L'enfant consommateur est-il une proie facile ?( Télécharger le fichier original )par Marion Moreau INSEEC Paris - Master 2008 |
3. L'enfant face au message publicitaire.Avant d'étudier les comportements des enfants face au message publicitaire il convient tout d'abord de mettre en exergue ce que comprend l'enfant et ce qu'il perçoit quand il visionne un spot. Ainsi nous pourrions nous demander si l'enfant comprend que la publicité a pour but principal de convaincre les auditeurs. A partir de quel âge pouvons-nous considérer que l'enfant est lucide sur les intentions des marques ? Les enfants comprennent-ils clairement les messages publicitaires ? D'une manière générale et évidente, la crédulité de l'enfant diminue avec l'âge. Il semble que l'enfant commence à distinguer une publicité d'un programme classique à partir de 5 ans en moyenne cependant cette distinction est surtout due au fait qu'un spot est plus court qu'un programme classique. De la même façon un enfant devient conscient des intentions des marques à partir de 8 ans. Mais ce seuil peut baisser ou augmenter selon son éducation. On estime tout de même qu'à partir de l'âge de 10 ans la quasi-totalité des enfants comprennent l'intention commerciale de la publicité. Aujourd'hui les enfants sont très tôt sensibilisés aux « méfaits » de la publicité. En effet certains parents prennent soins de discuter de la publicité avec leurs enfants. En interrogeant les enfants on a découvert que 86% des enfants discutent avec leurs parents devant la TV. Parmi eux, 64% parlent de la publicité. Ce chiffre peut paraitre encourageant mais il ne faut pas oublier les 36 % restant qui subissent le discours publicitaire sans encadrement. D'ailleurs même les enfants « encadrés » ne sont pas véritablement protégés puisque 66 % des mères autorisent leurs enfants à regarder tous les spots26(*). Comme nous l'avons vu précédemment27(*), pour que la publicité ait un impact sur un enfant, il faut respecter certaines règles. Pour résumé, la publicité doit être courte, être chantée et être animée par des personnages de préférence imaginaires (animaux) ou par un personnage réel adulé par ces jeunes. Mais pour être vraiment efficace les marques doivent évaluer plusieurs critères. Elles doivent cibler leur communication en fonction de l'âge du public ciblé et l'adapter à leur stratégie marketing. Le scénario est aussi très important car c'est ce que va retenir l'enfant et c'est grâce à ce scénario que l'enfant va pouvoir s'identifier à la marque. En effet, quel enfant n'a pas imaginé ses forces décupler en dévorant des céréales Frosties « et le tigre est en toi ! ». Quand est il d'ailleurs de la mémorisation des slogans et des spots en général ? Comme pour tout, la mémoire de l'enfant va s'améliorer avec l'âge. On distingue le souvenir spontané (pour les enfants de moins de 5 ans), où l'enfant ne retiendra qu'une infime partie de l'annonce sans faire de lien entre ses différents flashs qu'il a mémorisé, du souvenir structuré où l'enfant retient la cohérence du message. Dans une autre mesure il convient de se demander si la mémorisation d'un spot dépend de son objet. On note que même si les produits qui les concernent ont tendance à plus les marquer, ce n'est pas toujours le cas. En effet d'après une étude présentant différents spots à des enfants, il est ressortit que 56,2% des sondés avaient retenu l'annonce de Palmolive vaisselle contre 33,7% pour la poudre chocolaté Banania28(*). Dans une autre mesure, il convient de se demander si la publicité en général a des impacts négatifs sur les enfants. Nous avons démontré que la publicité, notamment pour des produits les concernant, avait un impact relativement conséquent sur leur consommation. En effet une publicité bien conçu et adapté à sa cible va inévitablement influencer l'enfant. Même si ce dernier prend vite conscience des intentions publicitaire il va tout de même s'identifier aux pairs présents dans le spot. Si un enfant voit un congénère se régaler d'une barre chocolaté ou échanger des bonbons, il va assimiler ce genre de produit à une alimentation normale. En effet, les enfants présents dans le spot sont beaux, en pleine santé, ils courent...Bref ils sont normaux. On ne peut nier que, les publicités en direction des enfants ne concernent jamais des produits dit « bons pour la santé » (le pain, les fruits ou les légumes). 