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Justice transitionnelle au Burkina Faso, originalité ou pis-aller?

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par Lamoussa Windpingré Pascal ZOMBRE
Université de Genève - Certificat en droits de l'homme 2006
  

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Chapitre II : L'objet et le contenu de la recherche de la vérité

L'objet de la recherche porte sur quarante années d'histoire et son contenu, sur la vérité concernant ces années. Mais alors, de quelle histoire et de quelle vérité s'agit-il ?

Section 1 : L'objet de la recherche de la vérité

Les revendications des burkinabé se résument essentiellement à la soif de justice qui est une question fondamentale dans tout Etat de droit, démocratique et moderne. Cette question a toujours été récurrente dans tous les régimes qui se sont succédés au sein de l'Etat et surtout pendant les régimes d'exception qui, au regard de l'histoire détiennent la palme d'or en matière de violations des droits de l'homme. Si au cours de la quatrième République, la crise a été profonde, nul doute qu'elle est l'aboutissement de quarante années de violations continues des droits de l'homme (§. 1), période pendant laquelle le silence était le maître mot (§. 2).

§ 1 -Des violations continues des droits de l'homme

La question que l'on pourrait se poser légitimement est la suivante : pourquoi élargir les investigations sur des violations de quarante années, alors que les revendications sociopolitiques tendaient à les circonscrire à la période de règne du président COMPAORE qui s'étale du 15 octobre 1987 à nos jours ?

Les crimes de sang décriés de même que les mesures de toute nature contestées par le collectif dans sa plate-forme revendicative21(*) en sept points, relèvent de cette période. En outre, il ressort du rapport du Collège des Sages22(*), que le premier assassinat politique de l'histoire politique est intervenu en 1982 et la victime était le Lieutenant-colonel de gendarmerie NEZIEN Badembié Pièrre Claver.

De 1960, année d'accession à l'indépendance politique et à la souveraineté de l'ex Haute volta (aujourd'hui Burkina Faso) à nos jours, les analystes et observateurs de la scène politique burkinabé sont unanimes à reconnaître que la violence s'est souvent érigée en mode de gouvernement, sinon qu'elle constituait le mode de gouvernance de certains régimes. Si le régime du Président du Faso Blaise COMPAORE (Front populaire et quatrième république) est comptable de crimes importants et cela, eu égard à leur nombre et à leur célébrité, il n'en demeure pas moins que les autres régimes en ont commis. Cependant l'ambiguïté du choix de la période, objet de la recherche de vérité, réside en ce que, au Burkina Faso, les régimes qui se sont succédés de 1960 à nos jours sont des régimes hétérogènes, où les acteurs d'hier sont les opposants d'aujourd'hui, où chaque coup d'Etat en annonçait un autre où enfin, les acteurs civils de la vie politique avaient fréquemment recours aux forces armées nationales pour la conquête et l'exercice du pouvoir. Ainsi, l'histoire révèle que la première République du Président Maurice YAMEOGO (1960-1966), marquée par un fort ancrage à droite, a été remerciée par les populations qui se soulevèrent le 03 janvier 1966 et appelèrent l'armée au pouvoir.

Les régimes d'exception du Président Sangoulé LAMIZANA (de 1966 à 1970 et de 1974 à 1978) ainsi que la deuxième République (1970-1974) ont imprimé au pays une politique fluctuant entre la droite classique et le centre droit suivant les dosages que les circonstances du moment dictaient.

De 1980 à 1982, avec l'avènement du Comité Militaire de Redressement pour le Progrès National (CMRPN) du colonel Saye ZERBO, le Burkina Faso connaîtra un fléchissement gauchissant avec une forte poussée socialiste. Fait marquant de cette période, les clivages idéologiques jusque là contenus dans les milieux civils, gagneront les rangs de l'armée, exacerbant le conflit de génération entre les aînés et les jeunes officiers qui en découdront par les armes.

De 1982 à 1983, sous le Conseil du Salut du peuple (CSP) du commandant Jean Baptiste OUEDRAOGO, la Haute-Volta sera gouvernée par un mélange explosif de patriotes progressistes et de communistes révolutionnaires. Le clivage idéologique sera porté à son paroxysme et très vite la rhétorique révolutionnaire l'emportera, imposant de ce fait une lutte des classes sans précédent.

De 1983 à 1987, le Capitaine Thomas SANKARA et l'aile communiste du Conseil du Salut du Peuple imposeront une révolution sous la conduite du Conseil National de la Révolution (CNR). La Haute-Volta deviendra Burkina Faso. Ce régime cultivera une vision manichéenne de la société voltaïque puis burkinabé avec d'un côté, les bons et de l'autre, les mauvais publiquement déclarés ennemis du peuple ; les premiers devant absolument éliminer les seconds. La violence du discours et la culture de la terreur prendront leur fondement sous ce régime.

De 1987 à 1991, le Front populaire du capitaine Blaise COMPAORE tentera d'humaniser la révolution. Le Burkina Faso reviendra alors à un régime progressiste nationaliste, mais toujours avec sur toile de fond, la persistance de la terreur et de la violence.

Avec la chute du mur de Berlin, et la démocratisation imposée lors de la conférence de la Baule par François MITTERAND (1990), la 4ème République (depuis 1992) devient un régime de gauche libéral. Mais, on passe difficilement de la révolution à la démocratie sans à-coups de traumatisme. Le régime de la 4ème République va l'apprendre à ses dépens, obligé qu'il était de gouverner avec des acteurs aux idéaux politiques parfois divergents. La survivance des réflexes des Etats d'exception autorisera la persistance de la violence en politique ce, d'autant plus qu'il n'y avait quasiment pas d'opposition extraparlementaire. A cet effet, Maria José Falcon Y Tella disait à propos du droit à la désobéissance civile que : « Dans un système démocratique, il faut distinguer le principe d'égalité et le principe de la majorité avec le respect du pluralisme. Une des voies d'expression dudit pluralisme serait l'opposition extraparlementaire qui, par définition doit professer sa loyauté aux principes qui gouvernent le système politique. Dans le cas contraire, on parlera plutôt d'opposition anti-système. D'un point de vue utilitariste, la première approche est plus appropriée que la seconde. Il est en effet préférable d'intégrer les ennemis du système que de les maintenir à l'écart. Selon le degré d'intégration de ces derniers, il y a lieu de classer les gouvernements démocratiques en gouvernements minoritaires, gouvernements de coalition et gouvernements majoritaires. Ce sont ces derniers qui s'exposent le plus à l'exercice de la désobéissance civile. »23(*)

Au regard de ce bref aperçu historico politique, il est indéniable que la responsabilité de tous les acteurs de la scène politique nationale est ici engagée : le pouvoir, l'opposition et les organisations de la société civile plus ou moins inféodées aux partis politiques.

* 21 V. Rapport sur l'Etat des droits humains au Burkina Faso, période : 1996- 2002, MBDHP 2002, p. 31-33

* 22 Organe crée par décret n°99-158/PRES portant création, composition et missions du Collège des Sages, chargé d'oeuvrer à la réconciliation des coeurs et à la consolidation de la paix sociale.

* 23 Alfred Fernandez et Robert Trocmé : Vers une culture des droits de l'homme, Université d'été des droits de l'homme et du droit à l'éducation, éd. diversités Genève, p. 11.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci