Identité culturelle dans "Bleu Blanc Vert" de maissa bey( Télécharger le fichier original )par Souad et Amine Khaldoun Centre Universitaire Moulay Tahar - Saida - Licence en langue française 2007 |
Entre l'été 1962 où les Français fuient dans la confusion, laissant leurs appartements vacants, et l'été 1992, où des Algériens fuient les violences islamistes, nous constatons que les personnages évoquent l'"accélération" de l'histoire. En effet, le roman s'achève en 1992, au début de la décennie tragique qui confirme cette désillusion. Il s'achève cependant sur une lueur d'espoir.« L'espoir appartient à la vie. C'est la vie même qui se défend. »84(*)Dans cette superposition temporelle entre le passé et le future, la narratrice raconte son histoire fictive tout en gardant les souvenirs de son enfance. « Plus que la question de la temporalité et les figures de l'oubli que l'on retrouve dans ces romans, c'est le statut de l'écriture et la manière dont, pour Blanchot, elle ouvre un espace dans lequel le temps se métamorphose, qui retiendra notre attention. En effet Blanchot réfléchit, aussi bien dans ses propres essais que dans ses analyses littéraires sur Kafka, Proust ou Mallarmé, sur la façon dont l'écriture oblige le temps à a prendre la forme de l'espace pour fabriquer un texte » 85(*) La narratrice, porte parole de l'écrivaine, raconte les événements de la première période coloniale et relate ceux qu'elle a vécus. Ces évènements historiques succèdent selon une chronologie évènementielle v Juillet 1830: Début de l'occupation colonial, p16. Après la prise d'Alger par l'Armée
française, en 1830, l'administration française commença
à réfléchir aux moyens de renforcer la présence
française et de lui donner une assise. Cela ne pouvait être
réalisé qu'à travers la main mise militairement et
civilement organisée sur une vaste échelle en vue de créer
une base territoriale et administrative et encourageant l'immigration de
colons pour asseoir la base démographique visant à appuyer la
force militaire et faciliter le processus de déstructuration
socio-économique et culturelle de la société
algérienne. Dans cette optique, les dirigeants français se mirent à rivaliser d'ardeur pour servir la politique de colonisation sans laquelle ils ne pouvaient pas se stabiliser en Algérie. Sous le régime militaire, la colonisation s'était distinguée de celle qui avait prévalu sous le régime civil par certaines caractéristiques et certaines spécificités liées à la nature de l'étape historique. v 1 Novembre 1954: Déclenchement de la lutte par l'armée de libération national. Dès mars 1954, neuf ans après le massacre de Sétif, est fondé le Comité révolutionnaire d'unité et d'action par les neufs « chefs historiques du FLN »86(*), du parti issue de l' OS, dont l'objectif est l'indépendance de l'Algérie par la lutte armée. À l'époque, les partisans de l'indépendance ne sont qu'un millier et ne possèdent que quelques cartouches de dynamite et 32 vieux fusils italiens. Le FLN diffuse une émission radiophonique invitant le peuple d'Algérie à s'associer dans une lutte nationale pour la « restauration de l'État algérien, souverain, démocratique et social, dans le cadre des principes de l'islam » et de mettre fin à une colonisation qui dura près d'un siècle et demi. v 20 Août 1956: Congrès de la Soummam p16. Les élections anticipées en France, donnent une majorité relative au Front républicain (gauche). Le nouveau président du Conseil, Guy Mollet est initialement partisan de l'indépendance, et même de l'indépendance rapide. Mais la journée, dite des tomates, et la difficulté d'obtenir une majorité parlementaire sur l'Algérie modifie sa position vers le triptyque « cessez-le-feu, élections, négociations ». La répression contre le FLN et l'attaque de ses soutiens extérieurs ( crise de Suez) continuent. v 19Mars 1962: Accord d'Evian pour le cessez le feu. p16. Le cessez-le-feu proclamé le 19 mars par le Président Charles de Gaulle, l'OAS se retranche dans son bastion de Bab El-Oued, quartier d'Alger et tente d'empêcher l'indépendance en multipliant les meurtres et les attentats, en interdisant aux Pieds-Noirs de déménager. « Alger » polarise définitivement entre quartiers européens et musulmans suite à ce déchaînement de violence. Le but inavoué est de pousser la masse musulmane excédée à s'en prendre aux européens