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L'instance équité et réconciliation et la problématique des droits de l'Homme au Maroc

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par Mohamed ASWAB
Hassan II Faculté des sciences juridiques économiques et sociales de Casablanca - Licence en droit public 2006
  

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Section III : les activités de l'IER :

Les diverses activités de l'IER durant la période de son fonctionnement se ramènent à neuf domaines stratégiques, mettant à l'oeuvre la compétence de cette instance, définie par son statut et son règlement intérieur, d'une manière qui a impulsé une dynamique nouvelle des acquis en matière de droits de l'Homme.

· Le premier domaine de compétence de l'instance a trait à la réception des demandes et de leur examen. L'IER a reçu environ 20.000 demandes ou plaintes et procédé à leur enregistrement, leur examen et leur instruction. Pour faciliter cette tâche, l'IER a réalisé une base de données informatisée et a mobilisé une centaine de chercheurs pour effectuer un examen préliminaire des demandes, ce qui a permis de constituer environ 14.000 dossiers afférents à ces demandes. L'instance a pu progresser dans le classement de ces demandes selon le type et la nature des violations et en effectuer un recensement statistique général. C'est l'instance qui a eu à décider de la méthode d'examen et de préparation des dossiers, des critères sur la base desquels doit s'effectuer la réparation des préjudices et des procédures adéquates à la réalisation de ces opérations.

Cette activité, qui se situe au stade premier du travail effectué par l'instance, a revêtu une grande importance pour l'organisation des séances publiques d'auditions des victimes et a revêtu la même importance pour l'élaboration du rapport final.

· Le deuxième domaine concerne l'accueil et l'orientation des plaignants, ainsi que les visites directes sur les lieux. A cet égard l'instance a entrepris une politique de proximité et procédé à l'écoute des plaignants, dont des centaines ont été reçus dans ses locaux. Des groupes constitués de ses membres et des cadres qui y officient ont effectué des visites sur les lieux qui ont couvert plusieurs régions du nord au sud du pays. Au cours de ces visites, les victimes ont été entendues, les dossiers ont pu être complétés de pièces et documents manquants, des associations locales ont été consultées notamment au sujet des anciens lieux secrets de détention, des lieux de sépulture des personnes décédées et des moyens et voies de revalorisation des communautés dans les régions qui ont souffert des exactions.

· Le troisième domaine a trait aux investigations relatives aux disparus et aux personnes au sort inconnu. A cet égard, l'instance a achevé le travail de recoupement des informations diverses et de mise à jour des listes des disparus et des personnes au sort inconnu, y compris la liste établie par le groupe de travail de Nations Unies chargé des disparitions forcées ou involontaires. De même, elle a mené à cet effet des investigations appropriées en entendant les témoins et les familles et en effectuant des visites sur les lieux pour constater les lieux de sépulture et obtenir des informations de différentes sources pouvant conduire à la vérité.

· Le quatrième domaine est celui de la collaboration avec les pouvoirs publics. en vue de parvenir à la vérité, l'instance est entrée en concertation et en communication avec les responsables gouvernementaux compétents. Ainsi, a-t-on dû travailler avec les services du ministère de l'Intérieur concernés au sujet des cas de disparition et des lieux de sépulture dans les anciens lieux de détention et suggérer des solutions. Ces initiatives ont été de même présentées aux services concernés des Forces Armées et de la Gendarmerie Royale. Un accord de partenariat a été conclu avec le ministère de la Santé pour la prise en charge des individus à la santé très fragilisés ou relevant de l'urgence, ainsi que pour l'évaluation des préjudices et des conséquences physiques et psychiques sur les victimes.

· Le cinquième domaine a trait aux relations avec la société civile et politique. A cet égard, l'instance a organisé des rencontres et des actions concertées avec un grand nombre d'associations, nationales et régionales, ainsi qu'avec des universités et des organisations politiques et sociales concernées, à travers diverses manifestations intellectuelles et scientifiques en rapport avec leurs objectifs. De même, une première rencontre de concertation a pu réunir les membres de l'instance aux différents groupes parlementaires.

