A. La consécration du principe de l'autonomie
constitutionnelle par le droit international positif
Bien que non expressément prévu par la Charte
des Nations Unies, le principe de l'autonomie constitutionnelle a figuré
aussi bien dans l'article premier commun aux pactes de droits civils et
politiques et économiques, sociaux et culturels (a) que dans de
nombreuses résolutions de l'organe plénier de l'O.N.U.
(b).
a. L'article premier des pactes relatifs aux droits de
l'Homme
Cet article commun aux deux pactes dispose que "tous les
peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes, en vertu de ce droit ils
déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur
développement économique, social et culturel".
Le droit des peuples à choisir leur statut politique
s'est concrétisé dans la pratique de l'O.N.U. par la
reconnaissance du droit des peuples à la décolonisation. Qu'en
est-il alors de ce droit si les peuples sont déjà
constitués en États ? Si le régime politique choisi par
l'État émane ou traduit la volonté du peuple de cet
État, le droit des peuples à la libre détermination et sa
liberté de choisir le système politique qu'il juge adéquat
doit, dans ce cas, être compris dans sa dimension externe dans le sens
où chaque peuple choisit librement son statut politique sans
l'ingérence d'un autre peuple et d'un autre État. Cela suppose,
évidemment, une identité ou du moins une harmonie entre le peuple
et l'État.
C'est donc en vertu du droit des peuples à
déterminer librement leur statut politique que "le droit
international reconnaissait à chaque État une
autonomie constitutionnelle, c'est à dire la
possibilité de déterminer la nature du régime, sa forme,
son organisation, ses institutions"131.
Nous le remarquons, cette conception du principe de
l'autonomie constitutionnelle présume une compatibilité entre le
droit des peuples et le droit des États.
Cependant, cette compatibilité n'est pas toujours
certaine. Dès leur indépendance, la plupart des États ont
"confisqué" le droit de leur peuple au nom de la construction
du jeune État et de l'Unité nationale132.
Nous nous trouvons alors devant une controverse : le droit du
libre choix du système politique est-il un droit du peuple ou un droit
de l'État ?
En abordant le principe de l'autonomie constitutionnelle, la
doctrine a souvent considéré qu'il s'agit là d'un droit de
l'État puisqu'il est le corollaire du principe de la
souveraineté. C'est pour cette raison que pendant presque quarante ans,
la logique de la coexistence pacifique entre les États a exigé le
respect du droit de l'État à choisir son système politique
et ses institutions internes. Cette logique correspondait parfaitement à
l'ordre politique existant. Cela étant, l'Assemblée
Générale de l'O.N.U. a réaffirmé ce principe
à plusieurs reprises.
b. Les résolutions de l'Assemblée
Générale confirmant le principe de l'autonomie
constitutionnelle
Composée alors d'une majorité d'États
nouvellement indépendants, l'Assemblée Générale de
l'O.N.U. a adopté la résolution 2131 du 21 décembre 1965
dans laquelle elle a déclaré que "tout État a le droit
inaliénable de choisir son système politique, économique,
social et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part de n'importe
quel État". En
131 BEN ACHOUR (R), "Actualité des principes de
droit international", in. Les nouveaux aspects du droit international. op.
cit. p. 45.
132 EDMOND JOUVE écrit dans ce sens "les
droits des peuples sont donc violés souvent par ceux-là
mêmes dont la fonction était de les sauvegarder. Longtemps, ces
violations ont pu se produire en toute impunité. Ce n'est plus tout
à fait le cas aujourd'hui", Le droit des peuples, Paris,
P.U.F., 1992, p. 114.
adoptant cette disposition, l'A.G. de l'O.N.U. a entendu
"créer les conditions appropriées qui permettent à
tous les États, et en particulier aux pays en voie de
développement, de choisir sans contrainte ni coercition leurs propres
institutions politiques, économiques et sociales"133.
La reconnaissance de la liberté du choix du
système politique, économique, social et culturel et par
conséquent l'autonomie constitutionnelle des États a
été réitérée par l'Assemblée
Générale de l'O.N.U. dans sa résolution 2625 du 24 octobre
1970 portant "Déclaration relative aux principes de droit
international touchant aux relations amicales et à la coopération
entre les États conformément à la Charte des Nations
Unies". En effet, cette résolution a réaffirmé que "-
e - Chaque État a le droit de choisir et de développer
librement son système politique, social, économique et culturel".
De même, en abordant "le principe relatif au droit de ne pas
intervenir dans les affaires relevant de la compétence nationale d'un
État, conformément à la Charte", la résolution
2625 a réaffirmé que "tout État a le droit
inaliénable de choisir son système politique, économique,
social et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part d'un autre
État"134.
La résolution 3281 adoptée par ce même
organe le 12 décembre 1974 portant adoption de la Charte des droits et
devoirs économiques des États nous semble être plus
précise quant à la détermination du principe de
l'autonomie constitutionnelle. L'article premier de cette résolution
dispose que "chaque État a le droit souverain et inaliénable
de choisir son système économique, de même que ses
systèmes politique, social et culturel conformément
à la volonté de son peuple sans ingérence,
pression ou menace extérieure d'aucune sorte"135.
Durant plusieurs années, l'Assemblée
Générale de l'O.N.U., caractérisée par la
montée des pays du tiers monde, a insisté sur la
nécessité du respect de l'autonomie constitutionnelle. Ce
respect a été une garantie essentielle
133 Résolutions adoptées par
l'Assemblée Générale au cours de sa vingtième
session, 21 septembre - 22 décembre 1965, documents officiels,
supplément N° 14.
134 Résolutions adoptées par
l'Assemblée Générale au cours de sa vingt-cinquième
session, 15 septembre - 17 décembre 1970, documents officiels,
supplément N° 28.
135 Résolutions d'intérêt
juridique adoptées par l'Assemblée Générale
à sa sixième session extraordinaire et à la
vingt-neuvième session ordinaire, 9 avril 2 mai 1974 et 17 septembre -
18 décembre 1974, documents officiels (c'est nous qui soulignons).
pour assurer une coexistence pacifique et des relations
"amicales" entre des États différents et même
antagonistes sur le plan idéologique.
La violation du principe de l'autonomie constitutionnelle des
États a été une occasion pour la jurisprudence
internationale pour se prononcer sur la question.
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