afin de faire « basculer » l'armée. Le 23 mars, l'OAS tire sur des policiers et ouvre le feu sur des appelés du contingent, tuant sept d'entre eux. Le quartier de Bab-el-Oued est bloqué par l'armée. La bataille qui s'en suit donne lieu à une lutte franco-française entre commandos Delta et gardes mobiles. Bientôt l'aviation de l'aéronavale pilonne les bâtiments occupés par l'OAS, tandis que les chars de l'armée française prennent position dans le quartier en état de siège. Cependant des officiers favorables à l'Algérie française laissent les commandos Delta de l'OAS fuir le quartier. Les militaires procèdent ensuite à la fouille du quartier. Les mois de tension (attentats, meurtres de sympathisants) conduisent à quelques violences contre les civils. Le 3 juillet 1962, trois mois après les accords d'Evian, le Président de Gaulle annonce officiellement, par la voie d'un télégramme, la reconnaissance d'un nouvel État indépendant, la République algérienne.87(*) v 5 Juillet 1962: l'Indépendance, p16. Le 5 juillet 1962 était le 132e anniversaire de la prise d'Alger les Français ayant débarqué le 14 juin 1830 sur la plage de Sidi Ferruj à l'ouest de la ville. Avant le référendum sur l'indépendance, et les accords d'Evian, qui garantissent les droits et la sécurité des Européens sous l'exécutif provisoire, l' OAS opposée à l'indépendance avait menée un combat qui l'avait conduit à s'opposer aux forces de l'ordre françaises et au FLN jusqu'au milieu du mois de juin 196288(*). . Le 5 juillet 1962, la radio donne l'ordre aux habitants de reprendre le travail. Mais une énorme foule de manifestants célèbre l'indépendance. A la suite des accords d' Evian (18 mars 1962) qui reconnaissent l' indépendance de l'Algérie, Ahmed Ben Bella, chef du Front de libération nationale ( FLN), est élu par 159 voix contre 1, premier président du Conseil par la nouvelle Assemblée nationale algérienne. Il accédera à la présidence en 1963, mais sera renversé par le coup d'Etat de Houari Boumediene en 1965 et emprisonné jusqu'en 1980. v 1963: Ben Belle s'était crié face a l'invasion marocaine" Hagrouna" p208 Ben Bella s'était écrit face à l'invasion marocaine : Hagrouna ! Il avait profité de la faiblesse du peuple algérien pour les humilier. Et le peuple algérien tout entier, ressentant profondément l'humiliation, s'était dressé comme un seul homme. Quand l'humiliation se nourrit du spectacle quotidien des privilèges accordés aux uns et qu'elle est assortie de vexations quotidiennes infligées aux autres. « Hogra », ce mot honni, qui veut dire à la fois injustice et mépris, v 10 Octobre 1980: le tremblement de terre (El Asnam), p230. Après le tremblement de terre du 10 octobre 1980 qui a anéanti « El Asnam », des hommes et des femmes qui, sortis indemnes, racontaient que, contre toute attente, cette catastrophe avait eu des conséquences positives sur leur vie. Que cela leur avait permis de repartir à zéros et surtout de relativiser, de prendre du recul par rapport à ce qui leur semblait auparavant essentiel. Le récit crée des relations entre deux séries temporelles : le temps de l'histoire et le temps de la narration. Le moment de la narration, dans notre corpus d'analyse « Bleu Blanc Vert », est ultérieur, car la narratrice raconte des évènements qui ont eu lieu, ayant un recours aux souvenirs et à la mémoire collective.
« Nous aurons des enfants. Nous irons ensemble sous le soleil dans la merveilleuse certitude d'un été qui nous inonde de sa gloire »89(*) « Elle en discutait l'autre jour avec l'une de ses amies qui lui racontait justement qu'elle n'osait en parler avec personne, pas même à son mari, de peur d'être rejetée ou d'être considérée comme inapte »90(*). * 84 Maissa Bey, « Bleu Blanc Vert », p282. * 85 L'épreuve de temps chez Maurice Blanchot, par collection Eric Hoppenot. Edition complicité 2006, p15 * 86 Les chefs du FLN, appelés les « historiques », sont : Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Krim. Belkacem, Mostefa Ben Boulaïd, Larbi Ben M'Hidi, Rabah Bitat, Mohamed Boudiaf, Mourad Didouche et Mohamed Khider. * 87 Déclaration du général de Gaulle, JT20h, ORTF, 18 mars 1962 (INA) * 88 Benjamin Stora, Histoire de la guerre d'Algérie, éditions la Découverte.1954-1956, p70 * 89 Maissa Bey, « Bleu Blanc Vert », p 110. * 90 Ibid, p129. |
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