70% des publicités pour enfants vantent les produits sucrés, les céréales ou les bonbons29(*). Cette constatation entraîne de nombreuses associations de consommateurs à dénoncer les spots alimentaires destinés aux enfants. Pour eux la montée de l'obésité est indéniablement liée à la promotion de ces produits. Cependant la responsabilité des parents n'est elle pas elle aussi à remettre en cause ? N'est-ce pas aux parents d'apprendre à leurs enfants à bien consommer ? Ce n'est pas parce qu'un enfant désire manger du chocolat qu'il faut l'y autoriser. Les parents doivent expliquer à leur enfant que la consommation excessive de certains produits est à éviter. Certes les marques communiquent surtout sur des produits gras, salés, sucrés. Le rôle des parents est d'éduquer les enfants à faire la distinction entre ces produits et les produits sains et équilibrés. Faire comprendre à leurs enfants que pour rester en forme il faut varier les plaisirs et goûter à tout. Il ne s'agit pas là de blâmer les parents, juste de remettre les choses dans leurs contextes. Les modes de vie ont changé, la mère n'est plus au foyer, elle consacre moins de temps à la cuisine et donc à l'éducation culinaire de leur progéniture. Ce manque d'éducation ce reproduit au fil des générations et on en vient à observer des méconnaissances inquiétantes. En effet on constate de plus en plus d'unités diététiques médicales (20% des jeunes français sont en surpoids) soignant des adolescents de leur obésité. Dans ces centres on trouve des jeunes malades accros aux marques de gâteaux, bonbons, et produits gras en tous genres. Il ne faut pas nier le fait que le fait de rester assis devant la télévision plusieurs heures, sans activité sportives aucunes, et être confronté à chaque instant aux tentations publicitaires n'entraine pas une augmentation de la consommation de ses produits. Pour autant est il normal que ces jeunes n'aient jamais consommé de légume ? Est-il normal que pour la première fois de sa vie une jeune fille épluche un brugnon ou mange une tomate ? Il est de toute évidence bien trop facile de faire peser ce fléau sur les épaules des marques.30(*) Un autre effet néfaste de la publicité est souvent mis en avant par ses détracteurs : la frustration. En effet il semble que les enfants qui voient un spot ont tendance à idéaliser cette vie idéale et sans restriction qu'on leur dépeint dans les annonces. Ils peuvent donc être frustrés quand il voit que tout n'est pas parfait dans leur monde et qu'il ne peuvent pas accéder à tous. Les marques les fascinent et toute cette communication renforce leur désire d'en consommer. Dans ce cas inutile de nier ; le principal but des spots publicitaires étant de susciter l'envie et de créer un besoin, cette communication entraîne sans aucun doute une frustration. Cependant, le fait de voir un produit chez un copain et de ne pas pouvoir l'acquérir n'est-il pas tout aussi frustrant ?31(*) Comme nous avons pu le voir en conclusion de la partie C. Les marques ont une bonne connaissance de leur cible et des techniques à mettre en place pour les atteindre le plus efficacement possible. Ces techniques ne sont cependant pas infaillibles. Plus loin dans le développement32(*) nous avons pu découvrir que les enfants ne sont pas des êtres candides inconscients et qu'ils sont de plus en plus conscients des intentions publicitaires. Dans une autre mesure il semble évident que même en ayant une très bonne connaissance des problématiques de leur marché, les marques destinées aux enfants n'arrivent pas toujours à leur fin en terme de mémorisation et certains nouveaux produits passent presque inaperçues et disparaissent des linéaires peu de temps après leur sortie. * 26 Natalie Guichard, Les enfants et la publicité. * 27 cf. tableau « La forme et le contenu des messages : critères appréciés et critères rejetés par les enfants » Partie C.2.b * 28 Etude réalisé par N. Guichard en 2000 sur 300 enfants entre 8 et 13 ans * 29 N.Guichard, Les enfants et la publicité * 30 France 3, Obésité : le poids de la souffrance... un an après - Le bout du chemin, Lundi 26 mai 2008 21h55 * 31 CF. partie C.2.b p18 et partie E.1 p25 du présent dossier * 32 CF. partie E.3 du présent dossier |
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