Identité culturelle dans "Bleu Blanc Vert" de maissa bey( Télécharger le fichier original )par Souad et Amine Khaldoun Centre Universitaire Moulay Tahar - Saida - Licence en langue française 2007 |
« Alger » est une ville de rencontres, de ruptures et de déchirements qui peu, à peu, « perd son âme" »75(*). Pourtant, les deux protagonistes Ali et Lilas y sont profondément attachés, ce qui permet une ample évocation, poétique et réaliste qui n'est qu'une déclaration d'amour à cette « faiseuse et défaiseuse de rêves" »76(*).« L'espace est la dimension du vécu, c'est l'appréhension des lieux où se déploie une expérience : il n'est pas copie d'un lieu référentiel mais jonction entre l'espace du monde et l'espace de l'imaginaire du narrateur » 77(*) La spatialité présente et décrit l'environnement romanesque, le cadre de chaque épisode de l'intrigue. L'action se déplace à l'intérieur de la ville d'Alger où on distingue deux types de lieux essentiels: « Le village »et « L'immeuble » La ville est-elle ici la métonymie de ressemblance de l'Algérie ?Alger est une ville de contrastes, où des conditions vécues se côtoient à chaque coin de la rue, selon Maissa Bey, car c'est là que bat le coeur du pays et tout ce qui s'y passe fait écho. D'un autre point de vue, on peut aussi considérer que l'immeuble, dans lequel habitent Lilas et Ali, est aussi un espace fondamental de cette histoire. b)-Le village, un point de repères :Ainsi, le village est un lieu nodal où débutent les événements, dont le professeur d'histoire insiste de ne plus utiliser le stylo rouge. « [...] à partir d'aujourd'hui, je ne veux plus voir personne souligner les mots ou les phrases avec un stylo rouge! Ni sur les cahiers, ni sur les copies »78(*). En effet, dans l'école du village, même les élèves ont participé à la guerre mais avec leurs propre façon : c'était la guerre des mots ; parce qu'ils ne résistent pas de chanter et de saluer tous les matins le drapeau français. « A l'école du village, on la chantait tous les matins. En saluant le drapeau français, bien sûr. Mais on avait, entre nous, changé quelques mots. Par exemple, au lieu de dire ». « Le jour de gloire est arrivé », nous, on disait « La soupe est prête, venez manger » "79(*)
c)-L'immeuble :L'immeuble se situe à Alger, précisément à la Rue Mohamed Belouizdad, Bâtiment A, composé de douze étages, de couleur blanche. Le dessous du balcon est bleu."Notre immeuble est peint en blanc, mais le dessous des balcons est bleu, bleu plus foncé que le ciel"80(*)
Juste avant l'indépendance, l'immeuble était pratiquement inoccupé, ce qui à créer un manque de mouvements de personne. « Dans notre immeuble, il reste encore quelques appartements inoccupés. Mais ils ont été entièrement vidés »81(*)
Après l'indépendance du pays, la population commença à occuper les lieux (les habitants diverse) et de là, l'ambiance a changé avec les nouveaux occupants, venons de partout (village, ville) avec des mentalités différentes et dégradantes, ce qui a causer des divergences comportementales.
"Il se passe presque tous les jours quelque chose dans notre immeuble, Je devrais dire presque toutes les heures. Il y a des disputes, des réconciliations publiques, des fêtes, des deuils, des emménagements et des déménagements. Un mouvement perpétuel"p41
" Il y a beaucoup de monde. Des fois, j'ai l'impression que notre immeuble, c'est comme un grand meuble une commode, avec plein de tiroir. Et dans chaque tiroir, il y a plein de vies"p41
Beaucoup d'histoires se passent dans l'immeuble, des histoires qui concernent les femmes, surtout le jour. On dirait un monde où il n'existe que des femmes, parce que les hommes ne sont jamais à la maison. Et quand ces femmes ne sortent pas, elles communiquent autrement. « Quand les hommes ne sont pas là, elles se retrouvent. Chez l'une ou chez l'autre. Et de cette façon, elles savent tout, tout ce qui se passe dans l'immeuble et dans le quartier »82(*) « Quand elles ne sortent pas de leur appartement, elles discutent de balcon à balcon. Des balcons qui donnent sur la cour antérieure »83(*)
La narratrice choisie une chronologie, au sens littéraire du mot. Cependant, si certains faits historiques sont rapportés, d'autres sont à peine évoqués car elle voulait voir comment les événements ont influencé la vie des personnages pour rendre compte une réalité quotidienne de plus en plus oppressante. Ce roman à deux voix (Ali et Lilas) qui permettent la traversée de trois décennies de l'histoire algérienne, ne comporte, curieusement, que très peu de dates. Quelques événements datés sont mentionnés : l'été 1962, le Festival panafricain de 1969. Mais la progression s'effectue surtout par la mention de l'âge des personnages. Par exemple, les allusions à la "révolution d'octobre" (p.262), qui s'agit des événements qui se sont déroulés à Alger et qui ont peu à peu embrasé la plupart des villes du pays. Tout a commencé le 5 octobre 1988. Les journalistes étrangers ont trouvé un raccourci pour le moins simpliste en désignant ces événements par "émeutes de la semoule", il s'agit de manifestations très violentes qui ont secoué le pays et qui ont été réprimées dans le sang. Des milliers de jeunes sont sortis dans les rues et ont brûlé des édifices publics, tout ce qui, à leurs yeux symbolisait un état qui ne pouvait et ne voulait prendre en compte leurs revendications. C'est à la suite de ces manifestations que le multipartisme été instauré et la constitution a été révisée. Il est évident que l'année de l'indépendance a vu la naissance d'une nation souveraine qui nous est encore une année capitale. L'année 1962 marque, pour les Algériens, le début de tous les possibles. C'est ainsi que les algériens ont vécu les enjeux incommensurables d'un tel événement après une longue occupation coloniale. Le drapeau, découvert à l'occasion des fêtes de l'indépendance, serait le symbole de la nation, le symbole de liberté. L'anecdote racontée au début du livre est révélatrice de l'état d'esprit de ceux qui ont dû accepter de chanter, à leur coeur et à leur corps défendant La Marseillaise, et de saluer le drapeau français pendant les années de la guerre, alors qu'ils ne pouvaient revendiquer les droits accordés aux Français d'Algérie. * 75 Ibid, p185. * 76 Ibid, p189. * 77 (Clefs pour la lecture des récits, convergences critique II, Christiane Achour Amina Bekkat, édition du tell 2002. page 50). * 78Maissa Bey, « Bleu Blanc Vert », p03. * 79 Ibid, p14. * 80 Maissa Bey, « Bleu Blanc Vert », p20. * 81 Ibid, p21. * 82 Maissa Bey, « Bleu Blanc Vert », p41. * 83 Ibid, p42. |
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