CHAPITRE VII -- CONFLITS LIES AUX RESSOURCES
NATURELLES
Des conflits nombreux et variés surviennent
régulièrement pour l'accès aux ressources dans le cercle
et la commune urbaine de Douentza. Ces conflits sont exacerbés par des
velléités pour leur contrôle ou appropriation par les
acteurs et les communautés. Il s'agit de conflits entre agriculteurs et
éleveurs, entre communautés autochtones et utilisateurs
allochtones, de limites d'espace et d'exploitation des ressources.
1- Les conflits liés à la divagation
des animaux :
Ces conflits éclatent quasiment chaque année,
essentiellement entre les éleveurs peuls et les jardiniers et
arboriculteurs de la commune urbaine de Douentza. Cependant les conflits entre
les éleveurs peuls de Drimbé et les agriculteurs Dogons de Oualo
et Almina sont de loin les plus fréquents et les plus violents. Le
dernier conflit majeur éclata en 2003. La cause était des
dégâts sur des cultures par un troupeau de bovins conduit par un
jeune berger de Drimbé. L'altercation entre le jeune berger et
l'agriculteur Dogon dégénéra en bataille rangée
entre les agriculteurs Dogons de Oualo et les éleveurs peuls de
Drimbé. L'affrontement se soldat par de nombreux blessés parmi
les communautés belligérantes. Un homme perdit l'oeil au cours de
la bagarre.
Les conflits opposants les jardiniers et arboriculteurs de
Douentza et les éleveurs de la ville trouvent leur source dans
l'obturation des pistes de passage des animaux. L'occupation de l'espace
pastoral par l'agriculture illustre l'exploitation conflictuelle de
l'agriculture et de l'élevage pour l'accès aux
ressources. Les alentours des puits et forages pastoraux de certaines zones du
Seno Mango sont actuellement occupés par les agriculteurs. Il en est de
même des gîtes d'étape à cause de l'accumulation des
déjections d'animaux et des bourtols.
2- Les litiges fonciers :
Les litiges fonciers dans la commune de Douentza n'opposent
pas seulement les éleveurs et agriculteurs de la zone. Certains litiges
opposent les pratiquants de la même activité. Ces conflits sont
pour la plupart causés par le manquement à certaines
règles
et
coutumières. Dans les traditions locales, il
est de coutume, d'apporter un fagot symbolique au propriétaire coutumier
des terres empruntées. Manquer à ce devoir constitue à
nier la propriété et entraîne souvent des conflits entre
l'utilisateur et les propriétaires de la parcelle. Ce type de conflit
est très fréquent dans la zone.
Litiges de terres entre pratiquant du même
mode production
À titre d'exemple voici un cas de litige
foncier ayant opposé MM Alabouri et Akouza OUNOUME et MM Abokane et
Hamadoun MABA tous agriculteurs domiciliés dans le village de OUALO. Le
conflit portait sur des champs de culture situés à Kassa ( hameau
de culture de OUALO). Le conflit eu lieu en Février 1998.
Selon Alabouri Ounoume, les sieurs Abokane et Hamadoun
Maba sont leurs étrangers. Leurs grands parents seraient originaires de
Almina, (village voisin de OUALO) où ils ont quitté pour venir
s'installer à OUALO. A leur arrivée, ils ont été
accueillis par leurs grands parents qui les ont donné des champs de
culture et des ruches des abeilles. Ces remises étaient
subordonnées au respect de certains droits coutumiers qui consistaient
à chaque récolte d'offrir une part du miel des ruches à
leur famille. Ces droits auraient toujours été respectés
par les grands parents et les parents de Abokane et Hamadoun MABA. Mais dans
ces derniers temps ces derniers ne respectaient plus ces coutumes. Ils auraient
été rappelé à l'ordre plusieurs fois mais avaient
toujours refusés de s'exécuter. Ils avaient aussi organisé
des réunions au niveau du village avec les chefs de toutes les familles
qui n'ont pas pu les convaincre. Ces derniers seraient mêmes venus
assister à ces réunions accompagnés de leurs fils qui
portaient des fusils. Il y a aussi une réunion inter villageoise
regroupant sept villages de la zone pour pouvoir gérer le
problème mais le jour de la
55
réunion les intéressés ne sont
pas présentés. Devant cette situation qui perdure les
intéressés ont été sommés d'abandonner les
champs en question et comme ils ne se sont pas exécutes, une plainte a
été déposée contre eux à la Justice de
Compétence étendue de Douentza.
Pour la compréhension, après la mort des
parents de Alabouri et Akouza OUNOUME, le nouveau chef de la famille OUNOUME
est Akouza car il est le fils du grand frère paternel de Alabouri ainsi
les droits coutumiers perçus sur l'exploitation des champs doivent lui
être remis.
Les sieurs Hamadoun et Abokane MABA reconnaissent
l'existence des droits coutumiers et la propriété des champs.
