Justice transitionnelle au Burkina Faso, originalité ou pis-aller?( Télécharger le fichier original )par Lamoussa Windpingré Pascal ZOMBRE Université de Genève - Certificat en droits de l'homme 2006 |
Chapitre II : les acteurs du pardonLa réalisation du pardon suppose la présence de deux parties que sont les auteurs et les victimes. C'est lorsque les auteurs de crimes (sect.1) et les victimes (sect.2) sont capables de se rencontrer, de se parler et de s'écouter, que naît un dialogue fécond et libérateur de toutes les angoisses et frustrations. Section 1 : Les auteurs de crimesAu Burkina Faso, la relecture de l'histoire tragique du pays, a permis de dresser une liste exhaustive des crimes et des violences qui ont émaillé ces quarante années. En outre, les travaux des différentes commissions qui se sont succédées ont également permis d'identifier et/ou de localiser les tombes. Cependant, les auteurs de ces atrocités n'ont pas été identifiés. Plusieurs raisons expliquent cela et parmi celles-ci, il y a le fait que certains auteurs sont membres du régime au pouvoir45(*). En tout état de cause, il ressort des rapports que l'armée est au premier banc des accusées et qu'elle est instrumentalisée par les acteurs politiques civils. § 1 - Les auteurs militairesLe Burkina Faso a expérimenté de 1960 à nos jours, quatre régimes républicains et six régimes d'exception sans oublier les tentatives de coup d'Etat vraies ou supposées, avec des putschistes sacrifiés, de façon expéditive, sur l'autel de la sûreté d'Etat. Ces coups d'Etat et leurs tentatives ont toujours endeuillé des familles. C'était généralement le camp des vaincus qui payaient la note de leurs vies ou par de violences inouïes de la part des vainqueurs. C'était également des situations de non droit où les contradictions politiques se terminaient dans un bain de sang. Les militaires étaient les acteurs de ces coups d'Etat au bilan humain très souvent macabre et lourd. Ils en étaient aussi les principales victimes. Outre ces coups d'Etat, des militaires ont été impliqués dans des cas de tortures ayant entraîné la mort des victimes. En tout état de cause, l'histoire du Burkina a montré que les militaires ont longtemps été des instruments au service des civils. § 2 - Les auteurs civilsLa prise du pouvoir de janvier 1966 par les militaires était le fait des populations civils qui ont réclamé l'armée au pouvoir. Certains auteurs46(*) pensent que cette prise de pouvoir qualifié de coup d'état l'a été à tort. La preuve est que ledit coup s'est passée sans effusion de sang. Après cet événement, la vie constitutionnelle du Burkina Faso a été émaillée d'autres coups d'Etat, cette fois-ci à l'initiative des militaires eux-mêmes. Selon le rapport de la commission pour la réconciliation nationale, les recours fréquents des acteurs civils de la vie politique aux forces armées nationales pour la conquête et l'exercice du pouvoir, sont à l'origine de crimes divers et ont fini par enraciner la culture de la violence et de l'intolérance dans les débats d'idées et les choix institutionnels. Ces acteurs civils étaient généralement des intellectuels, grands penseurs et idéologues en quête de pouvoir. Ils étaient très souvent les victimes à l'arrivée de nouveau régime venu mettre fin au leur. * 45 Le pouvoir n'a véritablement pas changé de main depuis le 15 octobre 1987, date d'arrivée au pouvoir du front populaire dirigé par le capitaine Blaise COMPAORE qui va créé avec ses amis L'ODP/MT qui deviendra le CDP. * 46 Lire « voyage de la haute Volta au Burkina Faso » Edouard OUEDRAOGO, Ed. paalga, Ouagadougou, 1995 |
|