CHAPITRE IV : ANALYSE DES RESULTATS DE L'ENQUETE
Nous nous proposons dans ce chapitre, de procéder
à une identification des textes et outils utilisés dans la GRH au
ministère de l'éduction nationale. La préoccupation est de
jeter un regard critique sur ces différents éléments,
surtout en axant la préoccupation sur les possibilités
d'amélioration de l'arsenal. Nous nous efforcerons aussi de
dégager les attitudes des enseignants par rapport à la perception
des postes de travail, l'appréciation de la GRH et les démarches
utilisées dans les processus de la GRH. L'objectif est de cerner ces
attitudes afin d'envisager leur prise en compte dans la perspective de
l'amélioration de la qualité du service.
IV.1- Appréciations des textes et outils par les
gestionnaires
Muni du Questionnaire Responsable de gestion des
ressources humaines, nous avons eu des entretiens avec les responsables
suivants :
- dux sous directeurs de la Direction des Ressources
Humaines19 ; - le Directeur de l'enseignement secondaire
général 20 ;
- un Inspecteur Général de pédagogie
- deux Délégués provinciaux de
l'éducation nationale21 ;
- huit Inspecteurs provinciaux de pédagogie (IPP)
19 Sous Directeur du développement des ressources humaines
et Sous directeur du Personnel
20 Directeur de l'Enseignement secondaire
général
21 Délégués Provinciaux et Inspecteurs
coordonnateurs
Il ressort de ces entretiens des informations et commentaires
par rapport aux textes qui réglementent la gestion des ressources
humaines et les outils utilisés à cet effet.
Ces entretiens montrent que tous n'ont pas globalement la
même perception de la GRH, en dépit de la référence
aux mêmes textes réglementaires. La délimitation de leur
rôle respectif n'est pas non plus une certitude : certaines zones
recouvrent des attributions partagées et discutées par les
responsables. Cependant, ils s'accordent sur un certain nombre de points du
système de gestion des ressources humaines.
Le personnel qui assiste ces responsables a certes des
connaissances quant à la réglementation de la GRH, mais qui ne
sont pas systématisées ; il s'agit des compétences
acquises « sur le tas ». Elles sont pour la plupart limitées
à la gestion de la carrière des enseignants. Quant à la
programmation des besoins et à l'utilisation d'une base de
données, les compétences sont presque inexistantes.
L'équipement informatique destiné à la GRH est
insuffisant.
Il s'en suit que plusieurs fichiers de personnel sont
créés dans les structures concernées par la GRH.
L'actualisation de ces fichiers se réalise par le biais d'enquêtes
annuelles organisées séparément par :
- la Direction des Ressources Humaines ;
- la Direction de l'enseignement secondaire général
(entremise des chefs d'établissements);
- l'Inspection générale de pédagogie
(entremise des Inspecteurs provinciaux de pédagogie).
Seulement, la lente exploitation de ces enquêtes ne
permet pas d'avoir
des données mises à jour dans les
différentes structures au moment opportun.
L'une des conséquences de cet état de choses est
la difficulté à assurer le suivi des enseignants en formation
(mis en stage, formation continue à l'ENS) ; cette difficulté est
davantage renforcée lorsque la source de financement de la formation
n'est pas le budget public.
Dans les délégations provinciales de
l'éducation nationale (DPEN) , il existe également un fichier des
personnels très instable, instabilité liée aux
décisions de la centrale. La demande de mutation des personnels
adressée à la centrale transite par la DPEN pour avis, sans que
cet avis soit délibératif au niveau de la commission ad hoc
créée au ministère. Dans la même logique, les
décisions de mutation amènent la DPEN à
réaménager son fichier de personnel. Elle peut aussi
procéder à un redéploiement des effectifs à
l'intérieur de la province pour corriger les
déséquilibres générés par les
mutations, mais aussi pour des raisons de discipline ou de
nécessité de service.
