2.1.2. Les théories contingentes aux crises
Ces théories stipulent que la transmission d'une crise
est spécifique et liée à celle-ci. Autrement dit, une fois
la crise est déclenchée des nouveaux canaux de propagation
apparaissent. Ils sont différents de ceux avant la crise. Certes, ces
canaux n'existent pas durant les périodes de stabilité
financière, il existe alors un changement structurel. Ce courant est
fondé sur l'équilibre multiple, les chocs de liquidité
endogène et la contagion politique.
a) L'équilibre multiple
Pour avoir un équilibre unique, l'étude
menée par Morris et Shin (1998) en réaction avec les
modèles de crise de la seconde génération stipule
l'existence d'un nombre d'information public suffisamment large. D'une part,
L'importance du nombre d'information compensera le manque de précision,
en cas des signaux publics non précis, afin d'avoir un équilibre
unique. D'autre part, ce résultat remet en cause l'hypothèse
d'unicité d'équilibre puisque ces mêmes informations
publiques conduisent à un équilibre multiple.
Dans un contexte de contagion, l'intégration de la
notion des équilibres multiples est très importante. En effet, le
passage du virus d'un pays à un autre lui ramènera d'un bon
à un mauvais équilibre. Parmi les caractéristiques de ce
dernier, on cite : la chute des prix des actifs financiers, la sortie
massive des capitaux (pour rééquilibrer les portefeuilles) et le
défaut sur le règlement des dettes.
Masson indique que l'apparition d'une crise dans une
première économie peut coordonner ou polariser les
anticipations des investisseurs afin de passer une deuxième
économie à une situation de mauvais équilibre voire
même l'occurrence d'une crise. On peut illustrer l'exemple de la
ruée bancaire à fin de comprendre ce mécanisme
d'équilibre multiple. Soit une date décomposée en trois
périodes 0, 1 et 2. De même les agents sont classés en deux
types. Le premier type concerne les agents qui consomment et retirent leurs
fonds à la date 1. Quant aux agents de type 2, ils consomment et
retirent leurs fonds à la date 2. Les agents désirant retirer
peuvent suivre « une contrainte de service
séquentielle ». Autrement dit, le premier agent qui demande le
remboursement de ses dépôts sera le premier servi.
Avec ce modèle, on peut aboutir à un
« bon équilibre » comme on peut aboutir à un
« mauvais équilibre ». Le moment où les
agents de type 1 retirent en période 1 et les agents de type 2 attendent
la période suivante pour retirer, on parle de bon équilibre. Ce
dernier correspond à « l'équilibre de Nash »
ou « l'équilibre de vérité ».
Par contre, le mauvais équilibre se vérifie
lorsque tous les agents, suivant leurs anticipations, préférant
retirer à la date 1. D'où une panique générale
s'apparaît. Dans cette situation, l'agent de type 2 va se comporter
rationnellement, grâce à la contrainte de service
séquentiel, en fonction de stratégies des retraits des autres
agents. Dans ce cas, si l'agent de type 2 anticipe que les autres agents vont
retirer précipitamment, donc il va opter de même vers une
stratégie de retrait à la date 1 et non plus attendre la date 2
pour en faire. Par conséquent, il y aurait une demande de retrait
massive qui excède la valeur liquidative de la banque, d'où une
ruée bancaire.
D'un point de vu général, l'action d'un
dépositaire individuel, de retirer son argent de sa banque ou de le
conserver, dépende de son degré d'aversion au risque et surtout
des actions de tous les autres dépositaires. Concrètement, cette
action dépende de l'état d'équilibre du banque en question
puisque si l'équilibre est révélé du bon alors les
agents auront du conserver leur argent. En revanche, s'il a été
confié du mauvais alors il y aurait des files d'attentes devant les
guichets.
Il est clair que le passage du bon au mauvais équilibre
et la propagation d'une crise se fait par le biais des modifications des
anticipations des ces investisseurs et non par les liens réels entre ces
économies.
b) Les chocs de liquidité
endogène
Lorsqu'un pays demeure en crise, les investisseurs se trouvent
obligés à rééquilibrer leurs portefeuilles d'une
manière automatique en vendant ses actifs et en transmettant ainsi la
crise initiale aux autres marchés. Van Rijckeghem et Weder (2000)
montrent que le système bancaire joue un rôle très
important dans la transmission des chocs. En effet, suite à une crise
dans un pays, les banques se réagissent en limitant les lignes de
crédits envers les pays emprunteurs. L'effet direct de cette crise est
l'apparition d'un retrait massif des capitaux puisque les anticipations des
investisseurs ont été modifiées pour
rééquilibrer leurs portefeuilles. Cette réaction des
investisseurs (réajustement) provoquera la transmission du choc aux
autres pays.
Valdès (1998) développe un modèle de
liquidité endogène qui reflète le lien entre le choc et
son impact sur la liquidité. En fait, ce choc limitera la
liquidité des participants sur le marché. Autrement, face
à ce choc de liquidité, les investisseurs vont recomposer leurs
portefeuilles par la vente des actifs d'autres pays afin de répondre aux
appels de marges à titre d'exemple. L'importance du degré
d'intensité du choc initial a pour effet, d'une part, l'augmentation du
degré du rationnement du crédit. D'autre part, les investisseurs
céderont leurs parties dans les actifs d'autres pays non touchés
par cette crise initiale malgré que ces pays présentent des
fondamentaux sains et solides.
Kodres et Pritsker (1998) présument que le fait de
rééquilibrer les portefeuilles dans le contexte d'une crise
où l'information est asymétrique, générera une
volatilité plus importante des prix que celle vue en situation de
stabilité financière.
c) La contagion politique :
Dehove (2003) montre que, dans un régime de change
fixe, le canal de transmission des chocs est le taux d'intérêt.
Plus précisément, il affirme que «la manifestation de ce
mécanisme suppose l'existence d'une économie centre dont la
monnaie est l'ancre et des économies périphériques dont
les monnaies sont stabilisées par les autorités monétaires
des pays périphériques par rapport à la monnaie
ancre ». L'idée de base est la
suivante : l'apparition d'un choc sur la monnaie de l'économie
centre peut obliger cette dernière à augmenter son taux
d'intérêt. A cause d'interdépendance, les
pays périphériques doivent adopter la même politique du
pays centre, cette augmentation du taux d'intérêt peut
déstabiliser la situation économique. Dès lors, un certain
nombre de pays périphérique voire la totalité seront
obligés de quitter ce système d'ancrage.
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