Cependant, ils ne reconnaissent pas l'autorité d'Akouza sur les champs
car ils déclarent détenir les de la grand-mère maternelle
de Alabouri. Aussi ils ont refusé d'abandonner les champs et se sont
dits prêts à défendre leurs droits.
e, Litiges de terres entre
villages
Les formes et modes de propriété des
terres sont souvent la source de conflits. La question de la
problématique de la gestion des terres des terres ancestrales de
Ewéry impliquant le village de Fombori constitue la source
d'incompréhension majeure entre les deux villages. En effet ce conflit
est l'un des plus célèbres de la région. Le conflit
éclata depuis l'époque coloniale mais n'est cependant pas encore
résolu après un siècle de procédure judiciaire. Le
conflit porte sur des limites entre les deux villages. Le village de
Ewéry est considéré comme parmi le premier village de la
zone. Ainsi ce serait les populations d'Ewéry qui avaient
installé celles de Fombori en leur accordant une portion de leur terre
pour l'agriculture. L'origine du conflit était un litige foncier qui
éclata en 1947 qui opposait Boureima Issabré ressortissant
d'Ewéry installé à Fombori et Seydou Issabré
habitant Ewéry. Boureima Issabré aurait quité Ewéry
pour partir s'installer à Fombori parmi
S6
les ONGOÏBA parce qu'il étai traqué
par ses frères de Ewéry. Ainsi il avait des terres, donc il
fallait lui reconnaître ses terres et leur limite avec celles de ses
autres frères. Dans le procès de 1947 le père de Wandia
ONGOÏBA actuel chef de village de Fombori avait témoigné en
faveur de Seydou ISSABRE
Pour Boureima ISSABRE qui hérita de la parcelle
de Seydou ISSABRE après la mort de ce dernier lorsqu'on faisait la
délimitation des terres entre Boureima ISSABRE et Seydou ISSABRE, aucun
ONGOÏBA n'était concerné ; que c'est après la mort de
ce dernier que Wandia ONGOÏBA a voulu se mêler de cette affaire et
lui retirer sa parcelle. Les Gens d'Ewéry rapportent qu'il n y a jamais
eu de litige sur des limites entre Ewéry et Fombori car c'est le village
d'Ewéry qui est le propriétaire coutumier des terres de Fombori
et que cela s'explique par le fait que selon la coutume Fombori leur apporte
chaque année des fagots de bois, pour eux cela représente une
preuve irréfutable. Toujours selon les populations de Ewéry,
s'ils en sont là c'est parce que le village de Fombory dispose d'appuis
forts à Bamako et qu'ils veulent leur retirer leurs terres.
Quant aux communautés villageoises
représentées par Wandia,Tondiony et Hassim
ONGOÏBA tous des notables du village, il y aurait
eu un problème de limite entre eux et Ewéry depuis 1907 et que le
litige fut tranché en 1947 par une délimitation qui va d'une
montagne située sur le territoire d'Ewéry et qu'à partir
de cette montagne en allant à l'est jusqu'à deux
kilomètres et sur la route de Douma l'on se rend compte selon lui que le
côté droit de la route appartient à Fombori et que c'est un
blanc qui était venu faire la délimitation et que depuis lors; il
n'y a plus eu de délimitation.
Quant à l'autre partie, elle soutient que la
délimitation de 1947 portait sur un litige entre Douentza et
Ewéry. Ceci est attesté par le chef de village actuel de Douentza
en la personne de Sadou CISSE. Selon ce dernier en 1947, à sa
connaissance il y avait un litige entre Boureima ISSABRE et Seydou ISSABRE. Que
le blanc avait demandé à qui appartenait les terres et qu'il a
été décidé que les terres appartenaient à
Ewéry. La délimitation a eu lieu toujours selon ce dernier en
1964 et qu'elle fut faite selon le constat
57
fait en 1947 par le blanc c'est-à-dire à
partir de la montagne située sur le territoire d'Ewéry en suivant
des touffes d'arbres particuliers bien rangés allant de la montagne
à Pétaka. Cette délimitation aurait été
faite par le commandant de cercle de l'époque qui les avait
matérialisé par des bornes et des piquets.
Après le jugement rendu en 1947, les
populations de Fombory firent appel et un autre jugement fut rendu (celui du 10
Mai 1990) qui a confirmé celui de 1947 et contre lequel les
représentants de Fombory ont interjeté appel.
Cependant malgré le jugement rendu en faveur
des populations d'Ewéry, les populations de Fombory ont refusé
l'exécution de la décision judiciaire. En 1990 un huissier muni
de la grosse fut chargé de la délimitation, les autorités
de Fombory villageoises ont refusé de participer aux travaux. En 1998
une autre tentative de délimitation tourna à l'affrontement, un
homme y perdit l'oeil.
|