· Le sixième domaine concerne les rencontres intellectuelles et scientifiques organisés par l'IER. Ces rencontres ont successivement porté sur des thèmes tels que la littérature née des écrits des prisonniers politiques, sur le concept de vérité et bien d'autres thèmes. Ces rencontres, auxquelles ont participé des intellectuels, des universitaires et des praticiens, ont suscité l'intérêt des gens et ont eu un écho positif dans les médias. L'instance a également abrité la cinquième réunion du réseau international des anciens responsables et membres des commissions de vérité, en coopération avec le Centre international de la justice transitionnelle.

· Le septième domaine concerne la communication et les relations publiques. Depuis sa création, l'instance a organisé des rencontres avec la presse, nationale et étrangère, pour faire connaître ses structures, ses moyens et ses mécanismes de travail. Elle a concerté avec les deux chaînes nationales pour la programmation d'émissions en vue de clarifier ses objectifs et de greffer sur les consciences les leçons à tirer du processus de règlement du dossier des violations commises dans le passé. Elle a également participé autant que se peut à des manifestations nationales et internationales pour faire connaître l'expérience marocaine en la matière.

· Le huitième domaine concerne la recherche relative aux contextes historiques et politiques et la préparation du rapport final. L'instance a cherché à porter un éclairage sur les circonstances et les faits liés aux atteintes aux droits de l'Homme, s'appuyant pour cela sur la recherche académique, les investigations de terrain et le témoignage des victimes et des témoins. Elle a visé à mettre en oeuvre une approche des faits qui soit en faveur d'une vision de l'histoire ouverte et équilibrée au bénéfice de la réconciliation recherchée. L'instance a fini par avoir une vision cohérente du rapport final, de sa méthodologie, de sa structure et du style dans lequel il devra être rédigé.

· Le neuvième domaine concerne l'organisation des séances d'audition publiques, pour lequel l'instance a mis en oeuvre une approche et conçu une programmation, les séances en question étant réservées au témoignage d'un échantillon choisi parmi les victimes des violations des droits de l'Homme commises dans le passé. Le but principal de ces séances était en premier lieu la réhabilitation des victimes ; il est ensuite celui de faire oeuvre pédagogique en faisant prendre conscience aux gens des formes multiples d'atteintes aux droits de l'Homme et des souffrances qui en sont la conséquence, de manière à ce que les efforts conjugués de tout le monde fassent obstacle au retour de telles pratiques.

Les auditions publiques ont constitué un tournant intéressant dans le processus de règlement du dossier des graves violations des droits de l'Homme dans notre pays.

En effet, l'instance a entamé, le 21 décembre 2004, l'organisation des séances publiques d'audition en présence des différentes composantes de la société et avec une large couverture des médias nationaux et internationaux. Certaines séances ont été diffusées en direct sur les écrans des chaînes publiques et sur les ondes de la radio nationale et des radios régionales. Pour la première fois dans l'histoire du Maroc, et à la faveur de l'opportunité remarquable qu'ont constitué ces auditions effectuées publiquement et en direct, il a été fait état des différentes sortes d'exactions que notre pays a connues durant la période qui s'étale entre 1956 et 1999.

En plus de l'intérêt large dont ont bénéficié les séances publiques d'audition sur le plan national et international, celles-ci ont constitué un signal fort et un tournant décisif dans l'histoire du Maroc contemporain pour au moins deux raisons :

- L'ouverture des médias publics et l'insertion de ceux-ci dans le processus de la réconciliation, de la modernisation de la société et de l'édification de la démocratie ;

- La transmission d'un message fort en faveur de la réconciliation, pour laquelle les pouvoirs publics et les divers acteurs politiques nationaux sont impliqués ; la condamnation par l'ensemble de la société des années d'abus de pouvoir et d'exactions .

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