Identité culturelle dans "Bleu Blanc Vert" de maissa bey( Télécharger le fichier original )par Souad et Amine Khaldoun Centre Universitaire Moulay Tahar - Saida - Licence en langue française 2007 |
1.3- Ecriture et révélation féminines :L'entretien est généralement un élément de l'épitexte25(*).Or dans l'Algérie Littérature/Action, il est inclus dans l'espace interne du volume. Il suit l'oeuvre inédite. Mené, bien sûr, par un membre de l'équipe éditorial26(*). Dans cet entretien, publié en 2006, Maissa Bey dit à propos de son livre : « Tous ces écrits, inspirés par des histoires réelles, très souvent des histoires de femme ou suscitées par des émotions qui traversaient ma vie, à un moment où à un autre, n'étaient en fait que le lieu, le seul, dans lequel je pouvais me retrouver, organiser ma vie, celles des autres aussi, de façon à la rendre supportable, une façon de canaliser dans un ordonnancement de phases éclatées ou structurées pour mieux m'en détacher...Etrange expérience que celle de sortir de l'enfermement par l'écriture et en même temps de s'enfermer par l'écriture »27(*) Littérature/Action : Comment définissez-vous l'écriture féminine? Quelles sont les marques, l'empreinte de celle-ci? Maissa Bey :Quand on vit dans une société bardée d'interdits qui oblige à faire des concessions aux uns, aux autres, à l'autre, l'écriture féminine est souvent perçue comme un acte délibéré de transgression, même si ce que l'on écrit n'est pas délibérément subversif. Cependant, je suis sûre qu'aujourd'hui, les femmes qui écrivent n'écrivent plus dans une perspective de confrontation ou de transgression. Nous n'en sommes plus là! Il y a d'abord, et essentiellement, l'acte créateur qui se fait au nom d'un désir qui est le même que celui de leurs homologues masculins: celui de prendre la parole, publiquement, et surtout d'assumer cette prise de parole comme un acte de liberté. Et de fait, on ne peut concevoir l'écriture que comme le souffle de la liberté, un dépassement de soi et de ses conditions d'existence. Mais ce n'est pas un objectif en soi. Je pense que pour bien des femmes, ce besoin est encore bien plus primordial. C'est par l'écriture qu'elles peuvent lever la chape du déni qui pèse sur l'individu mais plus encore sur les femmes en tant qu'être autonome, symboliquement séparé de son groupe. Ecrire permet d'arracher le droit d'être, simplement d'être. C'est dans ce sens et pour pasticher une formule célèbre qu'il m'est souvent arrivé de proférer cette sentence: « J'écris, donc je suis »! Littérature/Action : Dans votre dernier et superbe roman 'Bleu Blanc Vert', on retrouve des détails saisissants de la mémoire d'Alger, comme le passage des acteurs Anna Karina et Marcello Mastroianni dans cette ville. L'avez-vous vécu vous-même? Maissa Bey : Comment aurais-je pu raconter ces années sans les avoir vécues moi-même? J'ai voulu retracer le parcours de toute une génération qui a eu l'immense privilège (on l'oublie souvent !) de vivre des moments « historiques ». Depuis la fête de l'indépendance et l'euphorie qui a littéralement porté pendant plus d'une décennie tout un peuple trop longtemps asservi, jusqu'à ce que j'appelle la grande désillusion dont nous n'avons pas vraiment mesuré les points d'impact. Ce roman a été écrit en réponse à une question que nous nous sommes posé en 2002, lors de la célébration des quarante années d'indépendance. Cette question est la suivante: Qu'avons-nous fait de nos quarante ans? Et c'est dans ce « nous » que j'ai voulu inscrire l'histoire des deux personnages principaux. Je pense aussi que si vous vous y êtes reconnu, comme bon nombre de lecteurs, c'est que vous avez vous-même partagé ces moments et que vous avez eu l'impression d'entrer dans une histoire qui aurait pu être la vôtre. Littérature/Action : Dans ce roman, vous cassez les tabous aussi bien politiques, sociaux que sexuels, à travers une fresque du temps qui passe. Quelle est l'importance de la mémoire dans l'histoire d'un peuple pour vous? Maissa Bey : C'est peut-être une fresque, au sens pictural du terme, avec des tableaux en petites touches, un mélange de fiction et de souvenirs personnels. J'ai écrit ce livre avec le désir de revenir sur les chemins de mon enfance et plus loin encore. Revisiter le passé pour éclairer ou tenter d'éclairer le présent. Avec la difficulté inhérente à un tel projet et qui m'a accompagnée tout au long de l'écriture de mon texte: je devais prendre garde en rédigeant cette chronique de ne pas adopter la posture de celle qui sait. Qui sait ce qui va advenir, ce que les événements relatés portent en eux? Il m'a fallu évacuer toutes les tentations d'explication des faits pour en extraire seulement l'immédiateté et non la portée mortifère. Il s'agit donc d'un travail de remémoration au sens premier de restitution par la mémoire de faits passés. Quand à la mémoire collective, je pense qu'il faut s'en défier parce qu'il y a souvent occultation, plus ou moins consciente, plus ou moins instrumentalisée par l'histoire telle que revisitée par les commémorations qui prennent trop souvent le pas sur la remémoration justement. Littérature/Action : lorsque vous écrivez, partez-vous du réel? Ou bien, avez-vous une idée d'histoire à raconter qui vous mène ensuite vers une recherche sur le sujet? Maissa Bey : Souvent, très souvent, je ne choisis pas mon sujet. Il s'impose à moi. A partir d'une réflexion, d'un fait divers ou d'une histoire entendue au hasard d'une rencontre, d'une conversation. Il y a ensuite une période (parfois très longue) de maturation. Tout ce que je lis, tout ce que je vois, tout prend alors sens et alimente ce travail de maturation. Pour « Bleu Blanc Vert », c'est en centrant le récit sur un lieu unique, l'immeuble qui, à mon sens, est le personnage principal de cette chronique que j'ai réussi à revenir sur les traces de notre histoire. C'est dans cet immeuble situé à Alger, plus précisément au Ruisseau, et dans lequel j'ai passé les moments les plus importants de ma vie, enfance et adolescence, moments où l'on se construit et s'affirme que se déroule toute l'histoire. Bien entendu, il m'a fallu faire des recherches pour ne pas trahir le réel, du moins sur le plan de la chronologie des faits historiques évoqués.28(*) Effectivement, « Bleu blanc vert » suscite une réflexion littéraire. Notre objectif vise à déterminer cette écriture féminine et mettre en exergue la re-constitution de l'univers romanesque qui n'est que la représentation symbolique du réel. Ceci nous mènera, dans un deuxième chapitre, à analyser les différents personnages qui occupent le roman en commençant par leurs descriptions, leurs rôles et leurs relations combinatoires. * 25 Epitexte : tout élément para-textuel qui ne se trouve pas matériellement annexé au texte dans le même volume mais qui circule en quelque sorte à l'air libre, dans un espace physique et social virtuellement illimitté. G. Genette cité par Philipe Same. La périphérie du texte, Fac. Linguistique, Nathan université page18 * 26 Chaque interview est dûment authentifiée par les initiales Littérature/Action ou par la signature d'un membre de l'équipe éditorial * 27 http://www.fabula.org/actualites/article15442.php * 28 Dans la rubrique L'auteur répond aux questions d'Algérie Littérature / Action, Nov. 1996, Paris: Editions |
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