Justice transitionnelle au Burkina Faso, originalité ou pis-aller?( Télécharger le fichier original )par Lamoussa Windpingré Pascal ZOMBRE Université de Genève - Certificat en droits de l'homme 2006 |
§ 2 - De la loi du silenceLe contexte social durant ces quarante années, très souvent caractérisé par la terreur, n'a pas toujours été favorable à l'expression des droits et des libertés. En effet, le processus de réconciliation montre que les violations les droits de l'homme sont restées impunies. Des individus ont donc souffert en silence, physiquement, moralement et matériellement des manquements à leurs droits sans faire valoir celles-ci devant une autorité compétente. Il y a lieu de citer les expropriations arbitraires, la violence gratuite, les détentions secrètes accompagnées de séquestrations dans des lieux secrets ou non conventionnels. Il ressort du rapport du Collège des Sages que plusieurs personnes ont perdu la vie suites à ces pratiques. En outre, la Liberté d'opinion et d'expression, 24(*)dans ses composantes liberté de penser et liberté d'informer autrui, a beaucoup souffert, plus particulièrement sous les régimes d'exception, notamment les régimes révolutionnaires. Considéré comme l' « un des droits les plus précieux de l'homme »25(*), la liberté d'expression est un droit spécifique énoncée par l'article 11 de la déclaration de 1789, 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et 9 de Charte Africaine des Droit de l'Homme et des Peuples. Elle est « un droit hors commun : à la fois un droit en soi et un droit indispensable ou préjudiciable à la réalisation d'autres droits26(*), à la fois droit individuel, relevant de la liberté spirituelle de chacun, et droit collectif, ou plutôt conviviale, permettant de communiquer avec autrui.»27(*) L'une des conséquences directes de la violation de ce droit au Burkina Faso est l'enlèvement et l'emprisonnement des leaders d'opinion, voire de simples citoyens, la fermeture ou la destruction des organes de presse28(*). Toutes choses contraires aux textes nationaux29(*) et internationaux30(*) qui consacrent la liberté d'opinion et d'expression. La peur des représailles, les plaintes sans suite et les dysfonctionnements de l'appareil judiciaire ont constitué parmi tant autres, des raisons justificatrices de ce silence pendant ses quarante années. Section 2 : Le contenu de la rechercheLe contenu de la recherche sur les quarante années consiste à dresser un état exhaustif des crimes et autres violences politiques ; autrement dit recenser des crimes d'une part (§. 1) et d'autre part, le recensement les victimes et leurs ayants droit (§. 2). § 1 -Du recensement des crimesLe recensement initial du nombre total de dossiers de crimes impunis de 1960 à 2000, selon le rapport de la Commission pour la Réconciliation Nationale (CRN), donnait le tableau suivant :
Source : Rapport général sur la mise en oeuvre des recommandations de la CRN, Ouagadougou, mai 2001, p.16 Après un examen approfondi des différents crimes recensés par la CRN, le CMOR-CRN a retenu ce qui suit :
Source : Rapport général sur la mise en oeuvre des recommandations de la CRN, Ouagadougou, mai 2001, p.17 Les trois (03) dossiers de crimes économiques ont été abandonnés dès le départ car jugés inopportuns par la CRN elle-même. A - Les crimes ayant entraîné des préjudices divers Le comité s'est rendu compte, à la suite de l'examen des 182 dossiers individuels, 24 cas de double ou de triple dossiers (une même personne ayant un dossier dans 2, voire 3 catégories de crimes). Ainsi, le nombre de cas correspondant aux 182 dossiers est de 182 -24=158. A ce nombre, il faut imputer les cas non retenus. En effet, l'examen des 158 cas cités a permis au comité d'éliminer 23 cas pour lesquels, soit la CRN a recommandé leur rejet, soit le comité a estimé que les problèmes évoqués, quand ils sont réels, n'ont pratiquement rien à voir avec la question de la réconciliation nationale. En définitive donc, le nombre de dossier retenus par le comité pour l'analyse approfondie est de 135. Le récapitulatif des crimes ayant entraîné des préjudices moraux, physiques, matériels et financiers donne le tableau suivant :
Source : Rapport général sur la mise en oeuvre des recommandations de la CRN, Ouagadougou, mai 2001, p.20 B - Les crimes ayant entraîné des pertes en vies humaines L'examen des 104 dossiers individuels a permis d'identifier 02 cas de double emploi. Ainsi, les 102 cas restant ont été regroupés selon le tableau suivant :
Source : Rapport général sur la mise en oeuvre des recommandations de la CRN, Ouagadougou, mai 2001, p.20 * 24 V. art. 11 de la déclaration universelle des droits de l'homme et 09 de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples. * 25V. - Frédéric Sudre : Droit européen et international des droits de l'homme, 6e éd., collection droit fondamental, PUF, 2003, p. 416
* 26 La liberté d'expression et d'information est nécessaire à la liberté de réunion mais constitue une menace au droit au respect de la vie privée * 27 V. Ibidem, p. 416 * 28 Incendie en 1983 du seul journal indépendant qui existait, dénommé l'Observateur. Elle fut attribuée aux CDR * 29 V. art.08 constitution du Burkina Faso adopté par référendum du 02 juin 1991, p. 09 * 30 V. art. 18 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, guide de la protection internationale des droits de l'homme, Didier Rouget, éd. La pensée sauvage, p.295 |
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