence des rapports intersubjectifs que Machiavel souligne dans le combat politique. Il ne s'agit pas du tout d'adhérer au principe de « l'homme loup pour l'homme» comme l'a si bien affirmé Hobbes, ni de concevoir la politique, la vie en société comme une fourberie de bataille sans fin. La pointe n'est pas ici de dénigrer la politique mais de souligner quelques insuffisances ontologiquement liées à finitude humaine. Le combat politique rappelle sans complaisance que l'homme n'est pas seulement un être de raison. Il est non seulement calculateur mais aussi, à la merci de ses propres passions. L'homme est aussi bien capable de donner sens à sa vie que de pouvoir subir les caprices de la fortune. L'on n'est plus « maître dans sa propre maison ».

Toutefois, au-delà de tout ce qui échappe au contrôle humain, le combat politique prend sens dans la mesure où il est d'abord orienté vers la recherche d'une gestion efficace de la chose publique, des affaires d'Etat. Précisant sa pensée, Machiavel écrit : « il faut savoir qu'il y a deux manières de combattre, l'une par les lois, l'autre par la force » . Ainsi, l'on n'a pas de la peine à comprendre que si la raison en l'homme était constante, si l'homme avait la pleine maîtrise de sa raison, Machiavel s'arrêterait à concevoir tout simplement le combat politique comme la quête du « juste milieu » au moyen d'un dialogue raisonnable et rationnel.

Mais « le plus que l'homme » indique en même temps l'insuffisance de vouloir mener le combat politique uniquement par la première manière, c'est-à-dire au moyen des lois. Il faut donc recourir à son corrélatif qui est la force. Car « l'une sans l'autre n'est pas durable » . L'on comprend que la loi sans la force ne dure, mais alors, pourquoi la force sans la loi ne peut-elle durer ? Une question qui peut éclaircir davantage les véritables intuitions machiavéliennes. Intuitions, en fait, qu'on pourrait retrouver dans les premières motivations qui ont été à la source du secret du Prince : trouver un libérateur mieux, un rédempteur de l'Italie asservie de barbares.

Pour ce faire, le prince ne peut pas combattre uniquement au moyen des passions (de la bête). Un gouvernement qui s'appuie sur la fore peut bien mettre les peuples à dos et durer un temps, mais s'il ne s'appuie sur des lois que ceux-ci estimeront justes, il ne pourra durer indéfiniment. C'est justement ce qui se profile derrière cette pensée de Blaise Pascal : « La justice sans force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force ; et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste » . Il s'agit d'une pensée toujours à la recherche de l'équilibre. Elle converge bien avec l'intuition machiavélienne. L'on comprend mal que la fortuna (le hasard) nous porte éternellement en position de puissance si nous n'avons pas appris nous-mêmes, grâce à la virtù, à transformer notre puissance en « droit et l'obéissance en devoir ».

2. 1. Savoir bien user de la bête et de l'homme.

Nous entrons ici dans une des pages les plus sombres de la pensée de Machiavel. En effet, Machiavel est persuadé qu'un bon gouverneur doit: « savoir bien pratiquer la bête et l'homme » . Lorsqu'on pratique l'homme dans la gestion de l'Etat, cela renvoie à l'application des lois, à gouverner selon les prescriptions légales. Tandis que l'usage de la bête fait tantôt allusion à la force tantôt à la ruse. Autrement dit, la violence et la ruse sont utilisées comme des garde-fous pour un pouvoir encore égoïste. En réalité, Machiavel reprend ici de manière claire un précepte ancien de la mythologie grecque. En effet, en Grèce antique, comme dans la tradition philosophique, la politique était toujours sous la coupe de la morale. Ainsi, bon nombre de vérités ne pouvaient être révélées que sous forme mythique en raison de directives morales de leur époque.

Machiavel met à nu ce qui fut voilé autrefois : « Cette règle fut enseignée au prince en paroles voilées par les anciens auteurs qui écrivent comme Achille et plusieurs autres de ces grands seigneurs du temps passé furent donnés à élever au Centaure Chiron pour les instruire sous sa discipline » . L'intuition du meilleur usage de la bête se donne au regard de ces deux animaux : le lion et le renard. Il semble que l'homme politique doit beaucoup apprendre de ces deux bêtes. Si le lion peut de se défendre contre le loup, le renard, quant à lui, est capable de reconnaître les pièges qui lui sont tendus et qui peuvent faire de lui la proie de son ennemi. Si l'association du prince au lion, quelque peu traditionnelle, ne choque pas tellement (car communément le lion, appelé le roi de la forêt, symbolise la force, l'autorité) cependant, l'association du prince au renard reste moins convenue et symbolise la ruse, la tournure d'esprit qui est moralement ambiguë.

Si le prince bon doit de temps à l'autre se comporter comme un lion, cela ne va pas sans évoquer les situations tragiques qui susciteraient en lui un tel comportement d'exception. Car un prince doit être à mesure de se laisser aller selon que le vent de la fortune lui inspirerait la meilleure façon de se conserver en même temps que le patrimoine de l'Etat. La ruse est portée à sa forme extrême dans l'infidélité à la parole donnée, mais une infidélité toujours dissimulée. En cela, toute promesse faite ne tient qu'à consolider le projet entrepris : sauver et conserver l'Etat. « Le sage Seigneur ne peut garder sa foi si cette observance lui tourne à rebours, et que les causes qui l'ont induit à promettre soient éteintes » . La ruse peut permettre d'arriver à la « meilleure fin » mais s'il ne doit donc faire aucun doute pour le prince que la fin justifie le moyen, une telle vérité ne peut pas être divulguée sans fard (pour la bienveillance du paraître qui est une fois de plus, une exaltation de la ruse).

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