Section III : les activités de
l'IER :
Les diverses activités de l'IER durant la
période de son fonctionnement se ramènent à neuf domaines
stratégiques, mettant à l'oeuvre la compétence de cette
instance, définie par son statut et son règlement
intérieur, d'une manière qui a impulsé une dynamique
nouvelle des acquis en matière de droits de l'Homme.
· Le premier domaine de compétence de l'instance a
trait à la réception des demandes et de leur examen. L'IER a
reçu environ 20.000 demandes ou plaintes et
procédé à leur enregistrement, leur examen et leur
instruction. Pour faciliter cette tâche, l'IER a réalisé
une base de données informatisée et a mobilisé une
centaine de chercheurs pour effectuer un examen préliminaire des
demandes, ce qui a permis de constituer environ 14.000 dossiers
afférents à ces demandes. L'instance a pu progresser dans le
classement de ces demandes selon le type et la nature des violations et en
effectuer un recensement statistique général. C'est l'instance
qui a eu à décider de la méthode d'examen et de
préparation des dossiers, des critères sur la base desquels doit
s'effectuer la réparation des préjudices et des procédures
adéquates à la réalisation de ces opérations.
Cette activité, qui se situe au stade premier du
travail effectué par l'instance, a revêtu une grande importance
pour l'organisation des séances publiques d'auditions des victimes et a
revêtu la même importance pour l'élaboration du rapport
final.
· Le deuxième domaine concerne l'accueil et
l'orientation des plaignants, ainsi que les visites directes sur les lieux. A
cet égard l'instance a entrepris une politique de proximité et
procédé à l'écoute des plaignants, dont des
centaines ont été reçus dans ses locaux. Des groupes
constitués de ses membres et des cadres qui y officient ont
effectué des visites sur les lieux qui ont couvert plusieurs
régions du nord au sud du pays. Au cours de ces visites, les victimes
ont été entendues, les dossiers ont pu être
complétés de pièces et documents manquants, des
associations locales ont été consultées notamment au sujet
des anciens lieux secrets de détention, des lieux de sépulture
des personnes décédées et des moyens et voies de
revalorisation des communautés dans les régions qui ont souffert
des exactions.
· Le troisième domaine a trait aux investigations
relatives aux disparus et aux personnes au sort inconnu. A cet égard,
l'instance a achevé le travail de recoupement des informations diverses
et de mise à jour des listes des disparus et des personnes au sort
inconnu, y compris la liste établie par le groupe de travail de Nations
Unies chargé des disparitions forcées ou involontaires. De
même, elle a mené à cet effet des investigations
appropriées en entendant les témoins et les familles et en
effectuant des visites sur les lieux pour constater les lieux de
sépulture et obtenir des informations de différentes sources
pouvant conduire à la vérité.
· Le quatrième domaine est celui de la
collaboration avec les pouvoirs publics. en vue de parvenir à la
vérité, l'instance est entrée en concertation et en
communication avec les responsables gouvernementaux compétents. Ainsi,
a-t-on dû travailler avec les services du ministère de
l'Intérieur concernés au sujet des cas de disparition et des
lieux de sépulture dans les anciens lieux de détention et
suggérer des solutions. Ces initiatives ont été de
même présentées aux services concernés des Forces
Armées et de la Gendarmerie Royale. Un accord de partenariat a
été conclu avec le ministère de la Santé pour la
prise en charge des individus à la santé très
fragilisés ou relevant de l'urgence, ainsi que pour l'évaluation
des préjudices et des conséquences physiques et psychiques sur
les victimes.
· Le cinquième domaine a trait aux relations avec
la société civile et politique. A cet égard, l'instance a
organisé des rencontres et des actions concertées avec un grand
nombre d'associations, nationales et régionales, ainsi qu'avec des
universités et des organisations politiques et sociales
concernées, à travers diverses manifestations intellectuelles et
scientifiques en rapport avec leurs objectifs. De même, une
première rencontre de concertation a pu réunir les membres de
l'instance aux différents groupes parlementaires.