IV.1.1- Les textes réglementaires
Plusieurs textes réglementaires sont utilisés
dans la gestion des ressources humaines au Ministère de l'Education
Nationale ; certains sont propres au dit ministère alors que d'autres
sont globaux à la Fonction Publique. Il s'agit de:
- décret n°2004/066 du 31 mars 2004 portant
organisation du Ministère de l'éducation nationale ;
- décret n° 2001 /041 du 20 mars 2001 portant
organisation des établissements scolaires publics ;
- décret n°96/088 du 23 avril 1996 portant Statut
particulier des fonctionnaires des corps de l'éducation nationale ;
- décret n° 94/199 du 07 octobre 1994 portant Statut
général de la Fonction publique de l'Etat ;
- décret n° 2000/697/PM du 13 septembre 2000 fixant
le régime de formation permanente des fonctionnaires ;
- arrêté n°165/A/19/MINEDUC/CAB du 24
juillet 1979 portant réglementation générale des mutations
des personnels enseignants du MINEDUC ;
- Circulaire n°01/A/19/MINEDUC du 03 janvier 1989 portant
mutation des personnels féminins mariés en service à
l'Education nationale ;
- Circulaire n° 23/B1/1464/MEN/IGP/ESG/ETP/DESG/DETP du
05 mai 1993 relative à la procédure de mutation des personnels
enseignants ;
- Circulaire n° B1/1464/MINEDUC/SG/DESG/DRH du 02 juillet
2003 relative aux modalités de mutation des personnels.
Ces textes organisent les différents
événements et phases de la vie professionnelle dans la fonction
publique :
- le recrutement et l'intégration ;
- la gestion de la carrière ;
- la mobilité interne et externe ;
- la formation continue ;
- la gestion des postes.
De façon schématique, ces différents aspects
sont traités par différentes structures administratives tel que
l'indique ce tableau.
Aspects de la GRH
|
Structures administratives concernées
|
Bases de travail
|
Difficultés
|
Formation initiale
|
Ministère de l'ensei-
gnement supérieur
(Ecole Normale su- périeure)
|
Exigences académiques et administratives
|
Offre de formation limitée
|
Recrutement et intégration
|
Ministère de la Fonction Publique
|
- Conditions administratives et académiques
- Identification des besoins en enseignants
|
- Prévision des besoins réels
en enseignants - Longueur de la procédure
|
Gestion de la carrière
|
Ministère de l'Education nationale
|
Notes administratives
|
Absence d'une
évaluation par les résultats
Domaine réservé de l'administration
centrale
|
Mobilité interne et externe
|
Ministère de l'Education nationale
|
- Textes réglemen-
taires
- Pouvoir discré- tionnaire de la hiérarchie
|
Mise en application
des textes
Liste d'aptitude à
actualiser
Domaine réservé de l'administration
centrale
|
Formation continue
|
Ministère de l'Edu-
cation nationale,
Ministère de l'ensei-
gnement supérieur,
Ministère de la
|
Critères globaux in- diqués dans les textes
réglemen- taires
|
Mise en application des textes
|
|
Fonction Publique
|
|
|
Gestion des postes de travail
|
Ministère de
l'Education nationale
|
Pouvoir
discrétionnaire de la
hiérarchie
|
|
La formation professionnelle initiale des enseignants du
secondaire, préalable au recrutement, est assurée par une
institution, l'Ecole Normale Supérieure, qui n'est pas rattachée
au Ministère de l'éducation nationale. S'agissant notamment du
recrutement et de l'intégration, le Ministère de la Fonction
Publique conserve cette prérogative pour tous les corps de l'Etat.
Les autres événements sont assurés par le
Ministère de l'éducation nationale, soit en autonomie, soit en
liaison avec d'autres départements ministériels (Ministère
de l'enseignement supérieur, Ministère des finances). Les
conditions d'avancement dans le corps des enseignants du secondaire sont
clairement définies : évaluation favorable du personnel (notes
administratives) et ancienneté de service. Des droits spécifiques
sont aussi prévus pour le même corps : prime de technicité,
prime d'enseignement et prime d'évaluation. La promotion aux
responsabilités administratives ou pédagogiques est liée
au profil de carrière. L'admission à la retraite normale est
conditionnée par l'âge.
La mobilité interne (affectation et mutation) est
centralisée au niveau du Ministère ; les affectations concernent
les nouveaux enseignants alors que les mutations portent sur les enseignants
déjà en activité. Dans le cas des mutations, le
requérant dépose une demande auprès de son chef
d'établissement qui après avoir émis un avis, la transmet
à la Délégation départementale de
l'éducation nationale (DDEN). Cette structure est chargée de
rassembler les demandes au niveau local, d'émettre un avis et de les
faire parvenir à la structure provinciale, la
MINEDUC Commission ad hoc Décision
DPEN Avis et transmission au MINEDUC
Requérant
Publication de la décision
Chef d'établissement : Avis
DDEN
Avis et transmission à la DPEN
Délégation provinciale de l'éducation
nationale (DPEN), qui joue le même rôle à ce niveau avant la
transmission au ministère. Une commission ad hoc est créée
pour apprécier les demandes et faire des propositions au Ministre qui
décide. Les éléments officiels d'appréciation
permettent de classer les demandes de mutation en deux grandes
catégories : les mutations souhaitées et les mutations de
souveraineté (Emog, 2004). Les mutations souhaitées reposent sur
les raisons suivantes :
- convenance personnelle ;
- regroupement familial ;
- santé.
