CHAPITRE VIII : GESTION DES CONFLITS
1 - Gestion locale des conflits
Traditionnellement les conflits liés à
l'accès ou à l'utilisation des ressources naturelles sont
tranchés par le chef de village assisté de ses conseillers et des
notables du village. Ces différends étaient tranchés selon
els traditions et coutumes locales
- Dans les cas de dommages aux cultures, les animaux ayant
causés les dégâts sont saisis et leur propriétaire
en est formé. Ce n'est cas d'échec d'une gestion interpersonnelle
entre les intéressés que l'affaire est portée devant les
autorités villageoises. Dans ce cas le chef de village convoque les deux
parties, les donne la parole tour à tour pour établir les faits.
Si le propriétaire des animaux reconnaît les faits, il est
demandé à l'agriculteur de fixer la compensation et sa nature qui
est couramment en argent. Quand l'agriculteur fixe le montant ; il est
demandé à l'éleveur son avis. Si ce dernier juge la
compensation trop élevée par rapport aux dégâts, il
propose un prix à son tour où il peut demander
l'évaluation des dommages par une tierce personne, en
général un des conseillers du chef. Après
l'évaluation un prix est fixé et l'éleveur est
sommé de s'exécuter et un délai lui est accordé.
S'il refuse encore d'obtempérer après épuisement du
délai, le chef de village délègue des hommes qui ont pour
mission de choisir un animal dans le cheptel de l'éleveur dont la va
leur peut compenser les dommages et de l'offrir à l'agriculteur.
59
Une autre coutume de la zone qui consistait à
abattre le plus bel animal parmi le troupeau ayant causé des
dégâts. Dans ce cas le différent n'arrive pas aux
autorités villageoises. Cette coutume est d'origine dogon cependant elle
est pratiquée chez tous les groupes ethniques de la zone.
- dans les cas des litiges fonciers sur des terres
agricoles entre deux individus du même village, les deux parties sont
convoquées par le chef de village. Les chefs de toutes les grandes
familles du village sont aussi convoqués. Les deux parties en conflit se
font aussi accompagnées par leurs témoins. Le jour de l'audience
les deux parties exposent tour à tour leurs raisons. Après les
avoir entendus le chef et son conseil interrogent tour à tour les
témoins des deux parties. Le témoignage n'est valable que si le
témoin a assisté à un fait ou si les faits lui ont
été rapportés par un proche parent (frère,
père). Les témoins de retour dans leur famille respective informe
leurs proches du témoignage qu'ils ont fait pour que ceux-ci à
leur tour puissent continuer le témoignage s'il leur arrive un
accident.
Après avoir écouté toutes les
versions le chef de village tranche le litige en fonction des traditions
locales.
Dans les sociétés dogon si l'une des
parties s'estime lésée par le verdict rendu par le chef et les
sages, il peut recourir à l'utilisation du fétiche appelé
selon les dialectes « mommê » ;« Biran » ou «
bin » ce qui veut dire littéralement totem, tranchant. Dans ce cas
les deux parties jurent sur le fétiche et attendent les effets qui sont
généralement la mort du coupable ou de ses proches. La parcelle
litigieuse est mise en défens jusqu'à l'obtention des effets
provoqués par le fétiche. Ce fétiche existe
60
encore dans les villages de Ewéry, Djimmel et Kiro. Il est
encore utilisé pour mettre fin aux litiges dans la zone.
Pendant la période coloniale, le recours au chef de canton
était un moyen courant pour contourner la décision des
autorités villageoises.
Dans les cas de portant sur des limites ou des parcelles entre
deux villages, ce sont les villages les plus anciens (par
l'antériorité d'installation) qui sont chargés de
l'arbitrage du conflit.
2 - Gestion administrative des
conflits
Aux cotés de ces modes de résolution informels
des conflits liés à la gestion ou à l'exploitation des
ressources ; il existe un cadre législatif et institutionnel local
constitué de lois portant sur le code domanial et foncier, la charte
pastorale et la : gestion des ressources naturelles. La gestion administrative
des conflits liés aux ressources naturelles date de la période
coloniale et de l'introduction de l'état moderne.
Le recours aux autorités administratives locales
intervient dans la plupart des cas quand les tentatives de gestion des conflits
au niveau du village échouent surtout dans les cas de conflit violent
entre les usagers des ressources naturelles. Les autorités
impliquées sont les chefs d'arrondissements, les commandants de cercle,
les juges.
61 Cette implication des autorités
administratives se fait suite à une plainte introduite par une des
parties en litige ou par le chef de village.
Dans les cas de dommages sur des cultures, un agent de
l'agriculture et des agents des forces de l'ordre sont
réquisitionnés pour se rendre sur les lieux et constater les
dommages. Après constat, ces agents fournissent à
l'autorité administrative mandataire un procès verbal de constat.
C'est sur la base de ces constats que l'autorité compétente se
fonde pour fixer les amendes et les sanctions qui s'imposent. Dans la
majorité des cas les dépenses engagées par la
procédure sont aux frais de la partie plaignante et ce jusqu'à ce
que un jugement soit rendu. Après le jugement le coupable est
condamné aux dépens.
Dans les cas de litige foncier, les plaintes sont en
général adressées à la justice ou à la
gendarmerie. Les deux parties comparaissent devant les gendarmes ou le juge,
chacun produisant ces témoins. Les autorités villageoises sont
convoquées et leurs versions des faits sont recueillies. La parcelle
litigieuse est toujours mise en défens. C'est après l'instruction
du dossier qu'une date est fixée pour le jugement. Le jugement est rendu
en présence des deux parties en conflit ou présence de leurs
représentants. Après le verdict un huissier est chargé de
la délimitation de la parcelle. La partie qui s'estime
62 lésée peut interjeter appel
auprès de la cour d'appel voire la cour suprême qui est le dernier
recours.
61
|