· Le sixième domaine concerne les rencontres
intellectuelles et scientifiques organisés par l'IER. Ces rencontres ont
successivement porté sur des thèmes tels que la
littérature née des écrits des prisonniers politiques, sur
le concept de vérité et bien d'autres thèmes. Ces
rencontres, auxquelles ont participé des intellectuels, des
universitaires et des praticiens, ont suscité l'intérêt des
gens et ont eu un écho positif dans les médias. L'instance a
également abrité la cinquième réunion du
réseau international des anciens responsables et membres des commissions
de vérité, en coopération avec le Centre international de
la justice transitionnelle.
· Le septième domaine concerne la communication et
les relations publiques. Depuis sa création, l'instance a
organisé des rencontres avec la presse, nationale et
étrangère, pour faire connaître ses structures, ses moyens
et ses mécanismes de travail. Elle a concerté avec les deux
chaînes nationales pour la programmation d'émissions en vue de
clarifier ses objectifs et de greffer sur les consciences les leçons
à tirer du processus de règlement du dossier des violations
commises dans le passé. Elle a également participé autant
que se peut à des manifestations nationales et internationales pour
faire connaître l'expérience marocaine en la matière.
· Le huitième domaine concerne la recherche
relative aux contextes historiques et politiques et la préparation du
rapport final. L'instance a cherché à porter un éclairage
sur les circonstances et les faits liés aux atteintes aux droits de
l'Homme, s'appuyant pour cela sur la recherche académique, les
investigations de terrain et le témoignage des victimes et des
témoins. Elle a visé à mettre en oeuvre une approche des
faits qui soit en faveur d'une vision de l'histoire ouverte et
équilibrée au bénéfice de la réconciliation
recherchée. L'instance a fini par avoir une vision cohérente du
rapport final, de sa méthodologie, de sa structure et du style dans
lequel il devra être rédigé.
· Le neuvième domaine concerne l'organisation des
séances d'audition publiques, pour lequel l'instance a mis en oeuvre une
approche et conçu une programmation, les séances en question
étant réservées au témoignage d'un
échantillon choisi parmi les victimes des violations des droits de
l'Homme commises dans le passé. Le but principal de ces séances
était en premier lieu la réhabilitation des victimes ; il est
ensuite celui de faire oeuvre pédagogique en faisant prendre conscience
aux gens des formes multiples d'atteintes aux droits de l'Homme et des
souffrances qui en sont la conséquence, de manière à ce
que les efforts conjugués de tout le monde fassent obstacle au retour
de telles pratiques.
Les auditions publiques ont constitué un tournant
intéressant dans le processus de règlement du dossier des graves
violations des droits de l'Homme dans notre pays.
En effet, l'instance a entamé, le 21
décembre 2004, l'organisation des séances publiques d'audition en
présence des différentes composantes de la société
et avec une large couverture des médias nationaux et internationaux.
Certaines séances ont été diffusées en direct sur
les écrans des chaînes publiques et sur les ondes de la radio
nationale et des radios régionales. Pour la première fois dans
l'histoire du Maroc, et à la faveur de l'opportunité remarquable
qu'ont constitué ces auditions effectuées publiquement et en
direct, il a été fait état des différentes sortes
d'exactions que notre pays a connues durant la période qui
s'étale entre 1956 et 1999.
En plus de l'intérêt large
dont ont bénéficié les séances publiques d'audition
sur le plan national et international, celles-ci ont constitué un signal
fort et un tournant décisif dans l'histoire du Maroc contemporain pour
au moins deux raisons :
- L'ouverture des médias publics et l'insertion de
ceux-ci dans le processus de la réconciliation, de la modernisation de
la société et de l'édification de la démocratie
;
- La transmission d'un message fort en faveur de la
réconciliation, pour laquelle les pouvoirs publics et les divers
acteurs politiques nationaux sont impliqués ; la condamnation par
l'ensemble de la société des années d'abus de pouvoir et
d'exactions .
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