Les mutations de souveraineté comprennent : -
mutation pour nécessité de service ;
- mutation sanction ;
- mutation pour redéploiement.
Schéma de la démarche officielle de mutation
Tel que ce schéma le montre, la chaîne de
décision est longue et parsemée d'approbations
intermédiaires. Les éléments qui fondent les avis des
différents responsables intermédiaires ne sont pas connus ; ils
relèvent de l'appréciation personnelle du responsable. Par
ailleurs, la multiplicité des relais ne facilite pas la circulation de
la demande ; les risques de retard et de perte de la demande ne sont pas nuls.
En cas de demande de mutation non satisfaite, la possibilité de
requête est laissée aux enseignants bien que le système ne
réponde pas individuellement pour motiver les rejets.
Plusieurs structures traitent de la gestion des ressources
humaines, soit comme activité principale soit comme activité
périphérique : le Secrétariat général, la
Direction des Ressources humaines (DRH), la Direction de l'Enseignement
secondaire général (DESG) et les Inspections
générales de pédagogie (IGP).
Le Secrétariat général du
Ministère de l'Education nationale s'occupe entre autres missions, de la
formation permanente des personnels. La Direction des ressources humaines
s'intéresse aux questions :
- de formation et de recrutement en liaison avec le
Ministère de
l'enseignement supérieur, le Ministère de la
Fonction Publique et
les directions techniques;
- de Plan de formation des personnels ;
- de conception et de mise en oeuvre de la politique de gestion
des ressources humaines ;
- de gestion prévisionnelle des effectifs et des
compétences ; - de la mise à jour du fichier personnel ;
- de la gestion des carrières et postes de travail ;
- de la programmation des besoins.
La Direction de l'enseignement secondaire général
(DESG) est impliquée dans la GRH par :
- les études des besoins en personnel enseignant en
liaison avec la DRH, les IGP et les Délégations provinciales de
l'éducation nationale (DPEN) ;
- la tenue du fichier du personnel ;
- le suivi des mouvements des enseignants.
Les IGP sont chargées :
- du suivi de la formation continue en liaison avec la DRH ;
- de l'émission d'avis techniques sur la formation
initiale des enseignants et des cadres de supervision pédagogique.
Au regard de ce qui précède, il apparaît
que la GRH est centralisée à la DRH ; toutes les autres
structures interviennent seulement à titre complémentaire.
Cependant, l'existence de plusieurs fichiers du personnel constitue un
problème en ce sens que la concordance des informations sur le personnel
n'est pas garantie.
Une autre difficulté peut émerger de l'absence
de liaison fonctionnelle explicite entre la DRH et la structure chargée
de la collecte et traitement de données statistiques du ministère
(Division de la Planification et de l'orientation scolaire ou DPOS). Si la
formulation des besoins en personnel enseignant repose sur la demande
potentielle d'éducation, l'estimation de cette demande relève de
la DPOS.
Au niveau des établissements scolaires, la gestion des
enseignants repose sur deux éléments : le conseil
d'établissement et le Chef d'établissement22. Le
Conseil d'établissement est une structure qui assiste le Chef
d'établissement dans la réalisation des objectifs du
système éducatif. Chargé d'adopter le projet
d'établissement qui lui est soumis par l'équipe éducative,
ce Conseil a entre autres missions l'approbation des besoins de
l'établissement en personnel, le contrôle de la bonne utilisation
de ce personnel et la participation au recrutement des vacataires.
Le Chef d'établissement est principalement
chargé de la mise en oeuvre des décisions prises au niveau
ministériel, entre autres rendre compte du respect des décisions
de mutation et affectation par les enseignants. A cet effet, il délivre
des certificats de prise de service et des attestations de présence
effective au poste ; ces deux documents attestent de l'arrivée et de la
présence de l'enseignant dans l'établissement scolaire. Il a
également la charge, avec le concours du Censeur, d'attribuer des heures
d'enseignement aux enseignants en se référant à la
réglementation en vigueur. En outre, il contribue à la notation
de son personnel, note utilisée pour déclencher le processus
d'avancement d'échelon au niveau central.
Quant à l'identification des besoins, la
démarche en cours dans le contexte du Cameroun repose sur l'expression
des besoins contenus dans les rapports établis par les chefs
d'établissements et les Inspecteurs pédagogiques provinciaux. Ces
besoins sont exprimés en termes de professeurs manquants, sur la base du
nombre de classes
22 Décret n° 2001/041 du 19 février 2001
portant organisation des établissements scolaires publics et
attributions des responsables de l'administration scolaire
par année d'études de l'établissement
auquel correspond un volume horaire par discipline. Le volume horaire ainsi
établi est rapporté à l'effectif des enseignants
affectés dans l'établissement en fonction des disciplines. La
synthèse de ces différents rapports permet de dégager les
besoins en enseignants. Cependant, le souci d'optimiser l'utilisation des
enseignants afin d'améliorer l'efficacité de l'enseignement ne
transparaît pas dans cette démarche :
- la taille des classes n'est pas prise comme une variable de
décision ;
- la qualification des enseignants n'est pas une
préoccupation principale ;
- la sous- utilisation des enseignants est rarement
mentionnée.
Services centraux
DRH
Besoins
DESG
S D D RH
SDES
SG PE
S FS
Mise en place du personnel
DDEN
DPEN
Chef d'établissement
Démarche d'identification actuelle des besoins
Les structures impliquées dans cette démarche
sont situées aux niveaux central et déconcentré. Le
rapport du Chef d'établissement appelé Mise en place du
personnel est adressé à plusieurs structures :
- DDEN qui est la structure départementale,
- DPEN qui est la structure provinciale
- Services centraux.
La structure provinciale peut procéder à une
harmonisation du personnel sur la base des synthèses
réalisées par les structures départementales. Cette
harmonisation se réalise après les mutations et affectations
opérées par la structure centrale.
Au niveau central, la DESG23 par le biais de sa
Sous direction des études et statistiques (SDES) et du Service des
fichiers et des Statistiques (SFS) reçoit les rapports des chefs
d'établissements relatifs à l'état du personnel.
L'exploitation de ces rapports conduit à la production d'un document
global quant aux besoins des établissements. En collaboration avec la
DRH 24, notamment la Sous direction du développement des
ressources humaines (SDDRH) et le Service de la gestion prévisionnelle
des effectifs (SGPE) aussi bien, la DESG utilise ce document global pour
procéder à l'identification des besoins.
Il y a lieu de remarquer que certains
déséquilibres sont rendus possibles de façon indirecte par
le biais de la formation continue et du regroupement familial.
La formation continue s'organise autour de deux axes :
l'entrée/ le retour
au second cycle de l'Ecole Normale Supérieure et la mise
en stage. Le premier axe s'adresse aux enseignants de collège (PCEG)
qui
23 Direction de l'Enseignement Secondaire
général
24 Direction des ressources humaines
souhaiteraient changer de grade et passer enseignants de
lycée (PLEG). Le second axe concerne tous les enseignants du secondaire,
indépendamment du grade. Dans les deux cas, l'enseignant est
appelé à quitter ses classes sans que pour autant des
dispositions soient prises pour assurer son remplacement de façon
appropriée : respect de la qualification et du grade. Sa
libération est pourtant proposée à la sanction du Ministre
par la Direction des Ressources Humaines. Son départ correspond à
un poste libéré et non pourvu qui peut entraîner une
surcharge de travail pour les enseignants encore en poste dans le meilleur des
cas, ou des classes abandonnées en l'absence d'une solution de
rechange.
Le dispositif réglementaire prévoit la
possibilité de donner une suite favorable aux demandes de regroupement
familial. Dans ce cas, l'un des conjoints demande à être
muté auprès de l'autre ; l'élément clé de la
demande est le lieu d'activité du conjoint. Le changement
d'activité, la mobilité professionnelle du conjoint qui ne
dépendent pas du Ministère de l'éducation nationale sont
des facteurs déclencheurs de la demande , quel que soit le moment de
l'année scolaire. La réaction favorable du Ministère de
l'Education dans le souci de préserver l'unité de la cellule de
base de la société qu'est la famille, a pour corollaire l'abandon
d'un
poste de travail et éventuellement le sureffectif au
nouveau poste. Cette situation est assez fréquente dans les
localités urbaines où le personnel féminin exerce dans la
logique du regroupement familial. Il se crée dès lors des cas de
sous utilisation des personnels, de pléthore de compétences,
illustration du déséquilibre quantitatif et qualitatif dans
l'allocation des personnels.
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